Monsieur le Président,Madame la Ministre,Monsieur le Délégué,Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs,Chers amis,

C’est pour moi un grand plaisir que de vous accueillir aujourd’hui pour
aborder avec vous la stratégie de notre ministère pour le développement
durable. Qui plus est, le forum qui nous rassemble aujourd’hui se tient ici
dans une école d’architecture de grande qualité, rénovée tout récemment,
au coeur d’un quartier qui reste emblématique à la fois de la diversité
sociale et culturelle de la capitale et des aventures de l’urbanisme.
Pourquoi mon Ministère s’engage-t-il dans une telle démarche ? C’est tout
d’abord la volonté d’être un partenaire exemplaire dans la démarche écoresponsable
de l’État. Mais c’est aussi parce que le patrimoine,
l’architecture, la diversité culturelle, l’accès aux savoirs et à l’information
constituent autant de composantes culturelles essentielles à d’une politique
publique majeure. J’ai d’ailleurs eu l’occasion cette semaine d’aborder ces
questions avec le Président Jacques Chirac et sa Fondation, ainsi que les
Ecoles nationales supérieures d’architecture, à la Cité du Patrimoine.
Je participais, il y a deux mois, au comité interministériel présidé par Jean-
Louis Borloo chargé d’adopter la nouvelle stratégie nationale de
développement durable 2010–2013, faisant suite au processus du Grenelle
de l’environnement et aux deux lois des Grenelle 1 et 2 : j’ai eu l’occasion
d’y présenter les propositions de notre ministère, et notre voix m’a parue
entendue.
Le développement durable est incontestablement une préoccupation
majeure pour les acteurs publics et privés ; elle relève, pour la puissance
publique, d’une « ardente obligation » dont De Gaulle parlait autrefois à
propos du Plan. Force est de constater, néanmoins, que la complexité et la
multiplicité des approches impliquées, la variété des programmes et la
taille des enjeux rendent l’action publique encore trop peu lisible dans ce
domaine. Aujourd’hui, pour emporter la conviction sur ce terrain, il faut de
surcroît prendre en compte le mélange amer d’espoir et de déception
suscité en décembre dernier par le Sommet de Copenhague.
La clef de cette relance se trouve, selon moi, dans la participation active
des citoyens et de la société civile aux processus de décision. L’adhésion
passive ne saurait être une solution. C’est précisément cette démarche qui
est à l’origine du projet de stratégie ministérielle pour le développement
durable qui vous est présenté aujourd’hui : le texte sur lequel nous allons
débattre est le fruit d’une année de concertation et de préparation. Nous
entamons maintenant la fin de cet exercice, en vue de la finaliser et de
l’adopter pour la fin de l’année 2010.
Il me paraît important de revenir sur les principaux objectifs qui ont émergé
de la maturation politique de la pensée du développement durable.
Lorsque l’on parle de renouveler le rapport à l’espace dans la production
des biens et des services, c’est de la sociabilité, mais aussi de l’habitabilité
des villes et des territoires ruraux dont on traite. Le développement durable
suppose une transformation profonde des relations entre les hommes et
leur milieu de vie, pour rendre le monde habitable dans le respect de sa
diversité naturelle et culturelle.
Au regard de son équivalent anglais (« soutenable »), le mot « durable »
ne porte pas seulement sur les conditions dans lesquelles le
développement est porté ; il veut l’inscrire dans un temps indéfini. Il s’agit
donc aussi de renouveler le rapport au temps. Ce défi à l’imaginaire, c’est
également un appel à la prévision : maîtriser l’incertitude de l’avenir, c’est
se donner les moyens de revoir nos pratiques à l’aune des cycles et des
besoins de la planète.
Sur la scène européenne, la Stratégie de Lisbonne avait fait de la « société
de la connaissance » son axe prioritaire, en tant que dimension
transversale du développement économique et social. L’Union a de
nouveau renouvelé ses engagements stratégiques dans ce domaine.
