Monsieur le président du Festival de La Rochelle, cher QuentinRaspail,Monsieur le député-maire, cher Maxime Bono,Monsieur le président du Centre national du cinéma et de l’imageanimée, cher Eric Garandeau,Monsieur le président-directeur général de France Télévisions, cherRémy Pflimlin,Mesdames et Messieurs,Chers amis,

Je suis très heureux de vous retrouver pour cette 13ème édition du
Festival de la fiction TV de La Rochelle. En 13 ans, Quentin RASPAIL et
ses équipes ont su faire de ce rendez-vous une scène d'exposition, de
rencontre avec le public, mais également un forum de réflexion
professionnelle, comme l’atteste l’organisation des Ateliers de la Fiction et
le Grand Débat qui se sont tenus hier. Je tiens à les en féliciter
chaleureusement.

C’est aussi pour moi l’occasion de vous exposer les priorités de ma
politique audiovisuelle et de faire un point sur les chantiers en cours : la
relance de la fiction, le financement de la création – notamment en
confortant les ressources et les ambitions de l’audiovisuel public - à l’heure
où convergent les écrans, et où le Paysage audiovisuel français connaît une
reconfiguration profonde, qui ne vous aura pas échappée.

Je me permettrai sur ce sujet des réflexions très simples, pour
rappeler certains fondamentaux. Au-delà des rapprochements entre tel et
tel acteur, ce qui m’importe le plus, c’est bien la diversité des contenus
proposés aux Français, la qualité des oeuvres et des programmes que nous
retrouvons tous les jours sur nos écrans, connectés ou non. La loi garantit
cette diversité, et notre système réglementaire permet d’orienter l’essentiel
des ressources vers la création originale, patrimoniale et indépendante. Je
serai bien entendu attentif à l’instruction qui sera faite du rapprochement
entre le groupe Canal+ et le groupe Bolloré par les autorités compétentes –
le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de la concurrence – et aux
conditions qui y seront posées. Cet encadrement prendra bien sur en
considération les équilibres du marché. Mais il doit selon moi se fonder tout
autant sur la qualité et la diversité des contenus proposés, leur financement,
et leur capacité à circuler.

Ces propos me ramènent donc naturellement au sujet de la fiction tv.
Elle constitue un enjeu majeur, comme je l'avais souligné ici même il y a
deux ans. La fiction est une composante clé de l’identité des chaînes, mais
aussi un vecteur profond d’identification pour nos concitoyens. Nous avons
besoin de nous retrouver, de nous reconnaître, d’être ému et interpellé par
les histoires qui nous sont racontées, et qui sont le point de rencontre entre
une création originale, nos histoires individuelles, et des questions
collectives et universelles.

La fiction est en somme au coeur des enjeux de diversité
culturelle.

Son importance économique est également essentielle pour la filière
audiovisuelle, puisque nous parlons de près de 680 millions d'euros
d'investissements en production en 2010, de plus de 260 entreprises de
production, et du quart de la programmation des chaînes gratuites.

Pour toutes ces raisons, je ne peux être que préoccupé, avec vous,
du positionnement de notre fiction nationale face aux fictions étrangères, et
plus particulièrement la fiction américaine. Cette dernière, avec son
inventivité et sa capacité à mobiliser des moyens considérables, a su
conquérir largement le public français. Les chiffres sont frappants : non
seulement la part de la fiction américaine dans l'ensemble de la fiction
diffusée est désormais proche de 50%, contre 35% pour la fiction française,
mais la fiction d'outre-Atlantique a réalisé, en 2010, 65 des 100 meilleurs
audiences tous genres confondus, contre seulement 7 pour la fiction
française. Cette situation n'est pas sans risques, alors que l'évolution des
modes de diffusion permet une relation de plus en plus directe entre les
détenteurs de droit et le spectateur.

Je pense bien sûr en l’occurrence à la télévision connectée, qui
renforcera la capacité des studios américains à proposer directement leurs
contenus aux consommateurs par le biais de plateformes en ligne sans
passer par les chaînes nationales. Ce risque de dés-in-ter-médiation devrait
amener les chaînes à privilégier la production de contenus fortement
identitaires plutôt que l'achat de fictions étrangères. Par ailleurs, choisir la
production originale, c'est se donner les moyens de se distinguer dans cet
univers d'hyper-choix qui sera celui de la télévision connectée.

