Monsieur le Ministre, cher Gérald Darmanin,

Monsieur le Préfet, cher Georges-François Leclerc,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Monsieur le Vice-président du conseil régional, cher François Decoster,

Monsieur le Président du conseil départemental, cher Christian Poiret,

Monsieur le Vice-président de la Métropole, cher Michel Delepaul,

Madame la Maire, chère Doriane Bécue,

Madame la Présidente-Directrice du musée du Louvre, chère Laurence Des Cars,

Monsieur le Président de la Réunion des musées nationaux- Grand-Palais, cher Chris Dercon,

Monsieur le Président de la Fondation de l’Islam de France, cher Ghaleb Bencheikh el Hocine,

Madame la directrice du département des Arts de l’Islam du Louvre, Chère Yannick Lintz,

Monsieur le Directeur régional des affaires culturelles, cher Hilaire Multon,

Mesdames et Messieurs,

Je tiens tout d’abord à remercier Gérald Darmanin pour son invitation aujourd’hui, dans une ville qui lui est particulièrement chère, et autour d’une cause politique qu’il n’a cessé de porter avec courage depuis plusieurs années. Merci à vous, également, chère Doriane Bécue, pour la chaleur de votre accueil ici à Tourcoing, dont le dynamisme en matière d’offre culturelle est remarquable.

J’ai eu d’ailleurs l’occasion récemment de donner mon agrément à l’Association La Passerelle pour la nomination d’Elise Vanderhaegen à la direction de la scène de musiques actuelles (SMAC), Le Grand Mix, dont la programmation, aussi exigeante qu’éclectique, attire de plus en plus de public.

L’exposition « Arts de l’Islam : un passé pour un présent » s’ouvre aujourd’hui en simultané à Blois, où je me suis rendue ce matin en compagnie du Premier Ministre, à Tourcoing, dans cette magnifique Maison folie hospice d’Havré, que j’ai eu le plaisir de découvrir, mais aussi dans 16 autres villes de nos régions.

Cette journée vient marquer l’aboutissement d’une mobilisation remarquable de l’ensemble des acteurs publics de la culture, en réponse à l’appel passé par le Président de la République aux Mureaux, il y a un peu plus d’un an.

Souhaitant une « mobilisation de toute la nation » pour réaffirmer, face aux séparatismes, la force de ce qui nous rassemble, il avait en particulier souhaité « faire émerger une meilleure compréhension de l’islam » dans notre pays.

Ce dispositif sans précédent, qui maille l’ensemble de notre territoire, témoigne de l’ambition qui est la nôtre : faire changer le regard de nos concitoyens sur l’Islam, trop souvent méconnu, ou mal compris.

L’Islam n’est pas qu’une religion. Ce mot embrasse l’ensemble d’une civilisation à l’étendue géographique et au spectre temporel immenses.

De l’Inde à l’Andalousie, en passant par la péninsule arabique, l’Égypte ou le Maghreb, un pan entier de notre monde et de son histoire lui doit son épanouissement, du VIIe siècle à aujourd’hui.

Toutes ces terres en commun d'avoir vu leurs populations, pour partie ou en totalité, se convertir à la religion musulmane. Mais l'ensemble des expressions artistiques, techniques et intellectuelles portées par cet élan spirituel ne sauraient s'y réduire.

Marquées par le syncrétisme et la diversité des influences, ces œuvres participent d’une transmission des cultures qui les ont précédées, pour reprendre les termes de Fernand Braudel dans sa Grammaire des Civilisations.

C’est cette diversité foisonnante, à l’extraordinaire fécondité, que cette série d’expositions entend rappeler avant tout.

Pour emprunter les mots d’Amin Maalouf qui – pour n’être pas musulman lui-même, a néanmoins grandi dans cette sphère de civilisation : – « c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est ce même regard qui peut les libérer. »[1]

Les pièces qui sont exposées à partir d’aujourd’hui jusqu’à fin mars, aux quatre coins de la France, sont exclusivement issues de nos collections publiques.

Autrement dit : il s’agit de notre patrimoine français.

Ce constat est riche d’un second enseignement : l’Islam n’est pas une civilisation lointaine, avec laquelle nous n’aurions rien en partage, mais une civilisation intime de la nôtre, avec laquelle les échanges au cours de l’histoire ont été aussi multiples que féconds.

De nombreux objets d’art islamique sont présents en France depuis le Moyen Âge. Des œuvres d’arts de l’Islam sont ainsi conservés au musée du Louvre depuis sa création, en 1793 – soit bien avant la création du département des Arts de l’Islam, en 2003, sous la présidence d’Henri Loyrette.

L’intérêt pour la langue arabe dans notre pays remonte quant à lui au XVIe siècle au moins, avec la création – par François Ier – d’une chaire d’arabe au collège royal, ancêtre du collège de France.

Les quelques 180 objets d’art présentés témoignent des nombreux liens, parfois insoupçonnés, qui unissent les arts de la civilisation occidentale et ceux de la civilisation islamique.

Les échanges humains, culturels et religieux nourris que les populations n’ont cessé d’entretenir se traduisent autant dans la parenté des techniques et des matières que dans la convergence des imaginaires.

Les Européens ont importé des terres d’Islam un ensemble de pratiques et d’idées nouvelles, en les incorporant et en les modelant selon leurs propres références. Exemples remarquables de cette dynamique : l’olifant sculpté provenant de la cathédrale de Clermont-Ferrand, ou encore le lion en cristal de roche égyptien provenant d’une église d’Albepierre, dans le Cantal.

De Marseille à Rouen en passant par Saint-Louis de la Réunion, Marseille ou Tourcoing, ces 18 expositions sont hébergées dans 18 centres culturels – musées, bibliothèques ou galeries.