Qu’entend-on par là ? C’est placer la recherche et l’innovation, la formation
et l’emploi, l’inclusion sociale et l’accès à l’information au coeur de notre
approche du développement.
Il y a un an et demi, Christine Albanel avait ouvert, à la Bibliothèque
Nationale de France, le séminaire inaugural du Ministère de la Culture et
de la Communication pour le développement durable. Elle avait
particulièrement mis l’accent sur deux contributions majeures de la sphère
culturelle :
La politique du patrimoine. La tentation est souvent grande, pour certains,
de mettre dos-à-dos patrimoine et développement durable, de considérer
comme inconciliables les mesures de protection du patrimoine urbain et
paysager et les objectifs du développement durable. C’est pourtant bien le
même objectif qui est en vue : celui de la préservation de nos héritages,
ainsi que la protection et l’amélioration de notre cadre de vie.
Penser une ville plus durable et plus solidaire, une ville rendue à l’homme,
qui refuse les réponses immédiates et sans souci du lendemain est un défi
à la fois culturel, environnemental et urbain. Une telle approche doit
prendre en compte l’évolution de nos modes de vie, la densification et la
maîtrise de l’étalement urbain, la qualité des abords des villes, la
préservation et la mise en valeur de notre patrimoine ancien. Ce grand
défi, c’est justement la contribution des architectes. En repoussant les
contraintes techniques, en inventant de nouvelles écritures architecturales,
ils inventent aussi une écologie urbaine. De la politique du Grand Paris et
des grandes métropoles au travail local au niveau des quartiers, c’est le
même objectif qui doit nous guider : la culture, l’écologie et le
développement durable s’inscrivent ensemble dans le temps long - celui
d’une pérennisation de nos richesses et de nos ressources.
Pour ma part, j’ai souhaité également ouvrir notre stratégie à trois
préoccupations :
En rappelant la dimension territoriale de toute politique de développement
durable, le Grenelle de l’environnement nous a permis de souligner
l’importance de la dimension culturelle de l’aménagement des territoires.
Dans la dynamique lancée par le Grenelle de la mer et les différents plans
pour l’Outre-mer, pour les emplois de la croissance verte, pour la
croissance durable et l’insertion sociale, le Ministère de la Culture et de la
Communication doit lui aussi inscrire ses actions en faveur du
développement durable dans cette logique territoriale. Il proposera pour
cela des régions pilotes ou des zones pilotes (métropoles urbaines,
communautés urbaines), en accord avec les DRAC, pour assurer un suivi
sur le plan culturel de ces plans gouvernementaux.
Le Ministère de la Culture et de la Communication doit d’autre part mieux
conjuguer son action à celle des collectivités territoriales, qui oeuvrent
depuis des années sur cette composant e culturelle des politiques de
développement durable. C’est pour cela qu’un groupe de travail a été créé
au sein du conseil du développement culturel des collectivités territoriales,
associant notre Ministère et les fédérations et associations d’élus. Un
accord cadre avec le comité des « agendas 21 » sera également proposé.
Les thèmes proposés pour ce nouvel axe de partenariat entre le Ministère
et les collectivités locales ne manquent pas. Seront abordés notamment
l’éducation artistique et culturelle ; la diversité culturelle, la mixité sociale,
le pluralisme artistique ; la gouvernance culturelle et le partage des
responsabilités entre acteurs et réseaux ; la diversité, la qualité et la
créativité des équipements et entreprises culturelles ; leur apport à la
dynamique économique et touristique des villes et territoires ; l’emploi
culturel et artistique pour des démarches éco-responsables et antidélocalisations
; le potentiel de développement des emplois dans les
filières de la croissance verte (bâtiments, logements, paysages) et les
emplois de l’économie solidaire ; la culture numérique, les industries
créatives et les stratégies culturelles publiques, locales et nationales ;
l’impact du numérique sur les professions artistiques et culturelles ; la
contribution de la culture à l’invention de la ville de demain ; le patrimoine,
l’architecture, la qualité environnementale et urbaine dans les nouveaux
projets urbains ; les coopérations et échanges culturels en faveur du
développement dans les politiques et programmes européens et
internationaux, avec les pays du Sud notamment.
