Monsieur le Maire, cher Hervé Schiavetti,

Monsieur le Président, cher Hubert Védrine,

Monsieur le Directeur, cher Sam Stourdzé,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

 

Qu’il est bon d’être ici.

Qu’il est bon, chaque fois, de retrouver cette ville qui n’est pas seulement pour moi un ancrage, un morceau de vie, mais qui reste un modèle :

- un modèle de ce que peut la culture : ce qu’elle peut pour un territoire, pour ses habitants, pour la société ;

- un modèle d’engagements conjoints, que vous représentez toutes et tous ici : élus, artistes, acteurs culturels ; un engagement auquel j’ai pris ma part ; un modèle pour lequel je me suis battue, à mon échelle ;

- un modèle qui continue de m’aiguiller au quotidien, depuis un an, dans les fonctions que j’ai l’honneur d’occuper.

Un modèle qui doit évidemment beaucoup aux Rencontres, et aux pères fondateurs qui ont eu l’audace de les imaginer il y a près d’un demi-siècle.

Je veux rendre hommage à ces pionniers : Lucien Clergue, Michel Tournier, Jean-Maurice Rouquette.

Je veux remercier toutes celles et ceux qui, parmi vous, prolongent cet héritage : merci à toutes les équipes et tous les partenaires qui permettent aux Rencontres de voir le jour, année après année.

Merci de prolonger ces Rencontres.

Ces Rencontres avec le monde, avec l’Histoire, avec l’avenir.

Rencontre avec le monde et ses turbulences cette année, dans le parcours America Great Again, que je suis impatiente de découvrir.

Rencontre avec des combats de société, aussi, et je veux remercier les programmateurs qui font de Arles, une nouvelle fois, un festival engagé :

Je pense à la place donnée aux femmes photographes : Laura Henno, Jane Evelyn Atwood notamment.

Elles seront aussi à l’honneur cet automne à « Paris Photo » : un parcours sur les femmes photographes sera réalisé par Fanny ESCOULEN, que j’ai nommé commissaire d’exposition ; une journée de débats autour de la place des femmes-artistes sera également organisée.

Le combat pour l’égalité femmes-hommes reste devant nous et les acteurs culturels se doivent d’être aux avant-postes.

Vous avez pris ici vos responsabilités et je veux vous en remercier.

Arles, c’est aussi cette année la rencontre avec l’Histoire, et notamment l’année 68.

C’est la rencontre avec l’avenir, avec l’humanité augmentée…

C’est la rencontre avec des convictions, des indignations, des passions.

La rencontre avec un art plus que jamais nécessaire, et que je suis là pour défendre, promouvoir, protéger, avec la plus grande volonté.

Le ministère de la culture porte à mes yeux une triple responsabilité :

Aider la photographie à vivre ;

A durer ;

Et à éclairer la société.

Permettre à la photographie de vivre, d’abord, c’est faire vivre ses artistes-auteurs.

Je connais les inquiétudes. Elles sont légitimes.

Depuis des années, ils ont le sentiment de ne pas être entendus. Le sentiment que les réformes sont faites sans eux. Que leur situation se dégrade sans que les gouvernements successifs ne réagissent.

Je veux dire aujourd’hui aux photographes, comme aux 270.000 artistes-auteurs que comptent notre pays – écrivains, compositeurs, chorégraphes, illustrateurs, plasticiens, designers… Je veux leur dire que la donne a changé.

Que cette fois, ils seront écoutés.

Ils m’auront toujours à leur côté : pour défendre leur valeur, leur reconnaissance, leurs conditions de travail, de création et d’existence.

Ce sont des engagements que j’ai portés pendant quarante ans comme éditrice.

Je les porte avec la même force depuis un an comme ministre. Je n’ai pas baissé la garde une seule fois : je me suis élevée, en France comme au niveau européen, dès que la liberté de création a été attaquée ; dès que le droit d’auteur a été en danger. Je n’ai pas laissé un seul combat, une seule discipline artistique de côté. 

J’ai lancé la semaine dernière une concertation avec les représentants des différentes professions des artistes-auteurs pour répondre point par point aux questions qui sont soulevées. Ma ligne est claire. Elle repose sur deux piliers :

La défense de leur protection sociale ;

La défense de leur pouvoir d’achat.

Faire le choix d’être artiste ne doit pas, dans ce pays, signifier systématiquement faire des sacrifices.

 

  • S’agissant du régime social spécifique des artistes-auteurs :

Nous nous sommes exprimé de façon très claire avec Agnès Buzyn : il n’est pas question d’y revenir, il sera maintenu dans le cadre des réformes sociales engagées par le Gouvernement.

