Madame la Ministre,
chère Françoise NYSSEN,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le président du Conseil régional, cher Renaud MUSELIER,

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le président du syndicat de la librairie française (SLF),
cher Xavier MONI,

Monsieur le président de la société des gens de lettres (SGDL),
cher Mathieu SIMONET,

Monsieur le président du syndicat national de l’édition (SNE),
cher Vincent MONTAGNE,

Mesdames et messieurs les libraires,

Chers amis,

 

Merci au syndicat de la librairie française pour son invitation. C’est pour moi un grand plaisir d’être parmi vous.

Un plaisir, parce qu’en m’adressant à vous, je ne peux m’empêcher de penser à celui qu’on éprouve en poussant les portes d’une librairie, votre lieu de travail, votre lieu de passion.

Ce plaisir, Pierre PÉJU l’a admirablement bien décrit dans La Petite Chartreuse.

Il y prend pour personnage principal un libraire, ce qui lui sert de prétexte pour livrer des lignes d’une profonde beauté sur votre métier ; sur ce que vous nous apportez.

Je ne résiste pas à l’envie de vous lire un bref passage de La Petite Chartreuse :

« Qui saura, dans un avenir pas très lointain, ce que représentaient, pour des gens comme moi, les libraires et les librairies ? Ce que signifiait dans une ville, grande ou petite, la présence de ces lieux où l’on pouvait entrer dans l’espoir d’une révélation ? Qui se souviendra de cette façon de poser l’index au sommet de l’ouvrage pour le basculer en arrière, l’attirer à soi, l’ouvrir, le parcourir ? Debout, dans le bruit des pages tournées, découvrir les quelques mots qui paraissent s’adresser précisément à soi ? »

Ces moments, je ne veux pas qu’ils se perdent. Je ne veux pas que nous en parlions au passé. Je veux que nos concitoyens continuent à les vivre. Je crois profondément en l’avenir de la librairie. En l’avenir de votre métier.

Aucune technologie, aucun algorithme, ni aucune machine ne pourra le remplacer. Ils ne pourront pas remplacer la qualité de vos conseils. Ils ne pourront pas remplacer l’expérience d’un passage entre vos rayonnages. Ils ne pourront pas remplacer ce lien que vous nouez avec les lecteurs, curieux ou habitués.

Parce que tout cela est incomparable. Certes, sur internet, on trouve à coup sûr ce que l’on cherche. Mais il n’y a qu’en librairie que l’on trouve ce que l’on ne cherchait pas !

Vous nous offrez ce qu’on n’attendait pas ; cette part de découverte, d’inattendu, de surprise – de vie, en somme. Oui, vous apportez de la vie, partout où vous exercez.

Dans tous nos territoires, y compris les plus enclavés. Vous les animez.

Cette vie que vous insufflez, cette vitalité de votre réseau de librairies, je veux la défendre. Alors oui, les défis sont là. Mais nos atouts aussi.

Et notre premier atout, c’est vous.

C’est votre passion, votre dévouement, votre amour des ouvrages et de la culture. Etre libraire, c’est un engagement quotidien.

Cet engagement vous réserve souvent des moments de bonheur : lorsque vous fidélisez de nouveaux lecteurs ; lorsque cette personne qui vous avait demandé un conseil, revient, quelque temps plus tard, le sourire aux lèvres, pour vous en remercier ; lorsque vous dénichez un livre audacieux, le mettez en avant, et lui permettez de rencontrer un public qu’il n’aurait peut-être pas trouvé autrement.

Mais cet engagement réserve aussi des moments difficiles.

Je sais que vous devez faire face à une concurrence vigoureuse, une concurrence qui ne partage pas toujours vos valeurs, qui ne joue pas toujours selon les mêmes règles ni sur le même terrain, et qui vous nuit néanmoins.

L’étude sur la situation des librairies indépendantes, rendue publique à l’occasion de ces Rencontres, confirme que leur rentabilité reste très mince – même si elle est en léger progrès, depuis la précédente édition.

Le constat est de plus en plus partagé dans l’interprofession. Depuis 20 ans, le nombre de nouveautés a progressé de 80%. Alors que dans le même temps, le chiffre d’affaires du secteur n’augmentait que de 6% en euros constants.

Dans la période récente, il a même eu tendance à baisser. Ce phénomène affecte toute la chaîne, des auteurs jusqu’à vous, libraires.

Ces difficultés, nous devons y réfléchir ensemble, de manière concertée. Pour asseoir cette réflexion sur un constat objectif, le Ministère coordonne actuellement une large étude sur la filière du livre jeunesse.