Cette démarche novatrice vise à mettre en lumière le lien particulier que notre pays, au-delà de son centre, entretient avec les arts de l’Islam.

Ces attaches sont protéiformes, qu’elles soient géographiques, économiques ou sociales.

Je pense, par exemple, à Marseille, ville-monde façonnée par son ouverture sur la Méditerranée, qui est à bien des égards le berceau du mariage de l’Occident et de l’Orient. Mais je pense aussi à Blois, où un Psautier traduit en arabe est présent dans les collections de la bibliothèque municipale depuis au moins 1812 – bien avant la grande époque de l’orientalisme. Vous pourrez aussi vous rendre dans cette même ville à la Bibliothèque Abbé-Grégoire, pour en admirer les peintures et tenter d’en déceler les mystères, qui continuent de susciter des interrogations parmi les plus éminents spécialistes.

A la Maison folie hospice d’Havré, ce sont trois histoires différentes qui se répondent pour témoigner de l’extraordinaire circulation des arts de l’Islam, non seulement dans leur sphère de production, mais aussi en Europe, et jusqu’au territoire de votre région.

Le joli manuscrit reproduisant les poèmes du fameux Saadi a été copié en Inde, et permet de mesurer la prégnance de la culture persane sur l’art de l’empire islamique des Moghols en Inde.

Le recueil contenant deux illustrations de La Mecque et de Médine, écrit en arabe et produit en Turquie ottomane, reprend un recueil de prières du célèbre mystique marocain du XVIIe siècle, Al-Jazuli.

Ces deux ouvrages, conservés à la bibliothèque universitaire de Lille III, attestent de la connaissance et de l’attraction des savants européens pour les langues et savoirs orientaux depuis la Renaissance, comme ce fut le cas en particulier à l’Université de Douai, créée en 1559.

Le reliquaire en Cristal de roche de l’Abbaye de Saint-Riquier permet, quant à lui, de mesurer l’enrichissement progressif des œuvres d’art au fur et à mesure de leur progression sur les routes marchandes, depuis l’Orient jusqu’à l’occident.

Si la matière unique est sculptée au Caire, elle se voit complétée d’éléments métalliques raffinés, d’origine italienne, avant de rejoindre, à des fins de prestige et de culte, une abbaye puissante, centre économique et culturel de tout un territoire.

La troisième histoire, enfin, est racontée à travers les œuvres du musée Vivenel de Compiègne, avec en particulier ce splendide ensemble de peintures de cour en miniatures du XIXe siècle qui témoignent de la sensibilité continue du marché de l’art européen de l’époque pour les arts de l’Islam.

Le rappel de ces liens, de cette richesse, joue également un autre rôle : il peut être un élément de fierté pour nos compatriotes originaires, à un degré ou à un autre, de ces régions du monde. Je pense en particulier aux plus jeunes, dont l’attachement à la France peut sortir renforcé de cette reconnaissance, de ce sentiment que la culture de leurs ancêtres est non seulement une belle et une grande culture, mais qu’elle est, aussi, intimement liée à l’histoire de notre pays.

Les œuvres exposées ont été sélectionnées au sein des vastes collections des arts de l’Islam du Louvre ou des collections publiques des musées partenaires. Le Louvre et la Réunion des musées nationaux-Grand Palais ont mis toute leur expertise muséographique et scientifique au service de cette mobilisation inédite, et je tiens aussi à saluer la contribution active des musées régionaux et municipaux à l’enrichissement de ces expositions.

Les Fonds régionaux d’art contemporain ont été sollicités pour des prêts d’œuvres d’artistes contemporains. Elles permettent d’offrir une perspective féconde aux autres œuvres plus anciennes, et montrent l’actualité la plus immédiate de nos échanges culturels avec les arts de l’Islam.

Je suis fière aujourd’hui de voir aboutir l’opération « Arts de l’Islam ».

A Tourcoing comme partout ailleurs, chaque espace d’exposition proposera un lieu spécifique pour que les visiteurs puissent librement poser leurs questions, et bénéficier d’explications complémentaires aux informations des cartels.

L’École du Louvre coordonne par ailleurs une offre remarquable de 70 conférences publiques et gratuites. Construites autour de 13 thématiques, elles permettront aux visiteurs ou aux curieux d’approfondir certains aspects évoqués dans les parcours de visite.

Je souhaite également adresser des remerciements tout particuliers à Yannick Lintz, la commissaire de ces expositions, qui s’investit sans relâche depuis de longs mois, et dont j’ai pu une nouvelle fois, lors de la visite, tout à l’heure, mesurer à quel point son érudition n’a d’égale que sa passion.

Je n’oublie pas non plus le rôle essentiel de la Fondation de l’Islam de France, qui a effectué un travail de sensibilisation particulièrement précieux auprès de nos compatriotes ayant un lien avec les régions du monde dont sont issues les œuvres exposées.

Mesdames et Messieurs,

A l’heure où, face à la haine et à la barbarie inouïe du terrorisme islamiste, certains nous proposent de répondre en abandonnant beaucoup de nos convictions, l’opération « Arts de l’Islam » permet de dessiner un chemin d’espoir et d’ouverture.

Cette initiative est particulièrement précieuse pour combattre tous les amalgames réducteurs et dangereux, cachant une peur viscérale de l’autre, qui menacent la cohésion de notre pays.

Je voudrais vous le dire avec force : à l’heure où l’on cherche à nous opposer les uns aux autres, à nous entraîner dans « un choc des civilisations », il nous faut rappeler avec force le fondement de notre République et de notre contrat social : sa dimension universelle.

Je vous remercie.

[1] Les identités meurtrières