Nous veillerons à garantir la qualité des prestations, et nous allons par ailleurs travailler à l’amélioration du service et à la simplification des démarches.

Un certain nombre de solutions techniques doivent être définies pour accompagner le maintien de ce régime à travers la réforme du système général : la concertation engagée avec les professionnels la semaine dernière permettra de les trouver.

J’ai proposé un calendrier et une méthode de travail qui ont été acceptés.

 

  • Je suis là par ailleurs pour protéger leur pouvoir d’achat :

C’est le sens de la bataille que je mène dans le cadre de la réforme de la CSG, pour qu’une solution de compensation pérenne soit trouvée pour les artistes-auteurs. J’ai lancé avec Agnès Buzyn une mission qui apportera ses réponses cette semaine.

Pour soutenir la création et permettre aux photographes de vivre de leur métier, je crois par ailleurs à la commande publique. Nous avons lancé une nouvelle grande commande nationale début juin, en partenariat avec le Centre national des arts plastiques, le Centre régional de photographie de Douchy-les-Mines, et Diaphane, pôle photographique en Hauts-de-France, que je remercie pour leur engagement. La commande et l’exposition seront soutenus à hauteur de 300.000€.

La bataille du pouvoir d’achat passe aussi par la bataille que je mène pour le droit d’auteur et la juste rémunération de tous les artistes et créateurs.

Je connais les inquiétudes des professionnels et des agences photographiques. Nous avons reçu la semaine dernière plusieurs représentants au ministère, qui nous ont fait part de leurs alertes sur la fragilité du secteur. 

Là encore, nous allons apporter aux photographes toutes les réponses qui s’imposent. Mon ministère va coordonner la concertation dans le cadre du Parlement de la photographie. Nous avons d’ores et déjà défini avec les professionnels cinq chantiers :

Premièrement : le droit d’exposition des photographes. C’est pour moi une priorité : il n’est plus acceptable que les artistes ne soient plus rémunérés par les institutions et manifestations culturelles qui présentent leurs œuvres. Ce fut la pratique pendant des années. J’estime qu’elle n’a plus sa place.

Les Rencontres d’Arles ont décidé de montrer la voie, en versant cette année une rémunération à tous les photographes exposées : je salue cette démarche modèle et je souhaite qu’elle devienne la norme.

Nous allons définir un nouveau système. J’ai décidé de confier à Béatrice Salmon, directrice adjointe de la direction de la création artistique en charge des arts plastiques, le pilotage de ce chantier. L’objectif est d’avoir abouti à une solution d’ici le mois d’octobre pour l’entériner à la séance plénière du Parlement de la photographie prévue à la fin de l’année.

Deuxième chantier : la liberté de syndication des photographes, c’est-à-dire la possibilité pour un photographe de choisir ou non de revendre ses images à des groupes de presse sans passer par l’agence photographique qui l’accompagne. Cette méthode est de plus en plus imposée aux photographes dans un marché mondial qui prend peu en compte les revenus des artistes-auteurs. Elle ne doit pas devenir la règle.

Troisième chantier : le respect des délais de paiement des photojournalistes par les groupes de presse. Au 1er avril, cette année, on comptait près d’un demi-million d’euros de factures impayées, avec un délai de paiement allant jusqu’à 174 jours. Nous allons conditionner les aides à la presse au respect du délai de paiement. Nous travaillons à des conventions cadres en faveur des photojournalistes et de leurs agences.

Quatrième chantier : la rémunération des photographes selon les supports de diffusion, et notamment dans les cas où une photo est utilisée à la fois pour un support papier et pour un support numérique. Il est nécessaire qu’une discussion s’ouvre entre les agences de photographes et les éditeurs de presse.

Enfin un dernier chantier relatif aux conditions de travail des agences de presse pour que les conditions soient réunies pour qu’elles puissent exercer leur activité dans des règles de concurrence loyale et au bénéfice d’une meilleure visibilité pour les photographes.

J’attends que des propositions me soient faites sur ces cinq chantiers d’ici la fin de l’année.

La deuxième responsabilité du ministère, c’est d’aider la photographie à durer.

C’est tout l’enjeu de la mission que j’ai confiée à Sam STOURDZÉ ici même il y a un an, sur le développement d’une politique de repérage, de conservation et de diffusion des fonds photographiques.

Cette mission partait du constat que le ministère n’avait pas mis en place pour la photographie ce qu’il a fait pour d’autres disciplines, à savoir un recensement et une collecte systématique des tirages et pellicules laissés par les artistes à leur disparition.

