Cher Lenny Kravitz,
Des riffs incandescents comme des coups de canifs sensuels portés sur la toile du rythme. Des intuitions virtuoses, celle d'un polyinstrumentiste qui électrise son public. Vous êtes l’un des artistes les plus brillants de votre génération, qui aura puisé l'inspiration aux meilleures sources : les casseroles sur lesquelles vous tapiez quand vous étiez enfant, les Jackson 5, l’ingénieux Prince, la mouvance jazz-funk du dernier Miles Davis, David Bowie, Jimmy Hendrix, Mick Jagger. Dans votre discothèque idéale, on trouve aussi du Gospel, du Reggae, du rock psychédélique, du folk.
Lorsqu’on a l’habitude de croiser Count Basie ou Ella Fitzgerald à la maison, une tasse de café à la main, que Duke Ellington interprète « Joyeux anniversaire » en votre honneur, difficile d'être une personnalité terne.
Musicien au style débridé, adepte du « black and white », celui de vos origines à la fois ukrainiennes et bahaméennes, affranchi des barrières entre le son noir et le son blanc, vous vous méfiez à raison des codes
couleurs, des codes vestimentaires, des codes musicaux ; c’est le secret de votre réussite, qui vous fait graviter aujourd’hui parmi les plus grandes stars du rock.
Après une enfance newyorkaise aisée auprès de vos parents, Sy Kravitz, producteur de télévision et Roxie Roker, vedette du petit écran, c'est une fois votre famille installée en Californie que vous vous frottez au répertoire classique dans la chorale des California Boys. Vous fréquentez discrètement la Beverly Hills High School où vous croisez le guitariste Saul Hudson, alias Slash.
Séduit par une vie de bohème, vous quittez le domicile familial très jeune. Sous le pseudonyme de « Romeo Blue », vos premières performances sont influencées par Prince. En 1985, vous rencontrez le musicien et ingénieur du son Henry Hirsch, puis vous êtes rejoints par le saxophoniste Karl Denson, qu’au fil des ans vous retrouvez sur la plupart de vos réalisations.
En 1989, « Romeo Blue » laisse la place à Lenny Kravitz. C’est sous votre nom que vous signez un contrat avec Virgin pour votre premier album Let Love Rule. En France, vous êtes acclamé et encensé par la critique, à la suite de votre passage aux Transmusicales de Rennes. L’année suivante, vous composez Justify my love pour Madonna, une chanson au parfum de scandale qui vous fait atteindre les sommets des hit- parades. Puis c'est Mama Said, votre second album, qui remporte un succès international grâce à des tubes devenus aujourd’hui des classiques, comme It ain’t over till it’s over profondément influencé par Led Zeppelin, Always on the run ou encore Stand by my woman, co-écrit avec Slash. À cette époque, vous faites également la connaissance de Vanessa Paradis, pour qui vous composerez un album éponyme.
Un an plus tard, c’est Are you gonna go my way qui vous hisse au statut de rock star internationale et vous apporte la reconnaissance de vos pairs. S’ouvre alors la voie de nombreuses collaborations et des duos avec les noms les plus prestigieux : Mick Jagger, Steven Tyler du groupe « Aerosmith », Curtis Mayfield, Al Green ou Stevie Wonder.
Pour votre cinquième album, 5, vous vous frottez à la technologie digitale du traitement des sons. Doté d'une inspiration nouvelle, riche de toute votre culture musicale, l’album trône pendant un an dans les charts américains, avec des titres phares comme Fly away ou I belong to you.
Vous récoltez alors les lauriers de la gloire ; pendant quatre années consécutives, les Grammy Awards sont au rendez-vous. Difficile de revenir sur tous vos opus. Je me contenterai de citer le tout dernier Black and
White America, très abouti et éminemment personnel.
Derrière la rock star aux grooves entêtants, les pantalons pattes d’éph et les lunettes du bad guy, il y a l'univers personnel de Lenny Kravitz, sans fioritures, avec le ciel, le soleil, la mer au Bahamas, votre studio sur l’île d’Eleuthera, votre pied-à-terre parisien où vous résidez la moitié de l’année, la ferme au Brésil, et bien sûr votre fille – quand vous n'êtes pas en train de parcourir de nouveaux terrains de jeu pour votre créativité, au cinéma ou dans le monde du design : vous avez créé des luminaires pop pour Swarovski, et Philippe Starck vous a chargé du dernier étage du futur hôtel SLS de Miami.
Parce que vous êtes une idole française comme vous êtes une idole américaine, cher Lenny Kravitz, au nom de la République française, nous vous remettons les insignes de Chevalier de l’Ordre des Arts et des
Lettres.