Jour 1 : Comprendre les défis du présent pour se projeter vers l'avenir
Les auditrices et auditeurs se sont retrouvés en Salle des Commissions du Quadrilatère Richelieu rénové, pour une ouverture de la journée par la Présidente de la Bibliothèque Nationale de France (BnF) , Laurence Engel. Cette institution patrimoniale, la plus ancienne du ministère de la Culture et sa première subvention, est engagée dans un processus de renouvellement constant. ‘Innovante depuis 1537’, date de création du dépôt légal, la bibliothèque de recherche, publique, et numérique nourrit une exigence d’exhaustivité encyclopédique, puisqu’elle garde entre ses murs un exemplaire de chaque production qui sort du cercle familial. C’est donc aussi une histoire immobilière, celle du besoin de toujours plus de locaux, et un rapport à la mémoire et au temps long avec des projets inscrits dans les dizaines voire centaine d’année à venir.
Puis Jean-François Hébert, Directeur général des patrimoines et de l’architecture du Ministère de la Culture, a présenté les grands enjeux du patrimoine aujourd’hui. En premier lieu, la transition écologique, priorité gouvernementale et ministérielle, qui concerne particulièrement le patrimoine puisque réhabiliter est par essence écologique. Face aux tensions qui surgissent sur l’aménagement urbain lié aux questions énergétiques, la politique conduite est ouverte au dialogue et aux agissements concertés pour penser intelligemment l’espace, par exemple quant au positionnement des panneaux photovoltaïques. Autre priorité d’agenda cette année, la question des restitutions, au titre desquelles plusieurs textes législatifs sont inscrits au calendrier de cette année. Plusieurs autres sujets sont sur la table : bien que la fréquentation post-covid n’ait connu en 2022 qu’une baisse de 22% par rapport à 2019 (contre 50% de projection), la diversification des publics est à étendre, tout comme la participation citoyenne active aux projets patrimoniaux, ainsi que l’axe du réemploi, comme à l’Abbaye de Clairvaux, ensemble cistercien remarquable et ancien centre de détention, dont la réhabilitation va s’enclencher après la sélection d’un projet pour animer ce bâtiment.
A sa suite, Hélène Tromparent-de Seynes, Cheffe du service du Musée et Nathalie Ryser, Cheffe de projet de l'ensemble du parcours multimédia du site et du musée, ont conjointement présenté le nouveau musée de la BnF avant une visite du lieu. Le site Richelieu accueille en effet un nouveau concept d’exposition permanente, qui voit se succéder la rotation de nombreuses œuvres tous les 4 mois, et est enrichie de bornes numériques et d’un parcours inclusif, pensé en 3 langues ainsi que pour les personnes en situation de handicap.
L’après-midi, Clarisse Mazoyer est intervenue en qualité d’ancienne présidente de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC), établissement public sous tutelle du ministère, afin d’aborder les travaux entrepris dans les lieux culturels patrimoniaux pour les adapter aux usages contemporains. La conduite des projets se déploie souvent sur le temps long (environ 3 ans entre l’idée et sa concrétisation), avec l’impératif de gérer convenablement et concilier la décorrélation des temps calendaires, financiers, et des décisions administratives.
A sa suite, un focus sur le numérique et la mémoire : avec d’abord Anne Lambert, Cheffe du bureau des archives aux ministères sociaux, qui a présenté le cas d’une collecte dans l’urgence de la crise sanitaire, puis Benoît Tuleu, Directeur du département du Dépôt légal à la Bibliothèque nationale de France, qui a évoqué les dynamiques sous-tendant le dépôt légal numérique. Alors que prévaut l’exhaustivité pour les documents écrits, le dépôt numérique s’inscrit plutôt dans une démarche de collection et de représentativité au vu de la taille et de la volatilité du web, afin de constituer ces ‘archives de l’internet’.
Enfin, les auditeurs et auditrices ont travaillé en groupes au Ministère de la Culture.
