Des créations ancrées en profondeur dans leurs environnements
Chacun de leur projet commence avec un voyage, fruit de leurs volontés conjuguées de saisir puis retranscrire l’essence de l’endroit où ils seront amenés à travailler. « Nous ne voulons pas faire ce que nous faisons lorsque nous sommes en terrain connu pour simplement le transposer ailleurs » déclarent les trois lauréats du prix Pritzker. Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta ont fondé le cabinet RCR Arquitectes en 1988 à Olot, en Catalogne, où ils travaillent ensemble depuis près de trente ans. Fort d’une cinquantaine de réalisations, le trio a conçu une grande variété d’espaces que l’on retrouve aujourd’hui en Espagne, en Belgique, en France et aux Émirats Arabes Unis. Les membres du jury affirment avoir été séduits par « l’ancrage fort » de l’ensemble des œuvres du collectif dans les lieux qui les accueillent. « Nous vivons dans un monde globalisé où nous devons nous appuyer sur des influences internationales, les échanges commerciaux... De plus en plus de gens craignent qu’à cause de ces influences nous perdions nos valeurs locales, notre art local, nos coutumes » déclarent-ils. « Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta nous disent qu'il est possible d'avoir les deux ».
La réussite architecturale du Musée Soulages
On retrouve toutes les qualités de cette architecture « émotionnelle et expérimentale » dans les réalisations françaises de RCR Arquitectes. Le cabinet a notamment conçu le Centre d’art la Cuisine, à Nègrepelisse et le Musée Soulages de Rodez, en association avec Passelac & Roques. Placé sur le flanc nord du jardin de Foirail – où Soulages jouait enfant – le Musée est considéré, depuis son ouverture au public en 2014, comme une réussite architecturale et culturelle. Benoît Decron, son directeur, est heureux de voir l’agence RCR arquitectes - « [choisie] entre 98 architectes et cabinets d'architectes, dont Jean Nouvel, Paul Andreu, Kengo Kuma, Dominique Perrault, Marc Barani » - consacrée par le prix Pritzer, considéré comme le prix Nobel d’architecture. « Ils ont travaillé dans un esprit très proche de Soulages, notamment en privilégiant les passages ombres et lumières, en reprenant avec l’acier Corten l’idée, la couleur et la matière du brou de noix cher au peintre », déclare-t-il dans une interview donnée au Figaro. Le jury n’a, de son côté, pas manqué de saluer « la symbiose » existant entre le musée et l’artiste « qui semble peindre avec la lumière ». « Ce bâtiment en acier aux formes géométriques puissantes, en porte-à-faux par rapport au site, donne l’impression de défier toute gravité et entretient, comme beaucoup de leurs œuvres, un dialogue avec le paysage environnant ».
Renouveler notre regard sur l’architecture
En dévoilant, en octobre 2015, une « stratégie nationale pour l’architecture », la ministre de la Culture et de la Communication réaffirmait « la valeur ajoutée de l’architecture pour la société et celle de la profession d’architecte dans l’économie de la construction et de la création, en France et sur le plan international ». La remise du prix Pritzker aux concepteurs du musée Soulages tend à prouver que le renouvellement attendu du regard porté sur l’architecture passe aussi bien par le rayonnement des architectes français à l’international que par celui des architectes internationaux en France.
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