Merci messieurs les Présidents.

Monsieur le rapporteur général,

Mesdames les rapporteures,

Mesdames et Messieurs les Députés,

 

Si vous le permettez, je souhaiterais consacrer une large part de ce propos liminaire à la présentation de notre projet en faveur de l’audiovisuel, et plus particulièrement en faveur de l’audiovisuel public. La défense du pluralisme et de l’indépendance des médias est l’une des missions essentielles dont le ministère de la Culture a la charge. Et il s’agit sans doute de l’une des missions les plus étroitement liées à la santé de notre démocratie.

Notre politique traditionnelle est incontestablement mise au défi, depuis plusieurs années, par le virage numérique. Nous sommes aujourd’hui déterminés à engager les transformations qui permettront d’assurer la pérennité de notre modèle. Il s’agit d’abord d’adapter notre modèle de régulation aux nouvelles réalités du secteur.

La législation et la réglementation ont vieilli. Elles ont été conçues dans les années 80, à une époque où il n’y avait que six chaînes de télévision diffusées par voie analogique. Trente ans après, tout a changé : le nombre de chaînes, la profusion de contenus, le numérique, l’arrivée des géants de l’Internet, les écrans connectés partout et tout le temps.

Or, si elle a été modifiée à de nombreuses reprises, notre législation reste marquée dans son inspiration par ce temps qui fut celui de la rareté, auquel a succédé l’ère de l’abondance. Par ailleurs, les règles s’imposant sont aujourd’hui très contraignantes – en termes de contenus et de financement – pour la télévision qui n’est plus le média dominant ; elles sont en revanche quasi-inexistantes pour les plateformes.

Depuis mai dernier, nous avons commencé à faire évoluer notre modèle pour y intégrer ces médias numériques – au niveau national et au niveau européen. Au niveau national : nous avons conduit une consultation sur l’évolution de la réglementation en matière de publicité à la télévision. Nos services sont en train d’en examiner les réponses.

Nous avons ouvert le chantier de la réforme de la chronologie des médias, qui est une priorité – pour adapter notre modèle aux nouveaux usages, et sécuriser l’avenir de notre système de financement des œuvres. J’ai confié une mission de médiation à Monsieur Dominique D’HINNIN, pour faire aboutir les discussions professionnelles, qui étaient bloquées depuis trop longtemps. Je lui ai donné un maximum de six mois pour trouver un nouvel accord.

A défaut, le Gouvernement prendra ses responsabilités et n’exclut pas de proposer une solution législative, en lien étroit avec le Parlement. Des avancées importantes ont eu lieu sur la contribution des acteurs numériques au financement de la création.

Je pense notamment à l’entrée en vigueur, au mois de septembre, des taxes dites « Youtube » et « Netflix », qui élargissent la taxe vidéo affectée au CNC à toutes les plateformes. J’ai enfin annoncé il y a quelques semaines, que le Gouvernement s’engageait franchement en matière de lutte contre le piratage. Le piratage des œuvres et des contenus est un fléau que nous devons combattre, par tous les moyens.

J’y travaille avec mon collègue Mounir MAJHOUBI, secrétaire d’Etat au numérique. Au niveau européen : je suis engagée pour la protection du droit d’auteur, et pour la reconnaissance du droit voisin au profit des organismes de presse – l’une des clés pour assurer un modèle économique viable à la presse en ligne. Et j’ai participé en mai aux négociations sur la directive « services de médias audiovisuels » (SMA), qui est actuellement en discussion avec la Commission et le Parlement européen.

La transposition de la directive devrait avoir lieu en 2018 en France : elle ouvrira la possibilité d’une refonte de la régulation audiovisuelle, posée par la loi de 1986. En parallèle de ces chantiers de modernisation légale et réglementaire, nous allons engager une réforme de fond dans l’audiovisuel public. Cette réforme repose sur une vision, des missions prioritaires et une méthode de transformation.

Une vision, d’abord. Les médias de service public jouent un rôle indispensable dans le paysage médiatique, et dans notre société en général. Je le redis devant vous avec force. A l’heure où les sources de contenus se multiplient, où l’information circule de façon abondante, ils ont une valeur de référence pour nos concitoyens. Ils offrent un repère essentiel. Nous voulons conforter son rôle, dans un environnement qui évolue fortement. Cela suppose de réaffirmer les missions prioritaires de l’audiovisuel public.