Nous laissons tomber dans l’oubli ou la désuétude des œuvres majeures, alors que nous avons la chance d’avoir en France une multiplicité de structures en capacité de les accueillir, sur tout le territoire – musées, bibliothèques, archives. Trop souvent, les familles n’entreprennent pas de démarche ou ne savent pas à qui s’adresser.

Je souhaite accompagner au mieux les photographes ou leurs ayants droits, et faciliter les dons à des institutions publiques.

La création de la Délégation à la photographie a permis de répondre partiellement à cet enjeu, en faisant émerger un interlocuteur unique et visible.

Mais je souhaitais pouvoir approfondir la réflexion, et sa traduction opérationnelle.

Sam m’a remis son rapport mi-juin, avec une série de propositions essentielles : je veux encore le remercier pour ce travail.

Il propose notamment de bâtir une structure « faitière » qui coordonnerait un réseau d’acteurs sur le territoire, pour identifier les fonds et dresser parallèlement la liste des lieux susceptibles de les accueillir.

Nous allons avancer sur les propositions émises.

Plusieurs collectivités territoriales sont investies sur ce sujet : elles pourront compter sur le ministère pour répondre enfin à ce défi, assurer la conservation et la valorisation des œuvres laissées par des artistes majeurs dans notre pays.

La troisième responsabilité que je voulais évoquer, enfin, c’est d’aider la photographie à éclairer.

Il ne suffit pas de soutenir les créateurs pour soutenir le pouvoir de leurs images.

Il faut aussi aider la société à les appréhender.

C’est un défi prégnant, urgent à l’heure des « fake news », des photomontages plus vrais que nature et réalisés à des fins de manipulations.

Personne ne doit se croire épargné.

Nous sommes tous susceptibles de nous laisser piéger.

Le nerf de la guerre, c’est l’éducation.

Il faut former les nouvelles générations : les sensibiliser au danger, les aider à reconnaître le faux du vrai ; et au-delà des fausses images, plus largement, leur permettre d’appréhender et d’apprécier la valeur esthétique, intellectuelle, documentaire des œuvres.

Il n’y a pas d’économie à faire sur ce sujet.

J’ai doublé cette année le budget de mon ministère pour l’éducation à l’image et aux médias.

Je suis heureuse de pouvoir vous annoncer aujourd’hui que nous allons dans ce cadre apporter 200.000 € au Réseau Diagonal, qui rassemble dix-huit centre d’arts engagés dans l’éducation à la photographie sur tout le territoire.

Le réseau déploie déjà près de 1.000 ateliers de formation dans toute la France : en milieu scolaire mais aussi dans des centres sociaux, des centres de réinsertion, ou encore en milieu hospitalier. Ils bénéficient déjà à 15.000 citoyens.

Le soutien exceptionnel du ministère va permettre à Diagonal de porter un nouveau dispositif national d’éducation à la photographie, pour toucher davantage de monde encore. Très concrètement, ce soutien va permettre à 200 ateliers supplémentaires de voir le jour dans toute la France, représentant plus de 1000 heures supplémentaires de formation et touchant près de 2.000 personnes supplémentaires.

Pour ouvrir les portes de la photographie en grand, aux nouvelles générations notamment, je compte par ailleurs sur le Pass Culture.

Nous lançons l’expérimentation en septembre.

Nous comptons sur la mobilisation de tous les lieux et manifestations qui mettent la photographie en valeur : musées, galeries, festivals.

Vous avez vocation à occuper une place privilégiée sur le Pass, qui mettra en avant l’offre culturelle publique et l’offre culturelle de proximité.

Je me réjouis que Les Rencontres se soient décidé très vite à rejoindre l’aventure et fassent partie des premiers festivals signataires : nous allons signer aujourd’hui un protocole d’engagement pour que l’offre culturelle des Rencontres soit disponible sur le Pass Culture.

Je veux vraiment remercier les équipes pour cette mobilisation, et je veux inviter tous les festivals de France à suivre ce chemin.

Le Pass Culture est une chance pour la jeunesse de notre pays.

Mais c’est aussi une chance pour les acteurs culturels et pour les photographes : la chance de gagner encore en visibilité, et de rencontrer de nouveaux publics.

Voilà, mesdames et messieurs, les messages que je voulais porter à Arles aujourd’hui.

Ces Rencontres font de la France une terre mondiale de la photographie.

C’est une chance.

C’est une fierté que l’on vous doit.

Et c’est une responsabilité, pour moi, pour mon ministère :

la responsabilité de garantir la liberté des photographes qui prennent chaque jour leurs risques pour documenter ou capturer la beauté du monde ;

une liberté qui passe par des droits, des protections, une juste rémunération ;

une liberté qui n’a pas de prix, et pour laquelle je me battrai par tous les moyens.