Monsieur le président,Monsieur le directeur général,Mesdames et Messieurs les présidents des chambres de commerce et d’industrie,Mesdames et Messieurs les directeurs,Mesdames et Messieurs,

Il y a, dans Les Affinités électives de GOETHE, une singulière théorie du mariage.
L’un des personnages y propose, en effet, que « le mariage ne soit valable que pour
cinq ans » : « ce nombre impair et sacré (ajoute-t-il) suffit pour apprendre à se
connaître, pour se brouiller, et, ce qui est le plus charmant, pour se réconcilier. L’on
oublierait, au milieu de ce charmant petit commerce, l’époque fixée pour la
résiliation du contrat d’association, comme on oublie, dans une bonne société,
l’heure à laquelle on s’était promis de se retirer. Et je suis persuadé que l’on ne
s’apercevrait de cet oubli qu’avec un sentiment de bonheur, parce qu’il aurait
tacitement renouvelé le contrat ».
Cette théorie aussi amusante qu’intéressante d’un mariage à durée déterminée – un
« MDD » en quelque sorte…! – , mais indéfiniment renouvelable par tacite
reconduction, elle me semble pouvoir s’appliquer à toutes sortes de mariages, en
particulier à ceux qui unissent, comme c’est le cas pour nous, un Ministère, comme
le nôtre, et une Chambre de Commerce et d’Industrie.
Je dois dire que c'est avec un très grand plaisir que je me trouve aujourd'hui parmi
vous, au siège de l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et
d’Industrie (ACFCI), accueilli par son Président Jean-François BERNARDIN, à
l'occasion du renouvellement de notre mariage de raison, mais aussi d’inclination,
fondé sur l’amour de la Culture ! Notre contrat de mariage s’appelle « Charte pour le
développement du mécénat culturel », et fut signé pour la première fois le 15 mars
2005, il y a 5 ans – la durée prescrite par le personnage de GOETHE. Et voilà que
nous aussi, nous avons décidé de signer sa reconduction pour 5 nouvelles années !
Ce nouvel accord répond à une volonté partagée de poursuivre, sur des bases
renouvelées, le travail fructueux qu’ont mené de concert nos réseaux et nos
collaborateurs, afin que la culture ne demeure plus, sinon une « affaire d’Etat », du
moins une affaire de l’Etat, mais croise l’action de la puissance publique et celle des
entreprises.
Voici cinq ans, il s’agissait d’abord de faire connaître la loi du 1er août 2003 relative
au mécénat, aux associations et aux fondations ; ensuite, de mettre en place à
travers toute la France des réseaux de correspondants mécénat qui oeuvrent
ensemble au rapprochement entre les acteurs culturels et les dirigeants
d’entreprise. Il s’agissait également d’asseoir définitivement l’idée que l’activité
culturelle et le patrimoine constituent un élément essentiel d’attractivité et par là de
développement économique pour nos régions. La crise l’a montré : la culture crée
des richesses, des entreprises, des emplois, par le tourisme, par le développement
des pratiques et des industries culturelles, surtout aujourd’hui, à l’ère du numérique.
Durant ces cinq années, ces objectifs ont été largement réalisés. Nous
avons réussi à déployer des « liaisons » (jusque là perçues comme
« dangereuses », mais aujourd’hui officialisées !) entre deux mondes
longtemps étrangers l’un à l’autre, nous avons réussi à intégrer le dense
tissu des petites et moyennes entreprises (PME) dans le dialogue avec les
acteurs culturels, dont l’horizon était jusqu’alors presque réduit à quelques
grandes entreprises parisiennes.
Les chiffres confirment d’ailleurs un changement des mentalités qui se
vérifie partout : s’il y avait en France, avant la loi du 1er août 2003, moins de
2000 entreprises connues pour faire du mécénat, elles étaient déjà, en
2008, plus de 15 000 à utiliser des dispositions fiscales favorables au
mécénat, et non moins nombreuses à soutenir des initiatives d’intérêt
général dans des actions de parrainage. Plus d’un tiers de la générosité de
ces entreprises profite au domaine culturel – une tendance que la crise que
nous traversons ne semble pas avoir profondément infléchie.
La législation française relative au mécénat est, vous le savez, l’une des
plus complètes et des plus généreuses au monde. Depuis 2003, elle s’est
enrichie de mesures importantes qui, pour la plupart, concernent le
domaine culturel : je pense notamment à la diffusion du spectacle vivant et
à l’organisation des expositions d’art contemporain, je pense aussi aux
monuments historiques privés, qui constituent un pan essentiel de notre
patrimoine et qui concourent beaucoup à cette attractivité des territoires
que j’évoquais tout à l’heure. Je pense enfin à la presse, qui peut
désormais bénéficier de soutiens privés.
J’ajoute que, depuis la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi
et du pouvoir d’achat (la loi « TEPA »), certains types d’organismes – les
fondations reconnues d’utilité publique, les établissements d’enseignement
supérieur et de recherche – peuvent bénéficier de dons déductibles de
l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Enfin, grâce à la loi de
modernisation de l’économie du 4 août 2008, nous disposons d’un nouvel
outil de financement, le « fonds de dotation ». Il s’agit d’une nouvelle
génération de fondations, dont le succès est exceptionnel. Il s’en est créé
en effet plus de 240 depuis un an. Cela montre à quel point la culture du
don à des oeuvres d’intérêt général représente un vaste potentiel dans
notre pays. Or, pas moins de 18 %, presque un cinquième de ces fonds
sont dédiés à des projets culturels, ce qui est loin d’être négligeable.
