Je suis particulièrement heureux de vous accueillir rue de Valois, avec Nadine Morano, pour cette septième édition de la Commission nationale Culture et Handicap.
Cette commission est un lieu précieux d’échanges entre les acteurs concernés par l’accès de tous nos concitoyens à la culture, les ministres, le secrétaire général du comité interministériel du handicap, les directeurs d’administration centrale, les sociétés et les établissements publics, les responsables des associations représentatives des personnes handicapées. Je connais leurs attentes, je connais leur engagement, je mesure l’importance des enjeux posés par l’accès aux biens du patrimoine et aux œuvres d’art. Beethoven, Goya, Van Gogh, les exemples de créateurs souffrant d’un handicap et ayant développé leur art avec génie ne manquent pas. Ils sont une invitation à la persévérance, ils sont un appel à la l’énergie de la volonté et à l’action.
« Rendre accessibles les œuvres d’art capitales de l’humanité » à chacun, à chaque Français, y compris lorsqu’il souffre, y compris lorsqu’il peut en être exclu, c’est l’une des missions premières de ce ministère tel qu’il a été pensé par André Malraux. Cette ambition c’est aussi la mienne, c’est l’objectif que je me suis fixé avec le projet de la « Culture pour chacun » qui guide mon action rue de Valois.
L’accueil des personnes handicapées dans tous les lieux de la vie sociale est devenu, au cours des dernières années, une grande cause nationale. La loi de 2005 « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » marque, de ce point de vue, un moment décisif et un tournant historique. Elle offre un programme d’action à la fois ambitieux et réalisable.
Dans notre pays, sur la question du handicap, notre état d'esprit doit évoluer, les mentalités doivent changer. C’est une condition préalable pour mener toute action pérenne. Un travail de pédagogie est nécessaire pour sensibiliser les professionnels de la culture, comme ceux du milieu associatif. C'est un travail de longue haleine, un travail exigeant ; nous l’avons engagé avec détermination.
Dès 2001 a été créée cette Commission nationale Culture-Handicap qui nous a permis, en lien étroit avec les associations représentatives des personnes handicapées, de définir un plan d’action et des priorités partagées. Sans votre présence, sans votre exigence, sans votre connaissance, l’Etat ne peut rien. Vous êtes les interlocuteurs naturels de ce Ministère, les millions de personnes que vous représentez doivent aussi être des usagers réguliers du patrimoine et des lieux de culture. La culture et la création sont des lieux d’échanges et de métissages ; il n’y a aucune raison pour que les publics qui les fréquentent soient uniformes, soient identiques. Pour moi, la culture est agrégation, mélange, diversité : elle ne peut être un lieu d’exclusion, elle ne peut créer de l’intimidation, elle ne doit en aucun cas paraître inaccessible.
Je voudrais vous présenter brièvement les trois chantiers sur lesquels les services de mon Ministère et ceux de Nadine Morano ont travaillé avec vous.
Dans le domaine de l’information, de l’accessibilité aux lieux culturels mais aussi aux industries culturelles, des progrès substantiels ont été réalisés. Ils sont une étape du chemin ; ils ne sont pas sa destination finale tant la réalité du handicap exige attention, suivi et continuité.
I - Dans le domaine de la formation et de la sensibilisation, un plan a été réalisé en lien avec les professionnels du bâti. Il concerne la formation initiale et continue des architectes et plus largement tous les professionnels concernés du ministère de la Culture et de la Communication. Tout à l’heure Mme Fabienne Fendrich, directrice de l’école nationale d’architecture de Normandie, nous fera un premier état de la mise en œuvre de la formation à l'accessibilité des personnes handicapées dispensée dans les écoles nationales d'architecture. Il s’agit de sensibiliser et de former en amont ceux qui conçoivent et ceux qui créent les lieux de culture. 450 agents de ce ministère ont déjà bénéficié d'un programme de séminaires et d'ateliers.
