Si les investigations sur l'architecture du second XXe siècle datent maintenant d'une dizaine d'années, ce patrimoine reste largement moins reconnu par l'édilité et le public, d'où l'intérêt des recensements et des travaux monographiques proposés ici.
En toute logique, après la phase de recensement délimitant le corpus des ensembles et résidences à Marseille dans son extension, il s'est agit ici d'en réduire les contours pour en développer une plus grande compréhension, formalisée par les fiches monographiques. Par définition celles-ci ne rendent compte que d'un seul objet du corpus, mais l'ensemble des monographies constitue une collection portant ainsi sur une série d'objets analogues autorisant par la suite la construction de typologies, de classifications et de comparaisons.
14.1521 - La Viste
La viste, 15e arrondissement, nord de Marseille
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1521, p 45. 2005
Label Patrimoine du XXe siècle, 2006
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : Cité de La Viste
52, route nationale de La Viste, quartier de La Viste 13015
Lambert 3 : latitude 3.02388 ; longitude 43.3553
Accès : métro n° 2 Bougainville
bus 25 : Bougainville - La Martine
propriétaire : Erilia, 78bis, rue Perrin Sollier, 13006 Marseille, 04 91 18 45 45, PDG H. Voglimacci
programme : Ensemble groupe d'habitations avec commerces, écoles.
Maître d'ouvrage : Société Marseillaise Mixte de Construction et d'Aménagements Communaux, SAMCLE, SEM ville-SCIC.
Programme de 703 logements. Ensemble de 4 groupes d'immeubles 3 tours. Proximité des équipements scolaires et commerciaux.
dates, auteurs : Concours : 1958. PC initial : 1959. Certificat de conformité : 1964.
Georges Candilis, Alexis Josic, Shadrach Woods et Louis Olmeta, architectes avec l'ingénieur Paul Dony.
Entreprise générale, Construction Moderne Française.
site : Le long de la RN8 vers Aix-en-Provence. Versant sud du plateau de La Viste, entre les carrières des Tuileries et la cluse des Aygalades. Altitude entre 100,00 et 126,00 m. Terrain initial 14 ha. Zone d'habitation Secteur E du Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Très bien inscrit dans le site dominant, ensemble signal perçu depuis les entrées nord de la ville. Épannelage : 3 tours R+18 à R+22 insérées en plan dans la bordure de quatre immeubles bas R+4 formant des équerres et des manivelles. Les espaces bordés par les constructions sont continus et ouverts au sud.
bâti : Constructions sur refends de 3,60 m d'entraxe maximum. Façades divisées en bandeaux horizontaux et panneaux, volets coulissants formant une des identités de l'opération. Bon état général.
sources : AD : 2071 W 15 (44.321), 165 W 412-413, 329, 12 O 1835, 2217
Bâtir n° 112, 1962
Le Carré Bleu n° 3, 1962
Candilis, Woods, Josic. Eyrolle Paris, 1968
Architectural Design n° 1, 1965. Architecture d'Aujourd'hui n° 85, 1959
Architectures Formes & Fonctions n° 5, 1964
Arch. Forum n° 5, 1964
Guide d'architecture, Marseille, 1945-1993 : M. H. Biget, J. Sbriglio, Parenthèses, 1993
Contexte :
L'opération de La Viste naît dans la suite des grands concours architectes-entreprises lancés à partir de 1947 pour accélérer le rythme de constructions et développer l'industrialisation du bâtiment : on passe de 200 logements en 47 à 800 en 1951 pour atteindre des groupes de 4 000 vers 1957-58. Très présente sur ce front, on retrouve la SCIC de la Caisse des Dépôts, qui constitue des SEM avec les villes d'accueil de ces programmes. Ces opérations doivent être comparées avec les 4 000 logements de la Courneuve.
Les concours des 4000 sont mieux organisés que les précédents, terrains et financements sont réservés, ce qui donnera des projets plus concrets. À Marseille, les 4 000 logements sont dédiés au relogement des habitants des îlots insalubres en cours de résorption. Terminés au début des années soixante, ils abriteront une partie des rapatriés d'Algérie. Quatre terrains étaient réservés à ce programme : Malpassé, Saint-Barthélemy, La Viste et les terrains dit de Foresta où sont aujourd'hui installés le Plan d'Aou, La Castellane et La Bricarde.
Les terrains de La Viste seront achetés par la SCIC aux institutions Timon David et La Salvatrix.
