Avec la mort d’Alain Erlande-Brandenburg, survenue ce matin dans sa quatre-vingt-troisième année, le monde de la culture perd l’un de ses serviteurs les plus passionnés, mais aussi un remarquable passeur de connaissance et l’un des plus grands historiens de l’art français, dont la renommée s’étendait bien au-delà de nos frontières.

Né à Luxeuil-les-Bains le 2 août 1937, Alain Erlande-Brandenburg avait mené une brillante scolarité, d’abord à l’École des chartes, dont il était sorti diplômé en 1964 avec une thèse consacrée aux Funérailles et sépultures royales en France de la fin du VIIIe siècle à 1285, puis à l’École du Louvre (1965), et enfin à l’École pratique des hautes études (1971).

Collaborateur technique au CNRS en 1966, il rejoint le musée de Cluny comme conservateur l’année suivante. En 1981, il en prend la direction, avec celle du château d’Écouen, où il fonde le musée national de la Renaissance. Ces deux musées lui doivent des acquisitions d’exception, comme les têtes de l’abbaye de Saint-Denis, celles de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ou encore Le Déluge, de Masséot Abaquesne (1550). Nommé adjoint au directeur des Musées de France en 1987, il s’implique tout particulièrement dans la création du corps commun des conservateurs du patrimoine, avant de prendre, en 1991, la tête du musée national du Moyen Âge. On lui doit la rénovation de la salle de la tapisserie de la Dame à la Licorne et celle de la salle des sculptures de Notre-Dame de Paris.

Sa carrière, jusqu’alors tout entière dédiée aux musées et à l’histoire de l’art, change le 2 mars 1994 lorsqu’il est nommé directeur des Archives de France. Au cours des quatre ans que dure sa direction, il cherche à donner un élan de modernité à une institution qui, à l’époque, peine à se renouveler et qui est marquée par de vifs débats sur l’accès aux archives contemporaines. Le conseiller d’État Guy Braibant est alors chargé d’une mission de réflexion sur les archives en France, qui donne lieu en 1996 à un rapport en quarante propositions destinées à repenser en profondeur et avec ambition la politique des Archives de France. Dans le même esprit, on doit à Alain Erlande-Brandenburg une restructuration de la direction des Archives de France et une réorganisation importante des centres qui forment alors les Archives nationales, qui annonce la création, en 2007, des trois services à compétence nationale.

Après son départ en 1998, il est nommé directeur du musée national de la Renaissance à Écouen. Son énergie et sa passion lui permettent d’acquérir l’armoire du château de Thoisy-la-Berchère par Hugues Sambin et d’obtenir le mécénat d’Aéroport de Paris pour offrir au public une nouvelle présentation de la tenture de David et Bethsabée. Au terme d’une carrière de près de quarante ans au ministère de la Culture, il prend sa retraite en 2005.

En parallèle de cette carrière de grand commis de l’État, Alain Erlande-Brandenburg fut un enseignant passionné, excellant à entraîner des générations d’élèves et d’étudiants dans la passion qui l’habitait pour les musées et l’architecture. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études de 1974 à 2005, il y enseigne l’art et l’archéologie du Moyen Âge occidental. De 1981 à 1988, il est également chargé du cours de muséologie à l’École du Louvre, où il crée la chaire d’histoire de l’architecture occidentale. Enfin, de 1991 à 2000, il occupe la chaire d’archéologie et d’histoire de l’art du Moyen Âge à l’École nationale des chartes. Il fit tout autant bénéficier de son savoir les élèves de l’École supérieure de Chaillot et ceux de l’Institut d’études supérieures des arts.

Alain Erlande-Brandenburg avait consacré sa vie à la science, et tout particulièrement à l’histoire de l’architecture et de la sculpture gothique, domaines dont il était unanimement reconnu comme le meilleur spécialiste. Parmi les grands titres qui émaillent une œuvre riche de plus de quatre-cents articles et de cinquante ouvrages, citons Le roi est mort (1975), L’art gothique (1984), La conquête de l’Europe (1987), La cathédrale (1989) Notre-Dame de Paris (1997), ou encore La Révolution gothique (2012), œuvres de référence pour les spécialistes autant qu’invitations au savoir pour tous les publics amoureux de notre patrimoine. Sa passion le poussait en effet sans cesse à la diffusion et au partage des connaissances, comme le prouvent son engagement à la présidence de la Société des Amis de Notre-Dame de Paris, son action à la tête de la Société française d’archéologie de 1985 à 1994 et ses fonctions de directeur du Bulletin monumental de 1969 à 1994.

La République avait reconnu à plusieurs reprises ses mérites : il était officier de la Légion d’honneur (2002), commandeur du Mérite (1997) et commandeur des Arts et Lettres (1993).

J'adresse mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.