J'ai confiance en la capacité des différents acteurs de notre fiction
nationale à s'adapter à cette nouvelle donne. Comme l'a montré le « grand
débat » organisé hier dans le cadre du festival, les problèmes sont déjà bien
identifiés et de nombreuses pistes sont ouvertes. Certaines sont
innovantes, comme la constitution de « cellules de création de pilotes de
séries » qui seraient proposés aux chaînes. Sur d’autres, telles que
l’amélioration des relations entre auteur, producteur et diffuseur, des
avancées concrètes ont déjà été enregistrées, avec la signature en juillet
dernier de la Charte du développement, pour laquelle France Télévisions a
eu un rôle moteur, que je tiens à saluer.

Les traditionnelles conférences de rentrée organisées par les
chaînes de télévision sur leurs grilles de programme montrent ainsi qu’une
attention particulière a été donnée à certains formats comme la fiction
quotidienne. Phénomène récent, les « nouvelles chaînes » de la TNT
commandent désormais leurs propres projets de fiction. Même si leurs
investissements en production restent encore marginaux au regard des
chaînes historiques, ces chaînes participent à un nouveau modèle de
création. Elles s’inscrivent dans un cadre désormais unifié et rénové
d’obligations de production.

Les décrets « production » adoptés l’an passé ont permis de faire
évoluer les règles de contribution au financement de la production de
la part de l'ensemble des éditeurs de services audiovisuels : les
chaînes de la TNT, du câble, du satellite et de l'ADSL, ainsi que les
Services de médias audiovisuels à la demande (SMàD).

Au-delà de cette longue réforme des obligations, j'ai missionné
Pierre Chevalier, Sylvie Pialat et Franck Philippon afin de réfléchir au
renouveau de la fiction française, et en particulier aux moyens de mieux
assurer le financement des phases d’écriture et de développement.

Les chantiers ouverts par cette mission avancent, progressivement.

La charte pour le développement de la fiction, signée entre les
organisations des producteurs, des auteurs, et France télévisions, et que
j’évoquais à l’instant, encadre la politique du groupe public en la matière : je
tiens à féliciter chacun de ses signataires, et à encourager d’autres à se
joindre au mouvement. Cette charte est un acte important pour le
renouvellement de la fiction et pour susciter l’effet d’entraînement que le
service public peut avoir, par son exemplarité, dans ce domaine.
La mission Chevalier proposait également des pistes pour rénover
les dispositifs de soutien du Centre national du cinéma et de l’image
animée. Les équipes d’Eric Garandeau, qui est avec nous ce matin,
conduisent un important travail de concertation pour leur mise en oeuvre.

Ce travail a déjà porté ses fruits avec la réforme du fonds d’aide à
l’innovation, destiné à favoriser la prise de risque artistique et le soutien
aux auteurs et producteurs en amont de la production. Le redéploiement de
ces aides, en incluant les étapes de « concept » et de « réécriture » doivent
permettre un pilotage plus fin des soutiens dont disposent notamment les
auteurs.

Je n’ignore pas que le chemin qu’il reste à parcourir sur les autres
chantiers en cours, qu’il s’agisse du soutien au développement avec
l’ouverture du dispositif des avances, ou bien de la réforme des soutiens à
la production de fiction, dans leur variété : série dite « low cost »,
coproductions internationales, séries récurrentes. J’en appelle à la
responsabilité de chacun pour participer à cette concertation, et pouvoir
aboutir d’ici à la fin de cette année.

Mais au-delà du CNC, le renouveau de la fiction, et son financement,
passe également beaucoup par le service public de télévision. Je
voudrais finir sur ces quelques points, car il me semble que dans le
contexte budgétaire que nous connaissons, la manière dont les ressources
de France Télévisions et d’Arte France ont été confortées envoie un signe
fort à l’égard de la création, et des professionnels que vous êtes. J'ai
personnellement veillé à ce que les nouveaux Contrats d'objectifs et de
moyen des chaînes publiques soient ambitieux et innovants, avec des
ressources permettant d’assumer ces ambitions.