Avec un double objectif : d’une part, elle doit nous donner une vue précise de la construction et du partage de valeur entre les différents maillons de la chaîne ; et, d’autre part, elle doit nous permettre d’analyser les conséquences, pour chacun des acteurs, de ce phénomène de « surpublication ».

Des représentants des libraires sont associés à l’élaboration et au suivi de cette étude, aux côtés des éditeurs et des auteurs.

Il s’agit d’un exercice inédit et ambitieux. Je remercie donc tous les acteurs de la chaine du livre d’y participer. Je suis convaincu qu’il est déterminant pour le secteur tout entier.

Et je suis particulièrement attaché à son bon aboutissement. J’espère que ce travail collectif portera ses fruits, bien au-delà du seul segment du livre jeunesse, et que ses enseignements inspireront le secteur du livre dans son ensemble. Ses conclusions pourront également venir étayer le travail que réalise actuellement, à ma demande, Bruno Racine, autour de la place des artistes et créateurs dans notre société.

Notre objectif commun, c’est de préparer la chaîne du livre pour l’avenir. Pour ce faire, le Ministère de la Culture sera à vos côtés.

Nous sommes à vos côtés, à travers le Centre national du livre. En 2018, le CNL a mobilisé 3 700 000 euros au travers des aides à la mise en valeur des fonds et de la création éditoriale, des aides économiques pour la création, la reprise l’extension ou la modernisation des librairies, des conventions territoriales avec les Régions et les DRAC.

Au total sur les cinq dernières années, le Ministère de la Culture au travers du CNL, son opérateur, aura consacré près de 20 millions d’euros à la librairie française dont 18 millions d’aides directes versées à près de 2000 librairies.

Nous sommes également présents à travers nos partenaires, notamment l’Association pour le développement de la librairie de création (ADELC) ; et à travers l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).

Nous sommes à vos côtés encore, pour reconnaitre la qualité de votre offre et de votre stratégie d’animation, en vous attribuant les labels de Librairie Indépendante de Référence et de Librairie de Référence.

Nous sommes à vos côtés, bien sûr, pour veiller au respect de la loi LANG sur le prix du livre, ou à l’encadrement légal des conditions de vente à distance que pratiquent certains opérateurs.

Je sais que les conditions dans lesquelles la vente en ligne de livres d’occasion se développe est un sujet de préoccupation pour tout le secteur.

Aujourd’hui, avec la vente en ligne, le marché de l’occasion devient un miroir presque parfait du marché primaire.

C’est la raison pour laquelle la question de la bonne distinction du neuf et de l’occasion sur l’internet est primordiale. Un travail important a été conduit sur ce sujet.

Une charte de bonnes pratiques a été adoptée : il me semble que ce travail a conduit à une nette amélioration de la manière dont les livres sont présentés aux lecteurs. Je reste cependant particulièrement vigilant sur cette question.

Je souhaite le dire clairement : aucune dérive n’est acceptable en la matière. Si à l’avenir une mesure législative devait s’avérer nécessaire alors nous interviendrions.

J’en profite également pour vus dire qu’un médiateur du livre sera prochainement nommé. Je reste également attentif à vos propositions en matière de frais de transport ou de rabais.

 

Le ministère de la Culture est à vos côtés, et il n’est pas le seul. En soutien à l’économie du livre, l’action de l’Etat n’est pas isolée.  Elle se fait dans un partenariat de confiance avec les collectivités territoriales.

Je veux saluer l’engagement de celles qui ont développé une politique ambitieuse de soutien aux librairies.  Et elles sont nombreuses. Beaucoup de communes, d’intercommunalités, de départements et de régions, ont fait le choix d’exonérer de Contribution Economique Territoriale les librairies labellisées LIR.

Depuis cette année, les collectivités qui ont fait ce choix peuvent également exonérer les autres librairies. Il leur suffit pour cela de voter une délibération avant le 1er octobre, pour une mise en œuvre dès 2020.

Les directions régionales des affaires culturelles de mon Ministère sensibilisent chaque année les élus locaux à l’enjeu des exonérations.

Cette année est particulière : la possibilité d’exonération généralisée à toutes les librairies va, pour la première fois, être ouverte à toutes les collectivités.

Le travail de sensibilisation des DRAC n’en sera que plus crucial. D’autres instruments sont à la disposition des élus locaux, et gagneraient à être mieux connus et davantage mobilisés. Je pense en particulier aux marchés publics de livres non scolaires. Ce partenariat de confiance avec les collectivités s’incarne aussi, dans les villes moyennes, par le programme Action Cœur de ville.

C’est avec les élus locaux que le Gouvernement le déploie. Il permettra de revitaliser de nombreux centres-villes.

