Si les investigations sur l'architecture du second XXe siècle datent maintenant d'une dizaine d'années, ce patrimoine reste largement moins reconnu par l'édilité et le public, d'où l'intérêt des recensements et des travaux monographiques proposés ici.
En toute logique, après la phase de recensement délimitant le corpus des ensembles et résidences à Marseille dans son extension, il s'est agit ici d'en réduire les contours pour en développer une plus grande compréhension, formalisée par les fiches monographiques. Par définition celles-ci ne rendent compte que d'un seul objet du corpus, mais l'ensemble des monographies constitue une collection portant ainsi sur une série d'objets analogues autorisant par la suite la construction de typologies, de classifications et de comparaisons.
1.1350 - La Bastide
le 13e arrondissement, nord-est de la ville
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 1350, p 35. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : La Bastide
quartier Saint-Just 13013
Lambert 3 : latitude 3.07228 ; longitude 43.3229
Accès : métro n° 1 : La Timone - La Rose ou
bus 41 : rond-point du Prado - La Rose puis, bus 53 : Saint-Just - La Busserine
propriétaire : Syndicat des copropriétaires de La Bastide, 54-56 avenue Corot, 13013 Marseille
programme : Groupe d'habitation de 100 logements.
Maître d'ouvrage,SCI La Bastide.
Ensemble de 7 immeubles liés en grappe.
dates, auteurs : Permis de construire en 1964, déclaration d'achèvement de travaux en 1967.
G. Lefèvre et J. Agopian, architectes.
Entreprise P. Honnorat.
site : Parc de 13 530 m2, déclivité vers le sud-est. Altitude entre 79,00 m (bas du jardin) et 85,00 m (cour ouverte). Zone d'habitation discontinue, Secteur E du Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Plan en cour irrégulière , ouverte au sud vers un parc existant. Tourne le dos au voisinage, stationnement périphérique, espace central en cour piétonne.
Épannelage : immeubles R+2 à R+4.
bâti : Structure porteuse en façade, refends béton banché formant séparatif d'appartements. Loggias orientées sud. Façades enduites, par panneaux. Aménagements extérieurs. Très bon état général : milieu très protégé malgré la proximité de la ZUP.
sources : AD : 2071 W 23 (67.330), 165 W 866
Contexte :
Le projet, au-delà de ses occurrences, s'inscrit indirectement dans l'urbanisation de la ZUP N˚1 commencée en 1961. Dans la seconde partie des années soixante, la relance de la ZUP, marquée dans ses débuts par la résorption des bidonvilles, vise à favoriser les opérations privées qui établissent des liaisons avec les tissus villageois périphériques.
Les bastides remplissent ces conditions. Dans le cadre du Plan Directeur d'Urbanisme de 1949, le secteur bastidaire est considéré comme une zone résidentielle de choix. Il appartient au domaine dit de la ville verte qui vise à protéger le caractère verdoyant des grandes propriétés en évitant leur découpage. Le règlement de la ville verte favorise les constructions d'ordre discontinu, d'une certaine densité ménageant de faibles emprises au sol. Le couvert végétal est conservé voire protégé.
Description :
Située dans cet intervalle entre la ZUP, Saint-Just et Malpassé, La Bastide s'inscrit entre les grands tracés géométriques de la cité Saint-Just Bellevue (603 logements) et la cité Saint-Jacques (120 logements) avec une composition plus irrégulière, sur un site arboré, bosquet et relique d'un petit parc dont le nom semble s'être perdu.
Regroupés au point haut du terrain, les bâtiments se distribuent autour d'une cour plantée. Les immeubles forment un contour continu évitant les géométries trop marquées. Mitoyens, ils se décalent et varient en permanence de hauteur entre deux et quatre étages formant une grappe irrégulière ouverte au sud sur la Vallée du Jarret. De ce fait la résidence tourne le dos aux grandes opérations de la ZUP. Son isolement est renforcé par la séparation des circulations automobiles et piétonnes, laissant le stationnement en périphérie des immeubles. Il suffira d'un portail à fermeture automatique pour transformer la copropriété en résidence fermée.
Au demeurant, la distribution en grappe, trouve son origine dans les plans de cités-jardins, notamment les clos qui définissent des petites poches d'urbanisation indépendantes des grands tracés viaires et distribuées en impasse autour d'une cour commune.
L'apport de l'architecture moderne, et son opposition à la cité-jardin, amènera la notion de plan antiperspectif qui évite les compositions axiales et symétriques centrées sur un élément urbain symbolique, au profit d'un tissu urbain en ordre discontinu.
Cet apport permet de retrouver les éléments du clos avec une distribution très plastique de volumes libres, ici fédérés autour d'un espace commun. C'est donc la bordure d'un espace en creux qui est recherchée, les constructions les plus basses autorisant des proximités plus grandes entre bâtiments.
Le plan du rez-de-chaussée crée assez de transparences pour que l'espace au sol n'apparaisse pas fermé, mais, au contraire d'une grande ouverture et d'une grande fluidité, requalifiant la cour en promenade architecturale plus dynamique.
Ici l'architecture compte dans son lien aux espaces et dans sa capacité à produire une certaine diversité avec peu de moyens.
Les immeubles distribuent deux à quatre logements par étage, sous formes de plots dont l'assemblage décalé des volumes permet des variations de points de vue. Dans la logique moderne de coexistence d'espaces servis et servants (cuisine et séjours) le volume habitable forme de légers décrochés au droit des cuisines, ménageant des surfaces pour les séchoirs protégés du regard par des vantelles métalliques.
Les pièces de jour donnent sur un balcon filant, marquant une architecture horizontale, balnéaire. Cette dimension est soulignée par un jeu de bandeaux d'allèges, d'acrotères et d'angles dessinant un cadre d'épaisseurs verticales et horizontales constantes qui donne l'impression d'un volume creusé dans une masse cubique.
Les façades des chambres sont plus classiques, tramées par des bandeaux et des panneaux de remplissages. On notera encore une polychromie attribuant un ton beige clair aux volumes et plusieurs valeurs de verts (du céladon au sinople) pour les vantelles, les persiennes et les fonds de loggias.
Auteurs :
Georges Lefèvre et Jean Agopian
Fondé en 1965 autour de Georges Lefèvre, l'Atelier Neuf est un des premiers groupes pluridisciplinaires constitué à Marseille à cette période.
Aux premiers associés G. Daher (Prix de Rome), A. Guien et R. Inglésakis, P. Croux et G. Magnani viennent se joindre J. Agopian, E. Sarxian puis G. Géri. En 1969, F. Guy remplace G.Lefèvre qui se tourne vers des activités de paysage.
La première équipe est fondée autour de l'opération de logements du Méditerranée dont Robert Inglésakis semble avoir été la cheville ouvrière.
On retrouve l'Atelier 9 pour :
Les Cigalons, 1963,
La Bastide et Les Petites Magalones, 1967,
La Résidence Flotte, 1972.
L'Atelier sera actif dans la période d'après 1975 avec le groupe URBAME, créé par Guy Daher, notamment dans le domaine de l'urbanisme et des premières réhabilitations des logements sociaux. Aujourd'hui, l'Atelier 9 est constitué par G. Daher, F. Guy et F. Betoulaud.
Fichiers associés :
- Carte du 13e arrondissement de Marseille
- Notice monographique documentée
© Thierry Durousseau, 2004-2005