Je souhaite, vous le savez, poursuivre l’amélioration de cette législation, en
proposant notamment de relever le plafond des dons afin de donner
davantage de marge au mécénat des plus petites entreprises. Si le
contexte budgétaire actuel n’est guère favorable au développement des
avantages fiscaux, c’est un objectif que je ne perds pas de vue.
L’offre culturelle a été l’un des domaines privilégiés du développement du
mécénat d’entreprise dans notre pays pour des raisons évidentes. D’abord,
la culture est l’un des axes les plus forts de notre rayonnement. Ensuite,
les entreprises ont depuis longtemps compris qu’il ne s’agit pas seulement
d’améliorer leur image, mais de travailler à la qualité même de leurs
valeurs communes, de leur identité et de leur interaction avec leur
environnement. L’importance économique de la culture n’a pas échappé
non plus aux chefs d’entreprise, notamment dans les territoires. Et
l’articulation entre mécénat et responsabilité sociale a fait ressortir ce que
la culture, parce qu’elle s’accompagne d’une ouverture d’esprit et d’un
certain regard, peut apporter à la lutte contre toutes les formes d’exclusion
et à l’égalité des chances. Finalement ce mécénat culturel de l’entreprise
contribue fortement à la « culture pour chacun » dont j’ai fait l’un des
grands principes de mon action.
Un excellent rapport sur cette question m’a été remis récemment. Ses
propositions, qui concernent principalement les jeunes, les habitants des
banlieues défavorisées et ceux de l’espace rural, nourriront le plan d’action
que j’exposerai dans les mois à venir, fédérant tous les acteurs du secteur,
y compris les entreprises mécènes.
Le dialogue avec l’entreprise fait désormais partie de la culture du
Ministère. Il s’articule de plus en plus sur des « pôles mécénat » régionaux
ou interrégionaux, qui associent les chambres de commerce, les chambres
de notaires et des conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables,
voire d’autres réseaux actifs en matière de mécénat. Plusieurs régions ont
déjà donné l’exemple. Je suis convaincu que ces pôles fourniront les
meilleurs interlocuteurs aux porteurs de projets en quête de partenaires,
comme aux entreprises qui souhaitent se lancer dans le mécénat culturel.
Mais même la générosité a besoin sinon d’une initiation, du moins d’une
formation, et votre réseau consulaire est le deuxième formateur de notre
pays, après l’Éducation nationale ! Il gère de nombreux réseaux
d’établissements d’enseignement supérieur (Ecoles supérieures de
commerce, Ecoles de gestion des cadres, etc.). Des formations au
mécénat existent déjà dans certains de ces établissements, qui sont les
pépinières de nos dirigeants d’entreprise. Les Directions Régionales des
Affaires Culturelles (DRAC) jouent évidemment un rôle sinon central, du
moins axial dans cette politique. C’est pourquoi l’idée que les étudiants
mobilisent leurs compétences dans des partenariats avec elles me paraît
excellente. Ils peuvent se former sur le terrain et apporter leur contribution
à toute l’ingénierie des projets : des enquêtes sur les pratiques locales à la
communication dans des campagnes de mécénat, en passant même
parfois par la recherche de fonds.
Cette charte préconise enfin le développement de démarches collectives
de mécénat qui émanent des entreprises. Il existe en France, depuis des
années, de nombreux clubs ou cercles d’entreprises, informels ou
associatifs, qui viennent soutenir des organismes, des événements
culturels, des festivals, des monuments, des musées, à l’instar des
sociétés d’amis. Il existe aussi des fondations collectives d’entreprises dont
l’engagement s’inscrit dans la durée, au profit de la vie culturelle d’un
territoire ou de l’activité d’un établissement. Les instruments juridiques ne
manquent pas, de la fondation reconnue d’utilité publique à la fondation
d’entreprise et au fonds de dotation, pour répondre à des situations très
diverses, et nous pouvons ensemble réfléchir aux outils les plus adaptés.
Une forme de mobilisation assez nouvelle en France, mais bien vivante
dans d’autres pays, comme le Canada, est en train d’émerger : celle de la
fondation territoriale, appelée outre-Atlantique « communautaire ». C’est
dans le maillage le plus fin de nos territoires, que l’expertise des
entreprises et des fondations, leur capacité de diagnostic et d’évaluation
pourront donner toute la mesure de leur apport : là aussi, les DRAC
doivent jouer un rôle clef, en partenariat étroit avec les chambres de
commerce et d’industrie, avec lesquelles elles possèdent d’ores et déjà de
nombreuses affinité électives.
C’est pourquoi je me réjouis de ce renouvellement de confiance mutuelle
entre le Ministère de la Culture et de la Communication, et l’Assemblée des
chambres françaises de commerce et d’industrie, qui permet de consolider
les acquis des cinq ans écoulés et de lancer, pour cinq nouvelles années,
bien des nouveaux projets en faveur de cette culture partenariale qui est
l’un des leviers de la « culture pour chacun ».
Je vous remercie.