Elles se sont enrichies au fil des années. Au-delà du traditionnel triptyque « informer, cultiver, divertir », l’audiovisuel public est aujourd’hui un acteur de premier plan en matière : de soutien à la création ; d’information et de services de proximité ; ainsi que de rayonnement international pour la France.

Dans le contexte de profondes mutations que nous connaissons, l’audiovisuel public a sa carte à jouer : premièrement, en faisant le pari de la création et en proposant des programmes qui se distinguent dans un univers d’offre surabondante ; deuxièmement, en étant à la pointe de l’offre numérique et multicanal pour s’adapter aux nouveaux usages ; enfin, en développant une stratégie ambitieuse à l’international.

J’en profite pour saluer le lancement récent de France 24 en espagnol : c’est une très belle avancée. Ce positionnement stratégique nécessite de profondes transformations, dont certaines sont déjà engagées par les équipes dirigeantes. Le Gouvernement est déterminé à accompagner ces changements. Et je voudrais dire ici un mot de la méthode.

Ces défis devront, vous le savez, être relevés dans un contexte contraint pour les finances publiques. Le Gouvernement s’est engagé, en responsabilité, dans une politique de redressement des comptes publics. L’audiovisuel public doit contribuer à l’effort collectif – ce qui suppose d’ajuster les dotations prévues dans les Contrats d’Objectifs et de Moyens, les « COM », conclus par le précédent Gouvernement.

Le budget de l’audiovisuel public sera de 3,9 milliards l’année prochaine. L’effort d’économies demandé est réel, je ne le conteste pas : « moins » 36 millions par rapport à 2017, et « moins » 80 millions par rapport aux COM. Mais c’est un effort qui est soutenable : il représente moins de 1% du budget de l’audiovisuel public. Et il ne remet aucunement en cause le soutien de l’Etat. Le budget 2018 reste supérieur à celui de 2016 et de 2015.

J’ai fixé quatre impératifs stratégiques à court terme, dans ce contexte budgétaire : soutien à la création ; information de référence ; transformation numérique de l’offre ; et rayonnement international de la France.

Mais pour préparer l’avenir, je souhaite que l’audiovisuel public s’engage dans une dynamique de transformation plus structurelle. Une dynamique qui s’appuie sur 3 leviers : la réflexion sur le périmètre des missions et sur l’efficacité de leur mise en œuvre, le financement et la gouvernance.

La réflexion sur le périmètre des missions et sur l’efficacité de leur mise en œuvre fait actuellement l’objet d’un travail interministériel, associant mon ministère à ceux de l’Economie et des Comptes publics. Les sociétés de l’audiovisuel public sont étroitement associées à ce travail et devraient nous faire part de leurs premières pistes de réforme d’ici la mi-novembre.

La réflexion se poursuivra jusqu’au début de l’année 2018. A ce stade, le travail porte notamment sur les coopérations et les synergies qui peuvent être trouvées entre acteurs du secteur – à l’image de ce qui a été engagé avec France Info. Mais nous n’écarterons aucune piste pour l’avenir. Certains considèrent qu’il faut aller plus loin, en regroupant les différentes sociétés de l’audiovisuel public. Je souhaite que le débat puisse avoir lieu.

La transformation du secteur devra s’accompagner par ailleurs d’un débat sur son financement. Pour ce qui est de la contribution à l’audiovisuel public : aucun impératif financier ne justifiait une réforme à très court terme. La priorité pour ce PLF 2018, vous le savez, est la réforme de la taxe d’habitation. Néanmoins, à moyen terme, l’évolution des usages pose la question du rendement de cette contribution et de l’équité entre contribuables.

Ainsi, comme je l’ai déjà dit, je souhaite qu’un débat soit ouvert, autour notamment d’un élargissement de l’assiette. Nous avons lancé les travaux. Ils aboutiront dans les prochains mois. Je souhaiterais pouvoir m’exprimer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 sur ce sujet.

Pour ce qui de la publicité, le Gouvernement n’est pas favorable au retour après 20 heures sur les antennes de France Télévisions : c’est un élément fort de distinction du service public.

