Monsieur le Préfet,
Madame la présidente, chère Catherine Pégard,
Mesdames et Messieurs,

« Versailles, grand nom rouillé et doux, royal cimetière des feuillages, de
vastes eaux et de marbres, lieu véritablement aristocratique et
démoralisant, où ne nous trouble même pas le remords que la vie de tant
d’ouvriers n’y ait servi qu’à affiner et qu’à élargir moins les joies d’un autre
temps que la mélancolie du nôtre. »

Ainsi s’exprimait Marcel Proust, dans Les Plaisirs et les jours, faisant de
Versailles le palais de toutes les mélancolies. Par contraste, chère
Catherine Pégard, votre arrivée m’apparaît enthousiasmante.

L’établissement public dont vous avez la présidence est l’objet de toutes
les attentions, parce qu’il est en tous points exceptionnel. Inscrit au
patrimoine mondial par l’UNESCO dès la première liste française de 1979,
le château, le domaine et le parc représentent, pour les quelque mille
agents qui y travaillent, un défi majeur en matière de gestion : celui d’un
site hors du commun où toute action est immédiatement exposée aux
commentaires, dans le monde entier. « On ne finirait point sur les défauts
monstrueux d’un palais si immense, et si immensément cher », nous
prévenait déjà le Duc de Saint-Simon. C’est aussi le défi de l’affluence.
Versailles, c’est en effet 6 millions de visiteurs par an, dont 3,8 pour le seul
château, sans compter les visiteurs des jardins et du parc en accès libre.

Diriger Versailles, c’est se confronter à la difficile tâche de trouver le point
d’équilibre entre tourisme de masse et conservation du patrimoine. D’où la
nécessité d’une vision stratégique sur le long terme, et d’une réflexion sur
le devenir du domaine dans son ensemble. C’est l’objectif du schéma
directeur du Grand Versailles, qui entre dans sa deuxième phase.

Je tiens tout d’abord, madame la présidente, à saluer très
chaleureusement votre arrivée. Après avoir exercé de très hautes
responsabilités en tant que conseillère du Président de la République, vous
prenez donc la suite de Jean-Jacques Aillagon, à l'action duquel il faut
rendre ici hommage. Son action et celles de ses équipes à la tête de cet
établissement prestigieux et unique par la part qu’il occupe dans notre
mémoire nationale a été plus que notable. Je ne doute pas que vous allez
investir toute votre énergie à poursuivre les travaux de rénovation du
château, du musée et du domaine national, dans la continuité d’une
politique d’accès qui a réussi à rendre le domaine familier et accessible à
de nouveaux publics, en associant aux visites des oeuvres d’artistes
contemporains très reconnus. Face aux querelles des Anciens et des
Modernes qui ressurgissent toujours, vous avez raison de dire, madame la
présidente, que la question de l’art contemporain avait été tranchée par
Louis XIV, qui en avait fait un lieu de création.

Vous allez également oeuvrer en faveur du renforcement de son attractivité
et de son rayonnement international : pour cela, il faut favoriser les
nouvelles dynamiques artistiques, penser de nouvelles manière de
valoriser ce patrimoine exceptionnel. Et à ce titre, Catherine Pégard, c’est
le talent et une grande culture, l’énergie, des qualités d’organisation plus
qu’avérées en matière de communication, sont les garants de ces
ambitions, et je ne peux donc que former les voeux les plus chaleureux
pour la nouvelle présidente.

Versailles est l’un des rares établissements publics de mon ministère à
avoir un outil de gestion pluriannuel, avec un plan prévisionnel de
financement validé à la fois par mon ministère et par le ministère du
Budget. L'Etablissement Public de Versailles dispose ainsi depuis 2003,
avec son schéma directeur, d'une vision très précise de l'engagement
financier de l'État jusqu'en 2017. J’en rappelle les priorités principales :
mises aux normes, rénovation du patrimoine, accueil des publics. En
approuvant le contrat de performance pour la période 2011-2013, mon
ministère a eu pour souci d'établir une vision partagée de la
programmation des actions de l’établissement public. Je me réjouis
d'ailleurs qu’il l’ait déjà décliné en plans d’actions concrètes.

