Madame la Présidente de la Commission des affaires culturelles, chèreMichèle Tabarot,Mesdames et messieurs les députés,
Je suis très heureux de pouvoir aujourd’hui devant vous faire état de la
négociation d'un nouveau Contrat d’objectifs et de moyens entre l’Etat et
France Télévisions pour couvrir la période 2011-2015.
Les objectifs et les moyens, voilà des mots qui appartiennent autant au
discours sur l’art de la guerre qu’à celui du bon gouvernement. On oscille
entre Clausewitz et Machiavel, entre Sun Zu et Pierre de l’Etoile.
Ars belli, ars governandi !
Je tiens pourtant à souligner combien depuis le début des années 2000,
l'élaboration de ces documents contractuels représente un progrès
manifeste car elle offre aux organismes de l’audiovisuel public, et en
l’espèce à France Télévisions, une visibilité pluriannuelle sur sa stratégie,
sa gestion, et sur son financement. Et cette capacité de vision et
d’anticipation se fait aussi bien au bénéfice de France Télévisions qu’à
celui de l'État, auquel j’associe bien entendu la Représentation nationale,
dont l’avis est nécessaire avant la conclusion du contrat. Ces contrats,
vous le savez, sont le fruit d'un travail approfondi de concertation et je tiens
à saluer la qualité du travail mené entre les administrations concernées et
France Télévisions.
Ce nouveau Contrat d’objectifs et de moyens (COM) correspond au
mandat du nouveau président de la société, M. Rémy Pflimlin. Il coïncide
également avec une évolution technologique considérable dans le paysage
audiovisuel : le passage de l’ensemble des Français à la télévision tout
numérique à la fin de l’année 2011. Il s’adosse enfin à un mode de
financement que vous avez établi à la suite de vos débats de l'automne
dernier sur le projet de loi de finances (PLF) : la publicité, absente en
soirée, sera présente en journée sur toute la durée du Contrat d’objectifs et
de moyens, soit jusqu'en 2016. C’est une solution d’équilibre et de sagesse
à laquelle s’est ralliée le Gouvernement, dans un contexte budgétaire que
nous savons tous très contraint, et qui apporte aujourd’hui une visibilité et
une stabilité nécessaires pour construire la stratégie pluriannuelle de
France Télévisions. C’est une solution qui préserve également l’ambition
de qualité et l’éthique de service public qui a animé la réforme de France
Télévisions.
Les travaux sur le Contrat d’objectifs et de moyens (COM) ont bien
avancé, et, sous réserve des ultimes arbitrages financiers qui doivent être
rendus dans les tous prochains jours, nous souhaitons les voir achevés
d’ici à la fin du mois de juin, pour pouvoir adresser ce Contrat au
Parlement le plus rapidement possible au début du mois de juillet.
Soutenues par l'Etat, les ambitions de France Télévisions sont claires :
France Télévisions doit s'adresser à tous les publics. Il est en effet
essentiel d'offrir à l'ensemble des citoyens une offre de service public,
riche, variée et diversifiée. Aux citoyens de toutes les classes d'âge, de
tous les milieux, de toutes les régions, de toutes les origines. Il en va de la
légitimité, de la singularité, je dirais même de l’image de la télévision
publique, plus que jamais essentielle dans un paysage médiatique
proliférant, qui est passé en peu d’années d’une logique d’offre de
programmes limitée, à un foisonnement lourd de défis pour les groupes
dits « historiques ». Dans ce contexte, France Télévisions peut s'appuyer
sur la palette de ses chaînes pour proposer des programmes qui parlent à
tous, qui ne négligent personne.
