Équipements phares de la décentralisation culturelle, les scènes nationales sont l'un des principaux moteurs du dynamisme créatif des territoires. Deuxième volet de notre enquête sur ces lieux pluridisciplinaires : comment construit-on une saison dans un lieu ouvert à tous les arts ? (2/4)

A l'occasion de la 3e édition d' "Effet scènes", la manifestation qui met en lumière, jusqu'au 19 mars, le réseau des 74 scènes nationales, nous avons souhaité revenir sur l'engagement de ces piliers de la décentralisation culturelle, devenus l'un des éléments incontournables du dynamisme culturel des territoires. Cette semaine, deuxième volet de notre série sur ces équipements pluridisciplinaires : comment construit-on une saison dans un lieu ouvert à tous les arts ? Le témoignage de Philippe Bachman, directeur de La Comète - Scène nationale de Châlons-en-Champagne et de War on Screen, festival international de cinéma.

Partie émergée de l’activité d’une scène nationale, la programmation est ouverte à toutes les formes et tous les langages artistiques.  Cette ouverture large est particulièrement vitale dans une agglomération de 80 000 habitants comme Châlons-en-Champagne. Elle permet d’offrir un panorama de la création d’aujourd’hui, et donne les clefs des tendances esthétiques actuelles pour qui souhaite les creuser. Elle facilite l’abolition des frontières entre groupes de publics, ce qui est sans doute plus difficile dans les lieux spécialisés plus propices au renfermement sur des catégories de publics partageant mêmes goûts et pratiques.

Le fait que je sois issu du monde musical - et toujours attaché à conserver une activité de composition pour la scène - illustre le socle multidisciplinaire propre au label. Les scènes nationales sont des théâtres, au sens architectural mais dans lesquels la discipline théâtrale, jadis majoritaire, voisine équitablement avec musique, danse, cirque, arts visuels, sans rapport de hiérarchie et en dialogue permanent. Travaillant en équipe, j’assume directement la totalité de la programmation, quelle qu’en soit la discipline.

"Diversité, cohérence, pluridisciplinarité"

Pour autant, la programmation n’est pas un fourre-tout, ni un catalogue des spectacles à la mode. Construire une saison, c’est comme composer le menu d’un grand restaurant. Tout y a sa place dans un agencement logique et savoureux. Les équilibres y sont multiples : disciplines artistiques, générations d’artistes, femmes/hommes, variétés des esthétiques, des répertoires, des origines géographiques des artistes et des œuvres - du local au plus lointain, créations, productions et spectacles en diffusion, grandes et petites formes, diversité des lieux de programmation dans-les-murs et hors-les-murs.

Construire une saison, c’est comme composer le menu d’un grand restaurant. Tout y a sa place dans un agencement logique et savoureux

Construire une saison, c’est être au fait de ce qui se produit de façon la plus exhaustive possible. C’est faire des choix (une scène nationale reçoit environ 10 000 propositions/an pour en moyenne entre 80 et 180 représentations - 120 pour la Comète). Sans quotas préétablis, diversité et cohérence sont les lignes de force. Des thèmes charpentent l’ensemble, des spectacles souvent se répondent, s’attachant par exemple à la scène contemporaine d’un territoire (j’ai présenté 5 compagnies de la Ville de Québec) ou présentant plusieurs facettes d’un même artiste. Généraliste, la programmation est pourtant l’émanation du projet artistique portée - comme dans chaque scène nationale - par une direction artistique fortement incarnée. Pour ma part, l’axe international est très développé.

"Festival, identité, territoire"

Une saison possède sa propre dramaturgie et son rythme au long cours, avec des temps forts qui sculptent une identité plus spécifique. Tandis qu’une temporalité de saison représente le socle de l’activité permanente d’une maison, un festival apporte un complément dynamique, une valeur ajoutée aux multiples vertus. Cela permet de renforcer l’identification du lieu et du territoire, dynamiser la saison, fédérer les équipes, attirer de nouveaux publics, impulser des partenariats artistiques et culturels renouvelés, animer un territoire élargi et plus dense, investir la ville, conquérir de nouvelles sources de financements, faciliter une couverture presse nationale et créer un espace sans pareil de rencontres, d’expérimentations, d’innovation.

A la Comète, l’identité spécifique se fonde sur la présence de 2 festivals annuels originaux. War on Screen (100 films sur la représentation des conflits à l’écran) et Illusions (panorama du renouveau de la magie) et la coordination d’un réseau européen rassemblant 18 lieux d’architecture circulaire basés dans 10 pays (Réseau 360°).