Cette revitalisation passera notamment par l’expérimentation de « Quartiers culturels créatifs », qui réuniront des commerces culturels, des dispositifs d’accompagnement dédiés aux professionnels de la culture, et des équipements culturels ouverts au public.

Je suis convaincu que les librairies, lieux d’échanges et de diversité, pourraient en devenir des piliers.

A toutes celles et ceux qui sont installés dans des villes concernées par Action cœur de ville, je vous invite à vous manifester, et à y participer.

Ce soutien de l’Etat aux libraires et aux librairies, c’est, in fine, un soutien à la lecture et aux lecteurs. Nous devons aussi nous adresser à eux plus directement.

Leur transmettre le plaisir de lire. Et les encourager – en particulier les plus jeunes – à pousser les portes de vos librairies.

A ce titre, je me réjouis de l’initiative commune aux libraires, aux auteurs, aux éditeurs, que vous venez de présenter.

Elle vient renforcer l’ensemble des mesures du Gouvernement en faveur de la lecture. Je pense au plan Bibliothèques. Il permet d’aider les collectivités pour que les bibliothèques puissent « ouvrir plus » et « offrir plus ».

« Ouvrir plus », notamment le soir et le week-end, en adaptant les horaires des bibliothèques au rythme de vie de nos concitoyens.

Mais aussi « offrir plus » : en matière d’éducation artistique et culturelle, d’éducation aux médias, d’accompagnement scolaire et de formation au numérique.

Je pense à la Nuit de la lecture. Vous avez été nombreux à y participer en 2019, et je veux vous en remercier. J’espère que vous serez encore plus nombreux pour la prochaine édition, le samedi 18 janvier 2020 !

Je pense à Partir en livre, la grande fête du livre pour la jeunesse, dont la 5e édition commencera dans quelques jours.

Je pense à l’année de la bande dessinée, qui se tiendra en 2020, comme je l’avais annoncé au festival d’Angoulême.

Je pense à l’éducation artistique et culturelle. L’ambition du Président de la République, c’est d’en faire un droit pour tous. Nous voulons que 100% des enfants y aient accès. Et je crois que les librairies ont un rôle à jouer dans ce grand mouvement. J’en veux pour preuve l’opération « Jeunes en librairie », conduite en Nouvelle-Aquitaine par l’association régionale des libraires, avec le soutien de la DRAC, du rectorat et des collectivités. Cette opération accompagne la découverte des métiers du livre et l’achat de livres en librairie par des élèves, avec des résultats très positifs. Son modèle mériterait d’être encouragé sur tout le territoire.

 Pour transmettre le goût de la lecture, je pense, enfin, au Pass Culture. C’était un engagement du Président de la République. Nous sommes en train d’en faire une réalité. Nous avons lancé sa deuxième phase d’expérimentation : ce sont désormais 500 000 jeunes de 18 ans qui vont pouvoir accéder à des propositions culturelles près de chez eux. Et vous y avez toute votre place !

Le livre est plébiscité par ses utilisateurs : près de la moitié des réservations via le Pass Culture portent sur les livres. En outre, il favorise la rencontre entre ses bénéficiaires et les libraires, puisque les livres réservés doivent être récupérés dans des librairies de proximité. De fait, certains libraires qui participent à l’expérimentation – notamment dans le Finistère – ont observé que, lorsque les jeunes viennent en librairie chercher un livre réservé, ils en profitent pour passer du temps dans les rayons, discuter avec les libraires, et parfois ajouter, en direct, d’autres livres repérés en rayon.

Merci au syndicat de la librairie française de nous avoir rejoints dans cette aventure. Je veux remercier chaleureusement les libraires déjà présents sur le Pass Culture, et convier tous ceux qui ne le sont pas encore à nous rejoindre. Dès ce mois-ci, l’intégration de la base Tite-Live facilitera la gestion des stocks pour les librairies qui l’utilisent.

A moyen terme, les libraires pourront très facilement synchroniser leur stock de livres avec le moteur de recherche du Pass Culture, et ils pourront aussi poster en quelques clics des offres spécifiques correspondant à leurs coups de cœur, des séances de dédicace ou encore des rencontres avec les auteurs.

Mesdames et messieurs les libraires, Chers amis, de même que nous ne pouvons pas nous passer des livres, nous ne pouvons pas nous passer des librairies. Nous ne pouvons pas nous passer de vous ! Alors, vous pouvez compter sur mon ambition, et sur ma détermination. Pour vous défendre, vous soutenir, vous accompagner. Pour vous permettre d’exercer dignement votre métier. sPour préparer celui-ci pour l’avenir.

Vous pouvez compter sur ma détermination, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre. Je vous souhaite de bons échanges pour cette deuxième journée des Rencontres nationales de la librairie.