Jour 2 : Les évolutions d'usages qui transforment les métiers de la conservation
Le deuxième jour a débuté avec un accueil au Musée Carnavalet par Valérie Guillaume, sa Directrice, et Danièle Desideri, sa Secrétaire générale, pour un échange suivi d’une visite. Puis le groupe s’est dirigé vers la Direction des affaires culturelles de la ville de Paris pour l’ouverture des travaux par Aurélie Filipetti, Directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris, en charge de la protection et restauration de bâtiments historiques comme du soutien à la création.
Ensuite, Anne-Sophie de Gasquet, Directrice de Paris Musées, a évoqué les 10 ans de cet établissement public administratif. Fort d’un réseau de 12 musées et 2 sites patrimoniaux de la Ville, Paris Musées a mené plusieurs plans de rénovation, dont celui du musée Carnavalet, et accueillait en 2022 4,5 millions de visiteurs. Une belle réussite à poursuivre avec les exigence d’éco-conception et de Responsabilité Sociale des Organisations.
Puis Corinne Langlois, Sous-directrice de l’architecture, de la qualité de la construction et du cadre de vie à la Direction générale des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture a abordé les enjeux de reconnaissance, valorisation et transmission de l’architecture récente. Elle a expliqué la disjonction actuelle entre demande sociétale et demande économique quand à la réhabilitation du bâti existant. En effet, l’adaptation des usages est essentielle dans notre cadre européen de stratification historique de l’espace, et était courante avant les années 1950. Notre volonté actuelle de tout garder est culturellement artificielle, il est primordial de recentrer l’architecture sur la réutilisation de l’existant. Cette problématique génère des questions de formation, de revalorisation des métiers du bâtiment, de modèle économique et de matériaux, pour aboutir à co-construire un cadre de vie humain commun.
A sa suite, la question du travail archivistique fut au cœur de la table ronde ‘Patrimoine et historiographie.’ D’abord, Agnès Vatican, Directrice des archives départementales de la Gironde, a présenté le rôle majeur des archives de la Préfecture de la Gironde pendant l’Occupation à l’occasion du procès Papon, à la fois quant à l’origine du procès, grâce à leur redécouverte dans les années 1980 par le conservateur Jean Cavignac, puis en tant que preuves tout au long de l’affaire. Un fond exceptionnel, à la fois papier et audiovisuel (plus de 350H d’enregistrement), partiellement amputé durant des années par la mise sous scellés de plus de 1500 archives en 1986, et actualisé par la levée récente de l’incommunicabilité sur ces archives judiciaires désormais libres d'accès.
Ensuite, Guillaume Nahon, Directeur des archives de Paris, a développé le cas de l’archivage de la mémoire des attentats de 2016. Une accélération voire une inversion des temps du travail archivistique face à l’accélération de l’Histoire, puisque la collecte a succédé au contact avec l’historien et lui a été concomitante, jusqu'à ce que les archivistes deviennent des acteurs de cet évènement. C’est d’abord la valeur émotionnelle des archives qui a provoqué leur intérêt et la commande institutionnelle et scientifique de leur collection, puis leur numérisation et leur mise en ligne. Cela a abouti à la constitution d’un important corpus de documents et d’objets (dont une partie a été récupérée par le musée Carnavalet), comportant des messages en toutes langues et environ 7500 documents collectés, sans autre sélection que les intempéries.
Enfin, Bruno Favel, Chef de la mission du patrimoine mondial, Direction générale des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture, a retracé les évolutions du patrimoine mondial depuis la Charte d’Athènes des années 1930, et son ouverture progressive à de nouvelles typologies, comme au Havre avec Perret ou les créations de Le Corbusier, puis en 2003 aux biens immatériels, etc., pour constituer un patrimoine universel, et en faveur de l’émergence de la culture de la paix.
Les auditrices et auditeurs se retrouveront en mars pour un module consacré au rôle des entreprises dans la culture.
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