Pour cela, France Télévisions doit être forte et bien identifiée dans l'univers
de la télévision numérique terrestre, qui se substituera définitivement à
l'analogique fin 2011. Cette force passe par l'affirmation des identités et
des complémentarités entre les antennes. Cette force passe également
par le renforcement d'une des particularités qui est l’un des points forts de
la télévision publique : sa dimension régionale, tant en métropole qu'en
outre-mer, au plus proche des attentes et des besoins de nos concitoyens ;
France Télévisions doit également être forte dans l'univers numérique. Les
prévisions s'accordent pour souligner la prédominance du format vidéo
dans l'univers numérique, qui s’accompagne d’une baisse de la
consommation linéaire, de la télédiffusion « traditionnelle » au profit de la
consommation à la demande, sur un nombre croissant de supports : du
téléviseur de salon, à l’ordinateur, en passant par les tablettes et autres
terminaux de téléphonie mobile. Dans ce nouveau contexte, les
intermédiaires que sont les diffuseurs ont un double devoir :
Rester des prescripteurs dans l’univers audiovisuel, qui soient à même de
créer de grands rendez-vous collectifs et de construire un lien solide,
puissant entre les Français, qui fassent vivre parmi eux le sentiment de
« faire société ensemble ». Je pense ici aux grands rendez-vous sportifs,
tels que le Tour de France, à des programmes emblématiques tels que le
Téléthon, mais aussi aux émissions d’information et de débat politique,
destinées à éclairer nos concitoyens. Cette mission différencie clairement
le service public du reste du Paysage audiovisuel. Elle passe notamment
par une exigence : transmettre la culture et le savoir – et je pense
notamment à l’éducation artistique, à la culture scientifique et technique, à
la diffusion du spectacle vivant - au plus grand nombre.
Devenir des espaces de création, d’innovation en matière d’usages
numériques.
France Télévisions s'appuiera notamment sur ses domaines d'excellence
pour s'affirmer dans l'univers numérique : l'information, le sport, l'ancrage
régional. Ses programmes seront mieux partagés, plus accessibles,
disponibles sur les réseaux numériques.
Ce Contrat d’objectifs et de moyens (COM) doit également marquer
l'exemplarité du groupe public dans plusieurs domaines :
Le premier est celui de la création audiovisuelle et cela avec un double
enjeu. D'une part, offrir au public des oeuvres modernes, créatives,
permettant notamment de renouveler la fiction française. Celle-ci doit
retrouver une nouvelle vigueur, une nouvelle énergie, rencontrer de
nouveaux publics, être plus en phase avec les modes de vie et les formes
de loisir de notre société. D'autre part, concevoir un véritable partenariat
avec les producteurs et les créateurs, dans un souci de transparence, de
confiance et d'innovation. Il s’agit notamment ici d’appliquer certaines des
préconisations du rapport que m’a récemment remis Pierre Chevalier, sur
l’avenir de la fiction française et son bon développement. Dans le domaine
du cinéma, France Télévisions poursuivra sa politique en faveur de la
diversité culturelle ;
Le deuxième domaine d'exemplarité auquel je tiens particulièrement est
celui de la diversité. Comme entreprise, la télévision publique doit être
exemplaire à travers ses équipes, leur ouverture à la diversité de la société
française du XXIe siècle, leur ouverture à ce qu’Edouard Glissant désigne
comme la « mondialité », un monde globalisé, un monde façonné par des
identités plurielles, des « identités en réseau . Il ne s’agit pas seulement
d’une question de quota ou de couleur de peau, mais d’une question d’état
d’esprit et de mentalité. Agir dans le domaine de la diversité, c’est s’ouvrir
au monde pour changer nos regards sur le monde ; c’est s’ouvrir aux
richesses et aux réussites à l’oeuvre dans les quartiers populaires – ceux
que l’on désigne parfois par un adjectif qui stigmatise : « sensibles » - et
offrir un autre regard sur celles et ceux qui y vivent, sur la France telle
qu’est est et non telle que nous voudrions qu’elle soit. En tant que média
grand public, la télévision publique doit bien entendu aussi, représenter la
société française dans toute sa diversité, dans toutes ses composantes,
dans toute sa richesse. Car le fait que la France soit un « pays-monde »
est à mon avis une chance et un atout pour asseoir notre influence, notre
rayonnement, notre singularité aussi.