· Cette action de formation doit se nourrir d'expériences internationales. C'est pourquoi, j'ai souhaité que le Secrétariat général organise, en mars prochain, un séminaire européen qui développera les thèmes de l'accessibilité du cadre bâti et de l'offre culturelle pour les personnes handicapées. Ce séminaire aura lieu à l'Établissement public du musée et du domaine national de Versailles. Je tiens d'ailleurs à remercier Jean-Jacques Aillagon d'avoir répondu favorablement à cette sollicitation et à le féliciter pour son engagement en faveur de l'accessibilité du domaine de Versailles.
Cette journée se fera en lien avec les partenaires associatifs. Sur ces sujets comme sur d’autres, il s’agit de créer une culture partagée sur les questions d’accessibilité des lieux de culture, tout en prenant en compte les contraintes liées à la préservation du patrimoine.
Toujours dans le sens de cette action de sensibilisation, mon ministère mène un important travail de publication en collaboration avec les membres de cette commission.
Le premier guide « culture-handicap » à l'usage des professionnels des structures culturelles, édité en février 2007, a été réédité en 2009. Un nouveau guide a été publié en 2009, il est consacré à l'accessibilité du spectacle vivant. Je tiens à remercier M. André Fertier ici présent pour sa collaboration dans l'élaboration de cet ouvrage.
Aujourd'hui c’est le guide «équipements culturels et handicap mental» qui vous sera présenté. Le handicap mental est une souffrance pour qui en est porteur ; il est une source de peur et d’inquiétude pour qui en est le témoin. Or les personnes ayant un handicap mental forment la majorité du public handicapé accueilli par nos institutions culturelles, et je souhaite qu’ils y soient toujours mieux accueillis. C’est l’objectif de ce guide.
Je souhaite également approfondir les thématiques de l’accessibilité des bibliothèques, des expositions et du cinéma. Des ouvrages seront réalisés très prochainement sur chacun de ces thèmes. La personne handicapée doit bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens et doit aussi bénéficier des mêmes rêves et des mêmes émotions face aux œuvres.
II - Pour répondre à cette exigence, mon ministère s'est engagé dans un plan renforcé en matière d'accessibilité des équipements culturels. Des campagnes de diagnostics de l’accessibilité ont été menées par les établissements publics.
Parallèlement à la mise aux normes, une dynamique de dialogue entre établissements est active depuis 2003. Je tiens à saluer la qualité des travaux de la vingtaine d'établissements publics participant à la mission « Culture et handicap », identifiée sous le terme générique « RECA » : Réunion des établissements culturels pour l'accessibilité. La RECA est pilotée de façon remarquable par Mme Claudie Haigneré, Présidente d'Universcience, que je salue. Sans cette expertise partagée et ce lieu d’échanges, peu de réalisations concrètes verraient le jour. Le ministère de la Culture et de la Communication participe par ailleurs aux campagnes de labellisation « Tourisme et Handicap » des institutions culturelles et siège à la commission nationale du nouveau label « Destination pour tous » porté par les deux Secrétaires d'État en charge des personnes handicapées et du tourisme, Nadine Morano et Hervé Novelli.
Je souhaite aussi mettre l’accent sur l’accueil des personnes handicapées dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine. L'édition 2009 avait placé ces journées sous le thème de « L'accessibilité pour tous ». A cette occasion, plus de 12 millions de visiteurs, notamment les personnes en situation de handicap, ont pu découvrir nos monuments et sites ouverts à la visite, dont certains ont reçu le label « Tourisme et Handicap ». Je me félicite de l'engagement de beaucoup de propriétaires de monuments, publics ou privés, qui ont cherché à faciliter l’accueil de tous : parcours multisensoriels, lectures partagées dans le noir, visites commentées en langue des signes, visites en braille ont alors été proposés. Offrir à chacun, dans son individualité, dans sa singularité, dans son humanité, une culture partagée, telle doit être notre ambition.