La deuxième phase du schéma directeur de l’Etablissement Public de
Versailles, c’est donc une ligne directrice claire sur les choix du ministère
en matière d’investissements pluriannuels, qui répond également au souci
de maîtrise des dépenses publiques. C’est un outil stratégique de gestion
patrimoniale et domaniale, établi en étroite concertation avec
l’établissement : il établit notamment l’ordre et la cadence des programmes
de rénovation sur l’ensemble du domaine, en fonction des possibilités
budgétaires, des contraintes d’activité de l’établissement, et surtout de
l’accueil du public. En donnant aux objectifs de mise en valeur une plus
grande lisibilité, il envoie également un signal fort aux mécènes, qui
peuvent savoir que leur contribution pourra être d’autant plus utile et
reconnue.

Notons également que votre établissement est également précurseur du
point de vue de la gestion du domaine de l’Etat : la convention unique
d’utilisation du domaine, négociée avec France Domaines, pour l’ensemble
des bâtiments, signée en juin 2011, a été conclue à titre gratuit, et vous
permet notamment de percevoir directement les recettes domaniales liées
à son activité ; c’est la première convention de ce genre, et elle servira de
modèle pour une grande part de l’immobilier spécifique à vocation
culturelle du ministère de la Culture et de la Communication.

Permettez-moi de revenir sur les quatre points principaux du schéma
directeur :

La mise en sécurité et la modernisation des réseaux techniques. Il y va de
la sécurité du monument, de celles des collections, et surtout de celles des
visiteurs, qui doit être la première des priorités.

L’amélioration de l’accueil des visiteurs - notamment pour le domaine de
Marie Antoinette, pour la restauration du Petit Trianon, l’aménagement du
Pavillon Dufour – avec le projet de Dominique Perrault, qui marque le
retour de l’architecture contemporaine à Versailles - ou encore
l’aménagement du rez-de-cour des ailes des ministres.

La modernisation des lieux d’activité : le réaménagement du Grand
Commun pour l’intégration des services, et la création d’un restaurant des
personnels. Les conditions de travail des agents sont à l’évidence un
facteur clé du bon fonctionnement de l’établissement, et j’y suis très
attaché. Avec presque 1000 agents, Versailles doit être en mesure de
renforcer sa culture d’établissement.

La programmation, enfin, des restaurations en cours, comme celle de la
toiture du corps central, ou des décors des Grands Appartements.

Aucun autre ensemble monumental ne bénéficie de l'assurance d'une
enveloppe de travaux d'une telle ampleur. Cela témoigne du soutien résolu
et durable de l'Etat à cet élément insigne du patrimoine national. Cela
permet également la réalisation d'investissements lourds et plus que
nécessaires : réseaux techniques, installations réfrigérantes, accueil du
public – autant d’éléments indispensables à la vie du monument.

Au terme des deux schémas directeurs, la physionomie de Versailles sera
donc transformée : les services seront concentrés au Grand Commun ;
l’accueil aura été amélioré à la mesure des flux de visiteurs ; le corps
central aura été rénové, et les grands travaux dans le Parc achevés ; le
rattachement de Marly pourra porter ses fruits. Je n’ai pas de doute,
madame la présidente, sur le fait que vous saurez mener à bien tous ces
objectifs.

Pour mémoire, la première phase du schéma directeur, avec un calendrier
d’exécution s’étendant de 2003 à 2013, comportait une enveloppe de 159
millions d’euros. Cette enveloppe a été portée à 189 millions d’euros pour
la période 2010-2017, avec une augmentation très sensible des
ressources propres, mécénat compris, qui passent de 23,3% du total à
désormais 34%. C’est le signe du dynamisme remarquable de la gestion
de l’établissement que l’on doit à votre prédécesseur et ses équipes. La
part de l’État passe ainsi de 76,7% à 66%. L’engagement de l’État reste
néanmoins très élevé, ce qui est à souligner dans l’environnement
budgétaire très contraint que nous connaissons actuellement.

