Si les investigations sur l'architecture du second XXe siècle datent maintenant d'une dizaine d'années, ce patrimoine reste largement moins reconnu par l'édilité et le public, d'où l'intérêt des recensements et des travaux monographiques proposés ici.
En toute logique, après la phase de recensement délimitant le corpus des ensembles et résidences à Marseille dans son extension, il s'est agit ici d'en réduire les contours pour en développer une plus grande compréhension, formalisée par les fiches monographiques. Par définition celles-ci ne rendent compte que d'un seul objet du corpus, mais l'ensemble des monographies constitue une collection portant ainsi sur une série d'objets analogues autorisant par la suite la construction de typologies, de classifications et de comparaisons.
1.1530/31/32 - L'Américaine I, II, III
Les Borels, nord-est du 15e arrondissement
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1530/31/32, p 46. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : L'Américaine
1, 2 & 3, 17 chemin de Saint-Antoine, quartier Saint-Antoine 13015
Lambert : lat. 3.2616 ; long. 43.3702
Accès : bus n° 26 : métro Bougainville - La Martine , bus n° 121 : Circulaire Hôpital Nord Notre-Dame Limite, bus n° 122 : Circulaire Hôpital Nord Gavotte Peyret
propriétaire : Syndicat des Copropriétaires
programme : Groupes d'habitations de 332, 151 et 174 logements, stationnement collectif, équipements publics et deux centres commerciaux.
Maître d'ouvrage : La Société Marseillaise d'Habitations - Coopérative d'HLM (accession sociale) et Zographos (accession privée).
Ensemble de 8 immeubles : tours barres et grecques. Proximité des équipements de quartier.
dates, auteurs : Études à partir de 1963, réalisation en trois tranches successives. Achèvement de travaux 1969.
P. Averous, M. Scialom, architectes, R. Perrachon, collaborateur.
Polychromie, F. Martinelli, peintre.
Bureau d'études, SOFRAL.
Entreprise, Société Marseille de Travaux.
site : Au nord de la cluse du ruisseau des Aygalades. Altitude entre 116,00 et 150,00 m, pente vers le sud. Secteur d'habitation en ordre discontinu secteur C sur le Plan d'Urbanisme Directeur de 1949. Servitude de passage de la voie S3 b.
plan de masse : Plan en trois îlots séparés par la trouée du boulevard et un petit lotissement. Les îlots sont centrés sur des petits centres commerciaux, l'ensemble forme un alignement de tours, entouré d' immeubles en grecques.
bâti : Structure voiles et planchers béton. Façade en béton coulé en place. Tours très plastiques. Belle coloration dénaturée. Bon état général.
sources : AD : 23 (67.552), 25 (70.375), 165 W 988, 963, 77 J 196-220, 514-520
Revue Prado n° 2 , 1966
Contexte :
Un peu en amont de la cluse des Aygalades, le site est à la croisée de plusieurs infrastructures : l'autoroute, le pont viaduc de la ligne de Gardanne, le ruisseau des Aygalades, le chemin de Saint-Antoine à Saint-Joseph et le Canal de Marseille. Les terrains sont sur un versant méridional au-dessus du lit du ruisseau et au passage vers le plateau de La Martine. Les plans de géomètres montrent un dispositif positif bastidaire. Une maison de maître implantée à mi-pente, avec terrasse et escalier descendant sur un jardin étagé et pièce d'eau ovale dans l'axe général. Un peu plus loin, on distingue les bâtiments d'un corps de ferme ainsi qu'une clôture avec portail. Somme toute un endroit agréable.
Lorsqu'en 1963 le projet est envisagé, la forte demande immobilière à Marseille est accrue de l'arrivée dans la ville des rapatriés d'Algérie. La caractéristique principale de l'opération reste, à côté du programme d'accession à la propriété privée réalisé par le promoteur constructeur Zographos, d'avoir su ménager une part importante à l'accession sociale avec une société coopérative d'HLM : La Marseillaise d'Habitation. Les financements d'HLM en accession sont activés avec la fin, en 1963, des financements LOGECO, par un prêt couvrant 60% du coût total à 5% sur 25 ans ; le complément étant financé par la Caisse des Dépôts et Consignation. Enfin avec la création des Plans d'Epargne Logement, ouverts au secteur bancaire, l'accession à la propriété sera privilégiée. L'ensemble de l'Américaine sera néanmoins traité architecturalement d'égale façon quelle que soit son origine de financement.
