Si les investigations sur l'architecture du second XXe siècle datent maintenant d'une dizaine d'années, ce patrimoine reste largement moins reconnu par l'édilité et le public, d'où l'intérêt des recensements et des travaux monographiques proposés ici.
En toute logique, après la phase de recensement délimitant le corpus des ensembles et résidences à Marseille dans son extension, il s'est agit ici d'en réduire les contours pour en développer une plus grande compréhension, formalisée par les fiches monographiques. Par définition celles-ci ne rendent compte que d'un seul objet du corpus, mais l'ensemble des monographies constitue une collection portant ainsi sur une série d'objets analogues autorisant par la suite la construction de typologies, de classifications et de comparaisons.
1.1546 - La Solidarité
quartier de Notre-Dame Limite, 15e arrondissement au nord de la ville
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1546, p 47. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : La Solidarité
chemin des Bourrely, quartier Notre-Dame Limite 13015
Lambert 3 : lat. 3.03377 ; long. 43.3862
Accès : bus RTM n° 97 direct Vieux-Port par autoroute, n° 26 M2 Bougainville M2 Saint-Charles, M1 Vieux-Port
propriétaire : Société Nouvelle D'HLM de Marseille : groupe UNICIL , 11 Rue d'Armény, Marseille 13006 04 91 13 91 13
programme : Groupe d'habitations de 938 logements, 748 après 1993.
Maître d'ouvrage : Société Nouvelle d'HLM.
Ensemble de 10 immeubles (A à I). Groupe scolaire, centre commercial, centre social.dates, auteursÉtudes : 1971. Livraison : 1974
Pierre Laugier, Robert Theric, M. Adrey, architectes.
Entreprise Sormae.
Réhabilitation : C. Mouton, B. Pinon, architectes 1993, ANRU en cours (Grand Projet de Ville).
site : En limite de la commune de Septèmes, entre le Parc Kalliste et les terrains de la Bigotte. Longé à l'est par un couloir de ligne haute tension. Terrain escarpé entre 270 et 205 m, proche du ravin des Maillans, qui donne au site une échelle monumentale de grand paysage. Parcelle 17,5 ha à l'origine, rendue constructible par la création d'une ZAC en 1972.
plan de masse : Implantation sur une ligne de crête, très exposée. Composé d'une herse de cinq tours (R+18 et R+19) et cinq barres (R+7 et R+10). Épannelage progressif entre le bas du terrain (barres) et le haut (tours). Centre commercial en bordure du domaine public, groupe scolaire à l'est du terrain.
bâti : Barres (12,00 m d'épaisseur) travées de 2,70 à 3,60 m, traversantes. Logements traversants 2 par niveau, distribution par cages en batterie. Tours massives de 16,00m x 32,00m six logements par étages, dont certain mono orientés. Construction tout béton, éléments de façades préfabriqués panneaux moulés avec divers reliefs.
sources : AD : 2071 W 23 (67.045), 165 W 863
SNHLM UNICIL non côtées
Rapport d'étude ANRU (Habitat et Territoires Conseil)
Contexte :
L'origine du projet remonte à 1963 lorsque va être demandée une autorisation préalable pour 1 073 logements par une entreprise d'Antibes avec les architectes P. Jaume, P. Liogier et R. Theric. Le projet, lié à la très forte tension du marché du logement consécutive à la fin du conflit algérien, se heurtera par deux fois à un refus : le terrain se trouve hors du périmètre d'agglomération du Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
Un nouveau projet est produit en 1971 sur la base d'un "modèle régional". Lié à plusieurs entreprises (Terrier Jangot, Souvehec et Portal), il s'inscrira dans la ZAC de La Solidarité déclarée en janvier 1972. Le modèle prêt à construire ne donnera pas lieu à un permis de construire.
Le projet ne variera guère entre 1963 et 1971 et on peut saisir encore toute l'influence de l'architecte conseil Xavier Arsène Henry, à travers la forte prise de site.
Description :
Le plan de masse d'origine est en paliers selon la forte déclivité sud-est, donnant une différence de 7 étages entre les parties en pied de terrain et celles sur la ligne de crête. Les bandes d'immeubles s'étagent sur autant de plateformes, tours et barres s'encastrant parfois de plusieurs niveaux dans la pente.