Je ne peux que me réjouir du développement du mécénat à Versailles qui,
tout en s’inscrivant dans une tradition, connaît un dynamisme très sensible
ces dernières années. Je pense par exemple aux initiatives prises à la
suite de la tempête de décembre 1999 pour oeuvrer à la recomposition
végétale et paysagère des jardins de Le Nôtre, avec également l’appel au
mécénat des particuliers ; au belvédère de Marie Antoinette, ou encore à
l’acquisition d’oeuvres d’intérêt patrimonial majeur dans le cadre de la loi
du mécénat de 2003, qui vient participer d’une politique de remeublement
du château lancée depuis André Malraux, soumise désormais aux prix très
élevés du marché pour les meubles de provenance royale. Cela permet de
donner aux appartements royaux l’aspect le plus vivant possible, et de
mettre en valeur, également, tous les métiers de la restauration de
l'établissement ainsi que le travail du Mobilier national.

À la rénovation des décors des grands appartements, à l’aménagement du
Grand Commun, à la finalisation des équipements techniques souterrains
et de ses chantiers simultanés, s’ajoute également la restructuration du
Pavillon Dufour et de la Vieille Aile, avec le projet de Dominique Perrault
qui marque le retour de l'architecture contemporaine à Versailles, après
plus d'un siècle d'absence. Cela implique parfois des fermetures lourdes
dans le corps central ; elles sont compensées par l’ouverture de nouveaux
circuits, la mise en valeur des opérations de remeublement… La
préservation de cet équilibre fait partie de vos tâches.

Il en va de même pour les jardins. Là aussi, Madame la Présidente, vous
allez devoir trouver le point d’équilibre entre les conditions de bonne
conservation des différents éléments du domaine et la plus large ouverture
possible aux visiteurs, outre les autres usages comme le tournage des
films, les expositions, les spectacles, les concerts. Parlant de
programmation musicale, je salue le travail remarquable du Centre
Musique Baroque de Versailles et son directeur Hervé Burckel de Tell, qui
font tant pour décloisonner la musique ancienne, la rendre plus visible, et
pour promouvoir l’excellence de la recherche dans ce domaine. Je
souhaite que nous puissions repenser au mieux l’intégration de ses
activités dans la programmation des activités de l’Etablissement Public de
Versailles, et notamment de son Opéra, unique en son genre dans le
paysage culturel européen aux côtés de ceux de Drottningholm en Suède
et de Cesky Krumlov en République tchèque, qui a renoué avec sa
vocation première.

Versailles, c’est aussi le Centre de recherche du château créé en 2006, les
collaborations avec l’École du Louvre, l’Université de Paris I, l’Institut
national du patrimoine. Tous ces partenariats seront des éléments
essentiels du nouveau projet scientifique et culturel que vous allez établir
en 2012. La légitimité scientifique des initiatives de l’établissement est à
l’évidence déterminante, et mon ministère y est particulièrement attentif –
je pense à l’accord établi avec Google en contrepartie d'un partenariat pour
la galerie d'histoire du château. Le développement de l’établissement ne
saurait en aucun cas exclure la recherche de la qualité de l’offre culturelle :
c’est tout le sens de ces partenariats en matière de recherche, de politique
des expositions temporaires, de programmation musicale.

Avec « Versailles hors les murs », votre établissement s’est également
doté d’une ambition de développement externe qui participe de la
décentralisation, en promouvant les échanges avec les musées en région.

Je me réjouis de la convention décennale tripartite avec la ville d’Arras et
la région Nord-Pas-de-Calais, dont nous allons bientôt voir les premier
fruits avec l’ouverture de l’exposition « Roulez carrosses ! » au musée des
Beaux-Arts d’Arras, en mars 2012.

Pour tous les chantiers que vous devez mener, les documents de gestion
établis en concertation entre votre établissement et le service du
patrimoine vous donnent, chère Catherine Pégard, un tableau de bord
précieux, pour une meilleure conservation et une meilleure mise en valeur
des actions que vous mènerez avec vos équipes, auprès des publics, des
partenaires, pour un ensemble monumental exceptionnel. Ces outils de
gestion sont également au service d’une collaboration la plus étroite
possible entre les services de l’État et votre établissement à qui le domaine
national le plus prestigieux a été confié. Je vous renouvelle mes voeux les
plus chaleureux de succès.