S'agissant de France Télévisions, le projet de contrat d'objectifs et
de moyens 2011-2015, sur lequel le Parlement est en ce moment consulté
et que nous souhaitons signer avant la fin de l'année, consacre le rôle
moteur que doit jouer le groupe public en matière d'innovation - qu'il
s'agisse d'innovation dans les formats, l'écriture ou les modes de diffusion.
Il renouvelle l'engagement financier de l'entreprise au bénéfice de la
production d'oeuvres patrimoniales. Il est ainsi prévu que France Télévisions
investisse au minimum 420 M€ par an dans la création audiovisuelle
patrimoniale à compter de 2012. Conjugué aux obligations du groupe
calculées selon l’évolution de son chiffres d’affaires, il s’agit là d’une
garantie et d’un pas important par rapport aux 391 M€ prévus en 2011 par
le Contrat actuel.

En ce qui concerne Arte France, comme vous le savez la chaîne
connait depuis quelques années une érosion de ses audiences. Mais le
nouveau Contrat d’Objectif et de Moyens d’Arte marquera le soutien que
nous apportons à l'ambition de relance de la chaîne et notre attachement à
ce modèle singulier de télévision. Arte bénéficiera donc en 2012 d’une
dotation publique de 270 M€, soit une hausse exceptionnelle de 7,3% par
rapport à 2011.

Le modèle d’Arte reste d'actualité dans un contexte de crise
financière qui met à l'épreuve la solidarité européenne, et, pour atteindre
son ambition, il doit pouvoir s'adresser à un public plus large. L'Etat appuie
donc avec volontarisme ce plan de relance d'ARTE. Le nouveau COM
2012-2016, en cours de finalisation, prévoit sur cette période une
augmentation moyenne annuelle de 3,8% des ressources publiques.

L’objectif principal d'Arte est clair : reconquérir son public sans renier
les caractéristiques qui font sa singularité, être une chaîne culturelle
européenne, créative et exigeante dans la qualité de ses programmes.
Concrètement, une grille de programmes totalement renouvelée, fortement
enrichie en journée et plus accessible pour le grand public sera mise en
place dès 2012. Elle sera ponctuée régulièrement de programmes
événementiels de grande qualité. Le projet de COM 2012-2016 d'Arte
confirme par ailleurs les engagements de la chaîne dans la fiction : d'une
part en maintenant les engagements financiers d'Arte France dans la
production d’oeuvres audiovisuelles européennes, d'autre part en
réaffirmant l'engagement de la chaîne dans le développement des 3 types
de fictions (unitaires, séries et mini-séries).

Deux objectifs forts du projet de COM 2012-2016 méritent d'être ici
soulignés.

En premier lieu, un effort particulier d'innovation sera fait pour les
programmes spécialement conçus pour Internet. Vous le savez, Arte est
pionnière dans la production de « web-fictions » et de « web séries ». De
nouveaux types de programmes seront expérimentés, associant dès la
conception l'antenne et Internet. Pour certains de ces programmes, le public
pourra participer au processus de création en apportant ses idées, voire ses
propres créations audiovisuelles.

En second lieu, Arte favorisera l’émergence de nouvelles écritures
audiovisuelles, d'idées originales et d'oeuvres audacieuses. Pour cela, elle
s'appuiera sur les conventions de développement qui représenteront, à
l'horizon 2016, 4% du budget de production. En parallèle, Arte France
continuera à soutenir les oeuvres unitaires originales en courts-métrages et
en documentaires.

Ces axes stratégiques, à travers lesquels Arte entend marquer sa
différence, ne sauraient cependant faire oublier les autres obligations de la
chaîne en matière de fiction, à savoir :
- Le renforcement de la coproduction internationale,
notamment franco-allemande ;
- La diffusion des séries européennes choisies parmi les
meilleures et les plus créatives ;
- La recherche de séries de qualité issues de pays dont les
créations sont peu connues en France ;
- Ou encore le soutien aux premières oeuvres.

J'ai donc une pleine confiance en la capacité d'Arte à reconquérir
son public, tout en continuant à jouer son rôle pour soutenir la fiction TV et à
travailler au renouvellement du genre, par l'innovation, l'originalité et
l'ambition culturelle qui font la singularité de cette chaîne franco-allemande.

Vous l’aurez compris, mon engagement est total pour répondre aux
défis auxquels la fiction française est aujourd’hui confrontée. Dans un
environnement mouvant, fait de convergence des médias et de
recomposition du PAF, mon ambition est d’offrir un cadre d’expression et de
développement stabilisé, conforté, à tous les créateurs et acteurs de
l’audiovisuel. Je souhaite que nous puissions relever ces défis ensemble, et
penser ensemble la fiction télévisuelle de demain - une fiction riche
d’originalité, d’indépendance, au renouvellement constant.

Je vous remercie.