Pour leur 27e édition, les Journées européennes du patrimoine, du 18 et 19 septembre 2010, célèbrent l'empreinte des « grands hommes ». L’action de ces femmes et de ces hommes qui ont façonné notre patrimoine doit être accessible à chacun des visiteurs. Comme le dit le sociologue Emile Durkheim en 1883, « sans doute ces hommes supérieurs, une fois formés, vont revenir vers cette foule dont ils émanent pour l’élever jusqu’à eux, pour la faire participer au trésor qu’ils possèdent ». L'attention portée à l'accueil des visiteurs handicapés reste une composante essentielle de cette manifestation qui offre, le temps d’un week-end, l’accès à des lieux et des monuments qui sont partie intégrante de notre histoire et de notre mémoire collective.
A titre d'illustration, le circuit de visite du Palais-Royal sera accessible dans son ensemble. Par ailleurs, le site Internet des Journées européennes du patrimoine propose une accessibilité en langue des signes française, mais aussi des critères de recherche pour la visite par type de handicap et par situation géographique.
Par ailleurs, il est essentiel de distinguer les réalisations exemplaires en matière d'accessibilité aux visiteurs handicapés. Ainsi, j’ai l’honneur de vous annoncer aujourd’hui les lauréats de l’édition 2010 du prix « Musée pour tous, musée pour chacun » : le Centre historique minier du Nord/Pas de Calais de Lewarde et le Musée d’art contemporain de Lyon. Dans leur diversité, ils témoignent de l’attention portée aux enjeux tels que l’aménagement durable en matière de scénographie et de muséographie, l'accueil ou d'information des publics handicapés. Ma volonté est que dès 2011, ce prix soit étendu à l'ensemble du champ de nos institutions culturelles : lieux de diffusion du spectacle vivant, monuments mais aussi cinémas.
J’attache également beaucoup de prix à l’accès des jeunes personnes handicapées aux métiers de la culture. A ce titre, nous avons mis en place un plan de financement qui permet d'engager la mise aux normes des bâtiments des écoles nationales, l'accessibilité des contenus pédagogiques, des concours et des examens, enfin la prise en charge des frais de transport des étudiants handicapés inscrits dans les écoles d’enseignement supérieur qui dépendent du Ministère.
· Rendre accessible, c’est aussi favoriser les pratiques culturelles au plus près des personnes atteintes de handicap. Dans les institutions d'accueil, la culture ne doit pas être une valeur ajoutée, elle doit être présente au cœur du projet d’établissement. L’expression artistique et le développement culturel, au sein des institutions médico-sociales, sont un facteur d’épanouissement et une ouverture à la liberté. L’accès à la culture sont à cet égard le meilleur vecteur pour libérer l’esprit de la « prison du corps » et pour certains libérer le corps de la « prison de l’esprit ».
Depuis plus de 10 ans, le Ministère de la santé et des sports et le Ministère de la culture et de la communication conduisent une politique commune d’accès à la culture pour tous les publics en milieu hospitalier. C'est pourquoi dans le cadre de la nouvelle convention que j'ai eu le plaisir de signer le 6 mai dernier, nous avons posé les bases, avec Roselyne Bachelot, de l'élargissement de notre politique Culture-Santé à l'ensemble du champ médico-social. Dès 2011, nous mettrons en œuvre cette nouvelle politique dans quatre régions pilotes, encore à identifier.
III - Avant de conclure, je souhaite aborder la question cruciale de l'accès à l’audiovisuel et aux industries culturelles, qui sont un horizon quotidien pour la plupart de nos concitoyens mais pour lesquelles beaucoup reste à faire pour les personnes handicapées.