France Télévisions doit enfin être exemplaire dans le domaine des
programmes culturels, notamment dans celui des programmes musicaux,
en rendant justice à la diversité des musiques, en réfléchissant au
renouvellement des « grammaires audiovisuelles » en matière d’émission
consacrée à la musique. J’ai ainsi demandé à France Télévisions de
travailler à une meilleure éditorialisation des programmes musicaux, pour
accorder toute la place qu’elles méritent aux nouvelles productions,
notamment sur les antennes « historiques » du groupe, France 2 et France.
Même si le service public excelle parfois en la matière, comme nous l’a
rappelé la couverture de Roland Garros il y a quelques jours, l'exemplarité
vaut aussi dans le domaine de la diversité des sports proposés à l’antenne
et de la transmission des valeurs positives – celles du « vivre ensemble »,
de la citoyenneté, de l’intégration sociale - attachées au sport.
Enfin, Télévisions traverse un chantier important : celui de l'achèvement du
projet de l'entreprise commune. La loi du 5 mars 2009 a procédé à la
fusion des sociétés nationales de programme France 2, France 3, France
4, France 5 et Réseau France Outre-mer (RFO) avec l’absorption par leur
maison-mère France Télévisions. Les chaînes ont donc été réunies
juridiquement pour former depuis 2009, la société nationale de programme
France Télévisions.
L'objectif de cette fusion est de conjuguer les forces de chacune des
chaînes pour répondre aux grands défis audiovisuels du XXIe siècle Mettre
en commun des fonctions partagées, mutualiser les moyens, garantir
l’accès à certains services pour l’ensemble des acteurs du groupe : tel est
l’esprit dans lequel a été engagée cette fusion.
Atteindre ces objectifs suppose notamment la mise en place d’une
nouvelle organisation. Une première étape importante a eu lieu début
2010, sous la conduite de la précédente équipe dirigeante de France
Télévisions. Des ajustements ont eu lieu fin 2010 et début 2011 de la part
du nouveau président de France Télévisions, ce qui était tout à fait
légitime. Sur le plan éditorial, la logique qui est la sienne consiste à
replacer la responsabilité au niveau des antennes. En revanche, les
fonctions support - finances, communication, ressources humaines - ainsi
que les fonctions technologiques et de fabrication restent bien entendu
mutualisées.
La mise en oeuvre de cette entreprise commune est encore en chantier,
tant sur le plan des outils techniques, que sur celui de l’organisation des
équipes. Auparavant les salariés appartenaient à des régimes différents, et
j’oserais même dire à des cultures différentes. Aujourd’hui, l’objectif
consiste bien, dans le cadre des négociations qui sont en cours avec les
partenaires sociaux et les institutions représentatives, à construire une
culture du travail commune, une culture d’entreprise partagée, forte des
valeurs du service public, une culture à même de construire une identité
forte pour France Télévisions.
Sur la durée du Contrat, je ne doute pas que France Télévisions mènera
ce chantier à son terme. C’est une stratégie prioritaire afin d’améliorer sa
gestion mais aussi d’accroître le volume et la qualité de son activité.
Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous apprendrai rien en vous
rappelant que le cadre budgétaire demeure extrêmement contraint,
notamment en 2012. Le plan d'affaires de France Télévisions est
actuellement en cours de finalisation. L’enjeu est considérable : il s’agit de
permettre au service public audiovisuel de continuer à s'adresser à tous les
publics, à jouer sa participation singulière dans le nouvel environnement
numérique. C’est pour répondre à cette ambition que je me bats pour que
les missions de France Télévisions fassent l'objet d'un financement
cohérent, à la hauteur de cet enjeu et de nos ambitions pour l’audiovisuel
public français en Europe.