Monsieur le Ministre, cher Jacques Toubon,
Madame la Ministre, chère Catherine Tasca,
Mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs,
Mesdames et messieurs, chers amis,

C’est un grand plaisir pour moi de clôturer avec vous cette journée d'étude organisée pour les 20 ans de la Loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française. En inscrivant notre langue dans un cadre juridique pérenne, la loi a conforté la République dans ses principes. Elle a posé les conditions d’une citoyenneté mieux partagée, d’une diversité culturelle mieux défendue et du rayonnement culturel de notre pays. Je tiens à en remercier tous les artisans, et en premier lieu Jacques Toubon.

La langue est un des ingrédients de la citoyenneté.

Elle est, de tous les liens noués dans la Cité, le premier des liens sociaux qui fondent le sentiment d’appartenance à une communauté. Elle est le vecteur par lequel on se représente le monde et par lequel on se présente à lui. Sa maîtrise participe, en France tout particulièrement, de l’idéal démocratique qui a façonné l’histoire de notre pays.

Une langue est le véhicule de la pensée, elle représente une clé essentielle d'accès au monde, à la connaissance et aux imaginaires. La langue française qui se confond avec les valeurs de notre République est une langue dans laquelle on pense, on crée, on s’informe, on transmet, on travaille, on entreprend. Elle est au coeur de la culture.

Aussi, la question de la langue s’inscrit pleinement dans les grands enjeux qui vont guider mon action ministérielle. Repenser, tout d’abord, l’accès à la culture pour les nouvelles générations en nous appuyant par exemple sur leur usage de la langue et leurs créations linguistiques. Je sais que les initiatives en ce sens sont nombreuses et riches, par exemple « Dis-moi dix mots » ou « Inventez le mot de la semaine » dans le cadre de la Semaine de la langue française et de la francophonie.

Créer, ensuite, les conditions du renouvellement de l’excellence artistique et culturelle française et en faire un levier de rayonnement international de notre pays. Car un enjeu essentiel pour moi est de promouvoir la place de notre culture dans le monde, d’encourager nos artistes à sortir des frontières et d’assurer à leurs créations succès et visibilité mondiale. Pour cela, nous pouvons compter sur notre langue qui est une de nos meilleures ambassadrices puisqu’elle est parlée, grâce à l’espace francophone, sur les cinq continents : les tendances démographiques des 30 prochaines années, notamment en Afrique font, de ce point de vue, de la francophonie un atout inestimable de développement pour notre pays.

Soutenir, enfin, le renouveau créatif et accompagner les jeunes créateurs : vendredi dernier, j’ai rencontré des primo-romanciers français et francophones qui manient notre langue avec audace et inventivité, ouvrant des voies nouvelles pour la création littéraire. Sur chacune de ce qui constitue mes priorités, la langue française est un vecteur qui démultiplie notre ambition et notre capacité d’action.

Dans un contexte de crise qui favorise la tentation du repli sur soi, et alors que notre société est traversée par des courants qui éloignent les Français les uns des autres, il est utile de rappeler combien la maîtrise d’une langue commune contribue aussi à « faire société ».

La loi du 4 août 1994 a posé les bases d’une meilleure cohésion sociale et d’une citoyenneté mieux partagée mais aussi d’une plus grande égalité entre nos concitoyens. Car en instituant, pour la première fois dans notre histoire juridique, un véritable « droit au français », le droit à s'exprimer et à s’entendre répondre en français, la Loi Toubon a favorisé l’égal accès à l’information, aux savoirs et à la formation dans notre pays.

Si la Loi garantit pour tous un « droit au français », ferment de citoyenneté et ciment de notre société, elle érige aussi en principe la diversité linguistique. Elle affirme l’exemplarité de la puissance publique dans la promotion du multilinguisme. La Loi Toubon ne doit pas être interprétée comme défensive ou exclusive ; elle ne vient pas protéger une langue qui serait « assiégée ». Bien au contraire.

En aucun cas opposée à l’usage des langues régionales qu’elle reconnaît dans son article 21, la loi prévoit aussi dans son article 11 que « la maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement ».

Cette disposition a constitué le point de départ de l'engagement constant de notre pays en faveur de la diversité linguistique au fondement de la diversité culturelle. Vingt ans après son adoption, vous aurez la satisfaction de constater, cher Jacques Toubon, qu'à l'initiative de la France, le Conseil exécutif de l'Unesco a adopté en avril dernier une résolution sur l'enseignement des langues au sein des systèmes éducatifs, qui constitue une avancée majeure pour la promotion du multilinguisme dans le monde.

C’est donc une langue ouverte sur le monde que défend la Loi du 4 août 1994. Une langue qui par sa vitalité et sa formidable capacité à s’enrichir contribue au rayonnement culturel de notre pays.

C’est peut-être la plus belle manière de saluer les 20 ans de cette loi : depuis quelques jours, la France peut s’enorgueillir de compter parmi ses écrivains un nouveau prix Nobel de littérature, Patrick Modiano. Cette distinction prestigieuse, c’est bien sûr celle d’un auteur remarquable par la poésie de son oeuvre qui s’aventure, avec une grande finesse, dans les replis de la mémoire et les méandres du souvenir. Cette distinction, c’est aussi celle d’une culture, et plus précisément d’une écriture, dont la beauté et la puissance d’évocation sont unanimement reconnues.

Et dans un contexte morose, souvent marqué par le dénigrement et le défaitisme, c’est notre culture qui ainsi nous apporte joie, réussite et fierté. Je tiens à la souligner aujourd’hui car cela donne, me semble-t-il, une importance nouvelle aux débats de ces deux journées. C’est grâce à ses écrivains et à la langue qu’ils manient que la France est première au palmarès des Prix Nobel de littérature.

Quinze Nobels, dont trois ces dix dernières années ! Seize Nobels francophones ! Voilà une belle raison de défendre notre langue ! Voilà de quoi donner envie à des millions de personnes à travers le monde d’apprendre notre langue pour lire dans le texte ces grandes oeuvres.

Le désir de France passe aussi par le français. Avec une langue partagée aujourd'hui par 220 millions de locuteurs dans le monde et peut-être 700 millions demain, notre pays a une carte majeure à jouer. C’est tout le sens de l’action des secrétaires d’Etat en charge de la Francophonie et de l’enseignement du Français à l’étranger mais aussi de l’Organisation Internationale de la Francophonie, que je salue. Les réseaux des alliances françaises et des lycées français de l’étranger constituent de formidables instruments de rayonnement culturel qu’il nous faut davantage utiliser et valoriser.

La loi relative à la langue française en est l’incarnation-même : l’avenir d’une langue tient pour partie au soutien d’une volonté politique. Mais cette volonté politique qui ne fait que traduire l'attachement que lui portent les citoyens eux-mêmes. Car si une langue menacée peut être sauvée par la puissance d’action des institutions, une langue ne vit que par ceux qui l'illustrent, la transmettent et la partagent.

Nous devons nous appuyer sur ce précieux dispositif qui encadre, pour mieux le promouvoir, l’usage du français. Mais aussi sur toutes celles et tous ceux qui, par leur métier, leur projet, leur histoire personnelle ont le goût et l'amour de notre langue. C’est ainsi que nous ferons du français une langue vivante et inclusive, la langue de la citoyenneté, celle de la création et de la pensée, celle de l’esprit d’audace et d’entreprise, pour tous les Français et les millions de francophones dans le monde.

Je vous remercie.