La deuxième piste de réflexion que j’ai proposé pour notre stratégie
concerne les industries de la culture et de la communication à l’heure du
développement durable.
Les modes de fonctionnements de la chaîne des industries culturelles, de
la création à la diffusion, sont profondément modifiés par l’évolution des
conditions de production et de distribution à l’ère des nouvelles
technologies numériques et des nouveaux moyens de communication. La
numérisation, la dématérialisation, touchent fortement des entreprises qui
sont largement des industries de main d’oeuvre. L’internationalisation et la
concentration viennent également renforcer ces phénomènes et
bouleverser les modes de fonctionnement.
Dans ce contexte, il est essentiel d’associer l’ensemble des industries
culturelles à une politique du développement durable, en favorisant
l’anticipation, l’expérimentation, et en portant la plus grande attention aux
démarches éco-responsables, à la « sobriété » des entreprises, au
maintien d’emplois qualifiés non délocalisables, liés aux nouvelles
techniques de production et de transmission. Ce travail doit
s’accompagner d’une démarche intégrant les analyses prévisionnelles et
les comparaisons internationales, compte tenu de la nouveauté de ces
sujets et de la rapidité des évolutions.
Ce que nous proposons donc, c’est de lancer une étude ciblée sur ces
questions, à caractère interdisciplinaire et international, sous la
responsabilité de la DGMIC. Le DEPS, l’Observatoire des politiques
culturelles et le Forum d’Avignon seront associés à la définition et au suivi
de cette étude. Son objectif sera d’aboutir à des préconisations pour une
politique de suivi et d’intervention pour le ministère et ses partenaires
majeurs culturels, économiques et financiers.
Les modes de financement de l’État et du ministère de la culture et de la
communication pourront également être utilisés, avec des critères à
déterminer, pour favoriser l’intégration des logiques de développement
durable adaptées, respectueuses des équilibres et porteuses d’avenir. Une
présentation à deux voix sera consacrée à cette question, en fin de
matinée de notre Forum. Nous envisageons d’ores et déjà, compte tenu de
l’importance du sujet, d’organiser une rencontre avec les professionnels et
partenaires majeurs en fin d’année, autour des premiers résultats de
l’étude.
Reste une troisième question que notre débat sur la stratégie du ministère
en matière de développement durable devra aborder : la contribution
originale et nécessaire, du monde artistique, culturel et intellectuel à une
démarche de développement durable. Nicolas Bourriaud viendra cet
après-midi porter la voie de la Direction générale de la Création artistique
dans la table ronde « diversités culturelles, création et cohésion sociale ».
Là encore, je proposerai volontiers que soit organisé dans un grand lieu de
diffusion, un séminaire sur ces questions, au début de l’année 2011.
Avant que les débats ne commencent, je voudrais enfin rappeler
l’importance que j’accorde à la dimension internationale de notre action.
Les échanges et la coopération culturelle jouent en effet un rôle essentiel
dans l’élaboration, l’approfondissement et l’extension de toute politique de
développement durable. Ce principe doit jouer dans les deux sens : nous
avons beaucoup à apprendre des exemples étrangers et beaucoup à faire
partager à l’extérieur de nos frontières. Le premier débat avec Monsieur le
Délégué général du Québec et Jean Musitelli sera précisément consacré à
cette problématique. C’est l’occasion pour moi de souligner la très grande
proximité de notre projet de stratégie ministérielle pour le développement
durable avec celle de nos cousins québécois - dont la stratégie, déjà mise
en oeuvre dans ce domaine, est un exemple de qualité pour l’ouverture à la
diversité. C’est à coup sûr une approche dont nous pourrions également
nous inspirer pour permettre à la future stratégie de l’Union européenne de
développement durable, qui sera élaborée et négociée en 2011, de faire
preuve d’ambition, et de se porter à la hauteur de ces enjeux.
Je vous remercie.