L'étagement donne au plus haut un alignement de trois tours en herse (ABC), se terminant à l'est par deux barres décalées et mitoyennes (GL).
Une deuxième plateforme comporte deux tours à l'équerre ouverte à l'est (DE), que prolonge une barre (M). Plus bas, sur le front méridional de l'ensemble, deux longues barres viennent recadrer les limites basses et latérales de l'opération (N J). Au nord-est, l'alignement est strict, défini par le couloir de lignes à haute tension.
Les parkings sont répartis essentiellement en périphérie des constructions, laissant libre un espace en équerre dont le sommet est matérialisé, sur le plan de masse d'octobre 1974, par un petit amphithéâtre.
Bien que formant une certaine unité avec La Granière et Le Parc Kalliste, La Solidarité part d'une conception très différente. Les groupes d'habitations de Claude Gros se situent dans la tradition corbuséenne où chaque bâtiment est relativement autonome au sein d'un plan en extension (cf. J.-P. Fortin). Chacun d'entre eux établit une relation d'inclusion dans la nature (pinède et vue lointaine sur la rade de Marseille) et un grand soin a été apporté pour limiter les vis-à-vis.
C'est l'inverse pour La Solidarité. Malgré un épannelage élevé, le projet fait buter les perspectives intérieures sur des façades, limitant l'horizon au bâti. C'est ce qu'on peut lire sur les façades de juin 1971 où les espaces au pied des immeubles constituent un vaste domaine public fait de commerces sur dalle, parkings bâtis et ouverts sur des passages piétons adossés. Ce principe d'urbanisme tridimensionnel avec un développement spatial des espaces internes se réfère à un modèle de paysage très minéral qui laisse la nature à l'extérieur du dispositif.
Plus que les thèses de G. Candilis, S. Woods et A. Josic sur Toulouse-Le-Mirail, on évoquera l'Essai pour une Ville Totale de Jean-Claude Bernard (1967). Selon D. Basdevant, les fonctions urbaines sont intégrées dans un ensemble compact, faisant disparaître l'immeuble au profit d'une masse globale et homogène de la ville.
La réalisation ne suivra pas le projet et c'est un sol déclif, heurté de terrasses qui constituera le domaine public de La Solidarité. La distribution des immeubles est surtout marquée par le sens du rendement économique que portaient en eux les modèles prêts à construire, et particulièrement les tours peu effilées (19,00 x 32,00 m) avec leurs six appartements par étage.
Enfin, il faut noter le travail de texture sur les bétons moulés, soit à partir de panneaux préfabriqués tridimensionnels en applique sur les pignons, soit d'empreintes en fond de moule coulé en place.
Ces préoccupations sont directement issues de l'expérience de la Cité Air Bel à laquelle participèrent Bernard Lassus, plasticien et Georges Lefèvre, alors paysagiste.
En 1993, la réhabilitation de La Solidarité a porté sur les réaménagements de ces espaces extérieurs difficiles à pratiquer et à gérer et surtout sur la démolition des bâtiments qui participaient à cette référence de ville dense et minérale évoquée plus haut. Il semble que les projets de l'Agence Nationale de Rénovation Urbaine reconduisent la destruction d'immeubles pour revenir à un système de barres et tours isolées ouvert et anti-perspectif.
Auteurs :
Robert Théric,
aujourd'hui décédé, est né en 28 octobre 1927 à Marseille et obtient son diplôme en 1953. Il réalise des projets de logements à Jouques, Plan-de-Cuques, Fos, La Ciotat et Marseille.
Pierre Liogier,
son aîné, réalise des projets à Marseille : La Timone, La Canebière, Saint-Mauron, Les Chartreux, Bon Secours ou encore Le Pharo.
Associés, ils réalisent à Marseille :
Bon Secours, habitation HLM, 1962,
La Cerisaie, habitation HLM, 1963,
La Timone, habitation HLM, 1964,
Le Pharo, habitation, 1969,
Air Bel, habitation HLM, 1973.
+ Associés à M. Adrey,. B. Lassus, G. Lefevre.
Fichiers associés :
- Carte du 15e arrondissement de Marseille
- Notice monographique documentée
© Thierry Durousseau, 2004-2005