Monsieur le Président de la Bourse AGORA pour le design,Madame la Directrice du Musée des Arts décoratifs,Monsieur le Délégué aux Arts plastiques,Monsieur le lauréat de la Bourse AGORA 2009,Mesdames, Messieurs,Chers amis,Le design est notre grammaire du quotidien : il décline, objet aprèsobjet, meuble après meuble, forme après forme, l’alphabet poétique denotre vie de tous les jours. Il occupe une place nodale, à la croisée deschemins entre la vie de tous les jours et la vie sublimée par l’art, entre laculture et l’économie. Il est, par nature, un intermédiaire nécessaire, un« tiers » – pour reprendre la terminologie de l’un des projets nominés –mais à l’inverse de ce que l’on appelle un « tiers séparateur », il est bienun tiers unificateur, créateur de lien social et humain.

C’est pourquoi le ministère de la Culture (et de la Communication) lui
accorde une importance essentielle, à travers l’enseignement, le soutien
à la création et à la diffusion, et la valorisation de son patrimoine.
C’est pourquoi j’ai inauguré, le 1er octobre dernier, la Cité du Design à
Saint-Etienne, qui sera un forum – j’ai failli dire une agora… – de
création, d’innovation et de recherche en la matière.
C’est pourquoi j’ai le souci d’inscrire pleinement le design et sa mémoire
dans le vaste mouvement de la révolution numérique, que j’ai identifié
comme l’une des grandes priorités de mon action au ministère. Et c’est
pourquoi nous avons mis en place un portail d’accès à de nombreuses
collections numérisées, qui seront désormais accessibles au public,
accessibles à chacun. Vous savez, une récente étude le démontre, que
la fracture numérique est en voie de résorption dans notre pays et je
m’en réjouis, car c’est une chance pour la transmission de la culture.
C’est pourquoi – last but not least – j’ai tenu à être présent aujourd’hui
pour la remise de ce prix de la jeune création, qui s’inscrit dans une
politique d’incitation et se voit soutenue, depuis deux ans, par le
mécénat exemplaire d’HERMÈS, que je remercie de ce témoignage de
confiance et de sa générosité éclairée.
Cette jeune création est particulièrement brillante cette année et, bien
sûr, je suis là aussi pour féliciter chaleureusement le lauréat de ce
« millésime » de la Bourse AGORA, M. Gilles BELLEY, ainsi que chacun
des nominés dont j’ai considéré avec attention aussi les projets
remarquables. Ils font voir le nouveau visage du design : un design qui
n’a cessé d’évoluer en relation avec la société, bien souvent – et c’est à
l’évidence le cas ici – en avance sur des mutations qu’il « désigne »
avant de les rendre réelles.

J’ai été très frappé de voir que ces jeunes chercheurs, selon un paradoxe
stimulant, font reposer l’idée d’un design durable sur l’idée du périssable.
Ils ont l’intuition très juste que le « durable » n’est pas ce qui est statique,
mais ce qui se renouvelle sans cesse, évolue et s’adapte. J’ai presque
envie de citer la sagesse orientale de BOUDDHA et sa formule suggestive
bien connue : « Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement ». Au
sein de cette grammaire du quotidien que j’évoquais, nos designers
inventent ou réinventent une sorte d’écologie domestique. J’ai été très
sensible, à cet égard, aux propositions originales du lauréat. Vous parlez
de « plaine », de « colline », de « brindille », etc., autant d’éléments
naturels que vous savez intégrer de manière poétique à la maison dans
votre « Fabrique », dont le terme même m’a fait penser à un lointain
cousin du « Désert de Retz » que j’ai inauguré il y a quelque mois, une
sorte de microcosme quasiment utopique, incluant peut-être les éléments
d’un « jardin japonais » miniature. Il me semble que le lauréat, ainsi que
tous les nominés, ont porté une attention particulière à l’exigence de
souplesse et à la question de la continuité : continuité entre l’homme et
son environnement, entre la nature et l’artifice, entre l’extérieur et
l’intérieur…
Tous explorent et déclinent les modalités d’une gestuelle du quotidien et
d’une adaptation de l’environnement humain à l’environnement urbain.
Cette notion d’adaptation m’a semblé, à juste titre, au coeur de vos
recherches : la notion de « tiers-objet » y participe pleinement puisqu’elle
montre le refus de l’opposition frontale entre l’homme et son
environnement et inscrit le design dans cette problématique de la
continuité et donc de l’harmonie qui est l’un des éléments de sa définition.
Mais tout cela nous montre que le design contemporain quelle que soit
l’extrême finesse et, pour ainsi dire, la granulométrie de son alphabet, est
pleinement relié à un mouvement qui inscrit l’homme dans un
environnement global et donc dans des dimensions nouvelles.
Car nous sommes, je crois, arrivés à un moment de notre histoire et de
notre culture où nous nous remettons à penser les choses en grand, de
manière globale, parce que nous vivons dans un monde lui-même
globalisé et dans lequel les grandes questions – l’environnement,
l’aménagement du territoire… – ne peuvent elles-mêmes recevoir qu’une
réponse globale. Le projet du Grand Pari(s) en témoigne. Vous le savez,
j’installe demain, aux côté du Président de la République, l’atelier
international d’architectes au Palais de Tokyo. Et je suis persuadé que le
design doit pleinement bénéficier de cette ébullition, peut-être de cette
émulation ave la géométrie en expansion de ces grands projets qui ne
touchent pas seulement la capitale et qui dessinent ce que j’appelle un
humanisme à visage urbain.
Je que le projet et le nom même d’AGORA participe déjà pleinement de
ce grand enjeu, lui qui renvoie à un carrefour des disciplines, des
pratiques, des champs de la nature et de la culture, de l’art et des
industries. En accordant une importance essentielle au développement
durable et à la recherche et l’innovation technologique, AGORA ouvre les
perspectives, croise les champs d’investigation et inscrit le design dans un
grand dessein.

En somme, ce design contemporain dont vous êtes des acteurs
particulièrement prometteurs, contribue à fonder plusieurs types de
valeurs : pas seulement des valeurs « d’usage » et « d’échange », pas
seulement des valeurs esthétiques, mais aussi les valeurs éthiques qui
fondent la qualité de notre vivre-ensemble.