Description :
La faible largeur du chemin de Saint-Antoine à Saint-Joseph, son croisement avec l'autoroute A7 avait amené à prévoir une voie nouvelle, la S3b, pour améliorer l'accès vers l'Hôpital Nord. Aussi le terrain va-t-il se voir grevé de la servitude d'une trouée de 20 m sinuant à travers la pente. Le plan de masse compose avec tout cela, répartissant trois îlots de part et d'autre de la trouée, de façon à ce que les intervalles entre les îlots englobent l'échelle de la voie nouvelle. La composition est ainsi inscrite dans un triangle, pointe au sud, calant un côté au nord par deux immeubles en grecque se répondant de chaque côté de la voie. Cette unité relative est renforcée par les trois tours, une à l'ouest et deux à l'est, formant un alignement diagonal. L'ensemble de l'Américaine se présente donc dans la pente comme une suite étagée de fronts d'immeubles de cinq niveaux, traversés par l'alignement de tours de treize étages implantées à divers niveaux de la pente évitant ainsi un effet de répétition. Ce type de plan, très spatial, était défini comme plan de masse ouvert au moment de la construction de l'Américaine. C'est-à-dire un plan asymétrique et antiperspectif, privilégiant une distribution des immeubles aérée et équilibrée dans les masses bâties, l'ouverture permettant de poursuivre le plan de masse à travers d'autres ensembles connexes de façon relativement unitaire. C'est ce que Jean Patrick Fortin décrit comme plan de masse en extension.
Tours, grecques, équerres et barres composent les typologies du plan. En fait on a ici deux types différents : les éléments linéaires, qui se déclinent par addition ou retournements, et les tours qui se développent verticalement.
Les éléments linéaires distribuent deux appartements traversants de 3 et 4 pièces par étage. Ce mode est alors assez usité, à ceci près que les architectes utilisent une structure de refends dont l'entraxe est de l'ordre de 5,40 m ce qui est assez rare pour la période à Marseille. L'architecture est traitée de façon franchement horizontale, celle des loggias au sud et en arrière des fenêtres-bandeau seulement interrompues par la saillie d'une tête de voile en séparatif. Immeubles en équerres et en grecques déclineront ce principe.
Les tours sont d'une facture particulièrement intéressante, centrée sur la question récurrente de l'élancement rencontrée simultanément par les auteurs pour l'opération des Lierres. Les tours ne sont pas très hautes avec un plan distribuant quatre appartements par étage, répartis symétriquement aux quatre coins d'un carré de 21 m de côté. Sur cette base c'est d'abord la structure qui est singulière. Autour d'un noyau central de circulation, quatre voiles divisent le plan en quatre quarts, mais une deuxième structure concentrique et non liée à la première faite d'équerres de béton encadre les pièces de séjour situées aux angles du bâtiment.
Quant à la question de l'élancement, comme il ne peut être amélioré par le volume de l'immeuble, c'est sur la façade qu'il se règlera. Pleins et vides sont condensés dans de grandes verticales affinant les silhouettes, les fenêtres se trouvent en fond de loggias de même taille, dessinant une ombre plus qu'une menuiserie. Sur ce fond, se détache une grille faite des séparatifs verticaux, des planchers et des lisses de garde-corps horizontaux formant une continuité de parois avec les parties pleines qui paraissent ajourées à cet endroit. Pour éviter encore le caractère binaire des rapports pleins - vides, des décalages de fenêtres hors des travées verticales vont créer des accidents encochant les pleins, les affinant. Un peu comme peut le faire une gradation de mesure dont certains repères sont plus longs et donnent des discontinuités dans les divisions. Entre ces décalages, on peut encore lire comme des registres différents l'architecture. À la livraison des programmes, une très élégante coloration, due à Françoise Martinelli, faite de gris et blanc pour les pleins et d'un très beau rouge carminé pour les voiles saillants, servait parfaitement le dispositif architectural. Cette mise en teinte à aujourd'hui disparu ou s'est affadie, l'architecture s'en trouve particulièrement alourdie.
Auteurs :
Pierre Averous et Maurice Scialom
Pierre Averous né en 1927 à Marseille et Maurice Scialom d'un an son cadet, sont diplômés en 1953. Ce dernier collaborera avec André Devin pour Campagne Larousse en 1958.
À partir de 1957, l'association de P. Averous et M. Scialom donnera un certain nombre de réalisations à Marseille :
Saint-Barthélémy, Picon-Busserine, 1962, avec Bondon et Madeline,
Les Cèdres, 1965,
Les Lierres, 1968,
Massalia Jaurès, 1969,
Les Néreides, 1971.
Par la suite Pierre Averous sera un des membres fondateurs de l'Atelier Delta avec Yves Bonnel, Louis Dallest, Raymond Perrachon puis Bernard Tarazzi.
Fichiers associés :
- Carte du 15e arrondissement de Marseille
- Notice monographique imprimable
© Thierry Durousseau, 2004-2005