Monsieur le député-maire de Menton, cher Jean-Claude Guibal,Monsieur le député et président du Conseil général des Alpes Maritimes,Cher Eric Ciotti,Mesdames et Messieurs les élus,Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes, cher Jean-Michel Drevet,Monsieur le président du Severin Wunderman Family Museum,cher Richard Tomlin,Monsieur le directeur du Séverin Wunderman Family Museum,Cher Tony Clark,Cher Rudy Ricciotti,Monsieur le directeur régional des affaires culturelles, cher Denis Louche,Mesdames et Messieurs,Chers amis,

« La Méditerranée ne se contente pas d’être un spectacle. Il est probable
que son sel et que son iode contiennent autre chose de fort mystérieux,
puisque toutes les côtes qu’elle baigne forment une sorte de patrie et que
les peuples qui habitent cette patrie composent une famille ». Telle était la
Méditerranée selon Jean Cocteau, peuplée d’anges, d’apôtres marchant
sur les eaux, dans des palais de Knossos imaginaires où cohabitent les
pêcheurs, les fougasses, des amants aux yeux cycladiques aux âmes
faites d’ « un amalgame nocturne de cavernes, de forêts, de marécages,
de fleuves rouges (…) peuplé par des bêtes gigantesques et fabuleuses
qui s’entre-dévorent », tirées d’une mythologie si personnelle, aux
influences grecques et africaines, déployées sous un ciel qu’il disait « apte
aux fantasmes ».
À Milly-la-Forêt, dans la chapelle de grès qu’il avait décorée et où il est
enterré, l’épitaphe de l’Orphée de notre XXème siècle nous dit : « Je reste
avec vous ». Au Palais Royal, il l’est toujours. À Menton aussi. Aujourd’hui,
nous célébrons la rencontre entre la trace d’un rêve, la générosité d’un
homme et la vision d’un architecte.
À Paris, Jean Cocteau était l’initiateur et le protecteur de toutes les avantgardes
esthétiques, l’artiste polyvalent, le poète, le dramaturge, le
dessinateur, le cinéaste, le costumier. Et puis il y a eu la Méditerranée,
refuge de longue date pour ses amours tourmentées, depuis la mort de
Raymond Radiguet. Sur la côte, le lézard parvenu à l’âge mûr se fait
céramiste, orfèvre, il peint à fresque. Chez ses amis, il se rêve en artisanaristocrate,
il projette sur les murs, sur les vases et les plats, ses
fantasmes d’un ailleurs fondateur où règne l’idée de Grèce et les lanternes
magiques - à Santo-Sospir chez les Weisweiller, à Villefranche, à Fréjus,
au Cap d’Ail, à Menton où ses fresques lui valent un fortin du XVIIème
siècle, sur lequel il projette très vite l’idée d’un musée pour exposer les
oeuvres qu’il aura conçue face à cette mer à la fois vécue et rêvée.
Menton avait déjà son musée des beaux-arts, installé dans le beau Palais
Carnolès, son Palais de l'Europe où s'est tenue longtemps la Biennale de
Menton, et son musée Cocteau dans le Bastion du Port, « musée de
France » depuis 2003 ; il se mue aujourd'hui en un musée plus vaste, à la
hauteur d'un des plus grands créateurs du XXème siècle, venant
désormais s’insérer dans cet archipel si riche pour l’art moderne que nous
offre la Côte et son arrière-pays : Picasso à Vallauris et à Antibes, Matisse
à Nice et à Vence, Chagall à Nice et à la fondation Maeght, Léger à Biot,
Renoir à Cagnes-sur-Mer et encore à Nice, pour ne parler que de ses
contemporains.
Inaugurer le nouveau musée Cocteau de Menton, c’est aussi rendre
hommage à la générosité d’un homme : Severin Wunderman. Un apprenti
horloger qui dépense l’intégralité de son premier salaire pour un dessin de
Cocteau consacré aux Enfants terribles ; bien plus tard, devenu un
remarquable entrepreneur, il ouvrait en Californie le musée d’Irvine, dédié
à Cocteau. C’est aussi l’histoire d’une rencontre entre vous, monsieur le
maire, et ce collectionneur d’exception, qui n’aura malheureusement pas
eu l’occasion d’assister à la pose de la première pierre, il y a un peu
moins de trois ans, de cet écrin destiné à accueillir une donation
exceptionnelle : comprenant près de 2000 oeuvres dont plus de la moitié
de l’artiste, c’est la plus importante collection publique mondiale d’oeuvres
de Cocteau, offrant une vision très complète de toutes ses périodes,
depuis les premiers autoportraits des années 1910 jusqu’à sa période
méditerranéenne, souvent moins connue du grand public, depuis les
oeuvres liées à son premier « monstre sacré », Sarah Bernhardt, jusqu’à
celles de ses amis et complices : Picasso, Modigliani, Foujita, Di Chirico.
Une collection remarquablement mise en espace par Célia Bernasconi,
qui a pris le parti d’en proposer un parcours en forme de flânerie, au gré
des rencontres de l’artiste avec les figures les plus marquantes de sa
mythologie personnelle, et qui se poursuit au Bastion, dont il avait conçu
l’aménagement il y a cinquante ans, jusqu’à l’hôtel de ville et à sa salle
des mariages.
Inaugurer cet espace consacré à la collection Severin Wunderman, c’est
aussi célébrer la rencontre entre ce magnifique projet et un architecte
pour lequel j’éprouve la plus grande admiration, depuis notre première
rencontre sur le chantier du MuCEM à Marseille : Rudy Ricciotti. Une fois
de plus, l’architecte de Bandol et son agence ont mis leurs talents à la
renommée internationale au service du patrimoine architectural de la
région, après le Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence, les
restructurations à l’hôtel de Caumont en Avignon qui abrite la collection
Lambert, ou à l’abbaye de Montmajour, parmi tant d’autres réalisations.
Béton blanc et verre fumé pour un concept très audacieux où l’on
retrouve, omniprésent, le « trait délié » du maître : je suis sûr, cher Rudy,
que Jean Cocteau aurait été bluffé par l’hommage qui lui est aujourd’hui
rendu. Et je suis particulièrement fier que mon ministère se soit associé à
la ville de Menton, aux côtés du Conseil général des Alpes Maritimes et
de la Région Provence-Alpes-Côte-D’azur, pour la réalisation de ce projet
exceptionnel, qui redonne vie à tous les testaments de celui qui faisait de
la désobéissance un sacerdoce, et qui savait comme aucun autre « sauter
le mur mystérieux sur lequel les hommes écrivent leurs amours et leurs
rêves ».