L’élégant et discret galeriste Claude Bernard qui exposait depuis 1957 les grands représentants de l’art moderne nous a quittés hier soir. Derrière son comptoir, avec ses yeux vifs et son air malicieux, en observateur et acteur averti de son époque, il accueillait jusqu’à cet automne tous ceux qui passaient la porte de la galerie.

Parfois à contre-courant de ceux qui ne juraient que par les avant-gardes, Claude Bernard est toujours resté fidèle à ses artistes fétiches : Giacometti, Dubuffet, Morandi, Hockney, Balthus, Bacon… auxquels il a consacré des expositions mythiques. Claude Bernard aimait aussi dénicher et ouvrir nos yeux sur de nouveaux talents : depuis Sam Szafran, qu’il a découvert et qui est exposé en ce moment à l’Orangerie, jusqu’aux artistes sud-américains comme Botero, Morales ou Gardenas…

Friand de vernissages « à l’ancienne » dans les brasseries parisiennes, c’était à chaque inauguration, la foule des grands soirs aux abords de sa galerie, confirmant ainsi l’importance de Paris et plus particulièrement de Saint Germain des Prés comme d’un lieu magique. Si bien qu’en 1977, l’ouverture de son exposition consacrée à Francis Bacon nécessite l’intervention de la police, le nombre de visiteurs rendant la circulation impossible sur la rue.

Sculpteurs, puis peintres et même photographes depuis 1999 ont trouvé dans sa galerie un lieu de chaleur, de finesse et de générosité. Il était à leur écoute et avait l’humour d’un enfant espiègle, toujours curieux des bruits du monde et de nouvelles découvertes.

Ecrivant sa propre légende comme les nombreux artistes qu’il a côtoyés, il prenait grand soin de ne pas trop se livrer en faits biographiques. Génial touche-à-tout, incarnation vivante d’un tourbillon où arts, musiques et lettres allaient de pair, Claude Bernard était aussi un virtuose du clavecin et préférait parfois à Paris, le calme de la Touraine où il recevait les grands musiciens, de Jessye Norman à Jean Guillou.

Sa disparition laisse Saint-Germain des Prés orphelin de l’un de ses plus beaux représentants.

J’adresse à sa famille et à ses proches toutes mes plus sincères condoléances.