Description :
Au moment où en France les plans d'urbanisme se font sur le principe de la séparation des types bâtis (barres, tours, plaques), l'équipe de Georges Candilis propose en réponse au concours des 4000 de Marseille une continuité entre tours de plus de 18 étages et bâtiments bas qui se déboîtent les uns par rapport aux autres. Cela donne des circulations continues et maillées, des espaces ouverts sur le site mais bordés par le bâti. Cette conception très opposée aux grands ensembles français, vient de son expérience des tissus urbains continus analysés par M. Ecochard à propos de l'habitat collectif méditerranéen. Il développera ce principe à partir de 1956 sur le programme de Bagnols-sur-Cèze.
Sur l'habitat, terme préféré à celui de logement, Candilis reprend les modèles de L. Kahn où les logements sont considérés comme "servis" et les installations afférentes (rues, voies, services, espaces d'activité, pédagogiques, culturels, sociaux et commerciaux) sont considérées comme "servantes".
Les architectes font une partition entre les fonctions déterminées (accès, rangement, cuisines et salles de bain) d'une part pour lesquelles ils recherchent un optimum d'efficacité et, d'autre part les fonctions non précisément établies - indéterminées - qui peuvent être modifiées et auxquelles il affecte le maximum de flexibilité.
Les trois tours, constructions à plusieurs branches reliées par une circulation linéaire et éclairée naturellement, distribuent sept logements par niveaux. Chaque branche est autonome et comporte deux ou trois appartements. Leur disposition parallèle ou en épi par rapport à la ligne de distribution permet les meilleures orientations possibles. La volumétrie est déterminée par la superficie des appartements, dont l'épaisseur relativement faible (6,64 m) donne des faces très élancées.
Ces grandes flèches aux allures si différentes selon qu'on les perçoit de face ou de profil sont un repère majeur de l'entrée en ville tant depuis le nord où se joue une sorte de symétrie avec l'opération Chanterac, de l'autre côté de l'autoroute A7, qu'au sortir du tunnel des Quatre Vents où les trois signaux dessinent l'étagement de la ville basse à celle des plateaux.
Pour les immeubles bas, les cages d'escaliers sont articulées directement avec les cuisines et les sanitaires, éléments très condensés. Le principe de la mono-gaine regroupe les pièces humides au centre de l'immeuble, la double porte de la salle de bains est prévue pour en améliorer la ventilation.
Les structures sont assez étroites avec des portées libres de 3,60 m maximum, mais les voiles ne sont pas continues permettant une certaine évolution. L'évolutivité des fonctions indéterminées est au centre des préoccupations des architectes. On notera à ce sujet, la présence sur le site de deux appartements témoins, sortes de maquettes grandeur lors du chantier, qui servent, aujourd'hui, de bureaux aux logeurs.
G. Candilis refuse toute expression autonome de la façade, le mur extérieur est la façade, comme au XIXe siècle. L'unité du projet lui paraît cependant nécessaire, sous condition que l'individuel soit toujours exprimé à l'intérieur de cette harmonie générale.
L'architecture, orthogonale, est liée à son économie et à sa mise en œuvre ; bandeaux et panneaux déterminent les vides des baies qui se répètent dans la série.
"À la Viste, l'intention est d'animer l'extérieur du bâtiment par l'usage de panneaux coulissants. Les fenêtres des appartements sont équipées de volets coulissants. Ces volets sont peints de la même couleur que les murs extérieurs, ainsi, les ouvertures apparaissent et disparaissent, modifiants constamment l'aspect des façades, exprimant la vie à l'intérieur des bâtiments". C'est une conception dynamique de la façade qu'inventent ici Candilis, Woods et Olmeta.
La couleur aussi est partie prenante du dispositif. La polychromie réhabilitée, plus respectueuse ici qu'ailleurs, aura quand même opéré des centaines de simplifications.
Auteur :
Georges Candilis (1913-1995)
reviendra plusieurs fois à Marseille entre 1947 et 1960.
Chantier de la Cité Radieuse, il rencontre S.Woods avec lequel il s'associe. Il participe à l'ARBAT-Maroc aux travaux de M. Ecochard sur l'Habitat Collectif Méditerranéen.
1949, Pavillon Eternit à la Foire de Marseille,
1953, CIAM IX à Aix-en-Provence,
1954, participe à la constitution du Team Ten, rencontre A. Josic qui rejoindra son équipe,
1955, Concours Million à Marseille : Bon Secours, Petit Séminaire avec J. M. Sourdeau, Le Duc,
1956 - 61, 1 800 logements de Bagnols-sur-Cèze (avec C. Delfante),
1958, Concours des 4000 : Malpassé, Saint-Barthélemy,
1960, Concours extension de l'Hôtel de Ville, Marseille,
1961, Le Mirail à Toulouse,
1962, Le Petit Nice à Aix-en-Provence,
1963, Les Mûriers à Manosque.
Fichiers associés :
- Carte du 15e arrondissement de Marseille
- Notice monographique imprimable
© Thierry Durousseau, 2004-2005