La première avancée concerne l’exception aux droits d’auteurs au bénéfice des personnes atteintes d'un handicap. Afin de garantir l’accès aux œuvres par des supports adaptés, 40 structures à but non lucratif ont d'ores et déjà été agréées par mon Ministère. Je remercie l'implication des membres du Comité d'entente siégeant à la commission d'exception. Je tiens notamment à saluer l'engagement de M. Alain Lequeux qui a tenu le rôle essentiel de premier Président de cette commission. J'ai d'ailleurs tenu à ce qu'il soit honoré des Arts et des Lettres à l’occasion du Salon du Livre 2010.
De la même façon, le centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), en concertation avec les associations et l’ensemble des professionnels de la filière cinéma, se mobilise pour faciliter l’accès aux films en salle, en DVD ou en VOD. Faisons ensemble du numérique un formidable tremplin pour l’accès des personnes atteintes par un handicap sensoriel à la création et au patrimoine. A ce titre, je me suis engagé à veiller à la mise en accessibilité des films concernés par le plan de numérisation prévu dans le cadre du grand emprunt. Cet engagement implique la mise en œuvre du sous-titrage de 6 500 courts-métrages et 6 500 longs-métrages sur 5 ans. Je mesure également la nécessité d'une réflexion similaire au sujet de l'audio-description.
Au delà des œuvres du patrimoine, chacun doit aussi avoir accès aux films qui font l’actualité.
C’est dans ce but que le CNC a sollicité CANAL+ afin qu’elle s’engage lors de ses contrats de préachat, à demander aux producteurs qu’ils réalisent le sous-titrage de leurs œuvres dès la phase de post-production. C’est désormais chose faite et c’est une avancée remarquable ; c’est la prise en compte d’une exigence d’équité au coeur même du processus de création.
En ce qui concerne l’accès aux programmes télévisuels, je souhaite que nous tenions les objectifs fixés par la loi de février 2005. Il s’agit bien d’adapter la totalité des programmes du groupe France Télévisions par le développement du sous-titrage à destination des personnes sourdes et malentendantes et, au delà, de l'audiodescription à destination des personnes aveugles et mal-voyantes. M. Rémy Pflimlin, Président du groupe France Télévisions vous présentera le bilan de l'action du groupe et son projet de développement ; je ne doute pas qu’il sera profondément engagé sur ce sujet.
Enfin, dans le cadre du rapport relatif à l’adaptation des programmes télévisés aux personnes aveugles et malvoyantes, des propositions ont été avancées. Une réflexion commune sur ce sujet sera engagée avec les partenaires associatifs représentants les personnes handicapées, les professionnels de la télévision, le CSA et la direction générale des médias et des industries culturelles de mon ministère (DGMIC), en lien avec le CNC. Le référentiel de qualité du sous-titrage réalisé par l’Union nationale des sourds et des déficients auditifs (UNISDA) peut ici servir de guide.
J’ai évoqué au début de mon intervention l’ambition de la « culture pour chacun ». Elle est au cœur de l’ensemble des actions et des chantiers engagés en faveur des personnes handicapées par le Ministère. Elle signifie clairement la volonté de rendre accessible les œuvres et la création à chaque citoyen, quel que soit son lieu de résidence, quel que soit son âge, quel que soit son état de santé et son handicap. Former sa sensibilité, s’approprier les chefs d’œuvre, se nourrir de la création contemporaine, cela ne doit pas être un « ilôt préservé» à destination d’une élite, cela ne doit pas non plus être un « continent inaccessible » pour ces femmes et ces hommes qui souffrent de handicap mais veulent s’émouvoir, veulent être émerveillés, veulent vibrer à l’unisson de leurs contemporains. Leur ouvrir, vous ouvrir les portes des lieux culturels, c’est d’une certaine façon changer notre regard et nous changer nous-mêmes, c’est faire du mot égalité non plus seulement l’inscription d’une vertu républicaine mais une politique publique qui transforme le quotidien et la vie. Je suis convaincu que notre action commune, pouvoirs publics et associations représentatives, peut beaucoup dans ce domaine.
Je vous remercie.