Le dernier chantier de transformation concerne la gouvernance de l’audiovisuel public. C’est un corollaire indispensable aux autres réformes, et nous connaissons les limites du système actuel. Je souhaite que l’on ouvre le sujet, comme le Président de la République s’y est engagé pendant la campagne et comme le Premier ministre me l’a demandé dans sa lettre de mission : cela concerne, d’une part, les Contrats d’Objectifs et de Moyens, dont les périodes ne sont pas alignées ; d’autre part, les modes de nomination des Présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Sur ces deux dossiers, comme sur tous ceux que je viens d’évoquer, je serai évidemment à l’écoute de vos propositions et je me tiendrai à la disposition cette Commission pour répondre aux questions. Je tenais à prendre un peu de temps pour vous les présenter, car vous l’aurez compris, ce sont des chantiers décisifs, qui traduisent l’ambition forte que nous portons pour les médias de service public et qui doivent en préparer l’avenir.

Brièvement, je voudrais à présent vous exposer les principales orientations de notre budget pour la mission « Médias, Livres et Industries culturelles ». Je m’en tiendrai aux grandes lignes, dans le temps qui m’est imparti pour ce propos liminaire, mais je vous propose de répondre à toutes les questions plus précises que vous pourrez soulever dans notre temps d’échange. A périmètre constant par rapport à 2017, les moyens de cette mission seront quasiment stables l’année prochaine.

S’agissant du soutien de la presse : le budget pour 2018 sanctuarise nos deux priorités : les aides au pluralisme sont intégralement maintenues. Et tous les dispositifs d’aide à l’innovation et à la transformation numérique sont préservés.

Pour ce qui est de la filière de la distribution de la presse : nous allons continuer à la soutenir, en tenant compte des évolutions du marché et de la restructuration du secteur. Ainsi les moyens de l’aide au portage diminuent en 2018, en cohérence avec l’évolution des volumes. Les aides à la distribution sont maintenues. Et pour préparer l’avenir de la filière, nous avons confié une mission de réflexion à Gérard RAMEIX, ancien président de l’Autorité des marchés financiers.

S’agissant de l’Agence France Presse : ses moyens sont légèrement ajustés, mais consolidés à un niveau supérieur au Contrat d’Objectifs et de Moyens. Nous avons par ailleurs engagé une réflexion prospective avec l’AFP sur ses projets, ses investissements technologiques, et le développement de sa marque à l’international. Le budget 2018 réaffirme par ailleurs notre soutien aux radios locales. Les moyens du fonds de soutien à l’expression radiophonique sont confortés à 31 millions d’euros : un niveau historique.

S’agissant des industries culturelles : j’ai pu évoquer l’accompagnement des secteurs du livre et de la musique ce matin. Pour autant, je saisis cette occasion pour vous redire à quel point le soutien à la musique et à son rayonnement international me parait essentiel. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’augmenter significativement la contribution du ministère de la Culture au Bureau Export de la musique. Cette augmentation est une première étape et elle sera poursuivie les années suivantes, dans un effort que j’espère partager avec les professionnels.

Pour ce qui est du cinéma et de l’image animée, nous allons renforcer le soutien à la création française : le budget du CNC s’établira à 724 M€, en hausse de 17 M€ par rapport à cette année. Comme vous l’aurez peut-être lu dans la presse, le Conseil constitutionnel a rendu, fin octobre, une décision importante sur la taxe sur les services de télévision, qui est la principale ressource du CNC et qui était contestée par les chaines.

Les juges ont invalidé la taxe, mais ont reporté l’effet de leur décision au 1er juillet 2018, ce qui laisse le temps au Gouvernement et au Parlement d’apporter les corrections nécessaires, et  ce qui permet de sécuriser les ressources du CNC : c’est une très bonne nouvelle. Comme je l’ai déjà annoncé, nous apporterons ces corrections dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017, qui vous sera bientôt soumis.

Les crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel et les jeux vidéo sont par ailleurs intégralement préservés, après la forte revalorisation des deux dernières années. Dans l’ensemble des domaines, la création française est donc soutenue de façon pérenne.

 

Mesdames et Messieurs les Députés,

Voilà l’essentiel des orientations de notre budget de la mission Médias, Livre et Industries culturelles pour l’an prochain.

Vous l’aurez compris : dans chacun des secteurs, à commencer par l’audiovisuel public, c’est un budget de transformation que nous souhaitons porter.

C’est-à-dire un budget qui garantisse les principes intemporels que sont l’indépendance et la diversité du paysage culturel, tout en préparant l’avenir.

Je vous remercie pour votre attention.

Je suis à disposition pour répondre de nouveau à vos questions.