Monsieur le Premier Ministre (Pierre MAUROY)Madame la Présidente de la communauté urbaine (Martine AUBRY)Monsieur le Maire (Gérard CAUDRON)Monsieur le Président du Conseil régional (Daniel PERCHERON)Monsieur le Président du Conseil général (Bernard DEROSIER)Mesdames et Messieurs les élus,Madame la Directrice régionale des affaires culturelles (V. CHATENAY-DOLTO)Madame la Directrice (Sophie LEVY)Mesdames et Messieurs,
La réouverture d’un musée est toujours un moment rare, un instant privilégié. Ce
sentiment plonge ses racines dans l’invention même de l’idée de musée, à la
Révolution, autour d’hommes comme Vivant Denon et Alexandre Lenoir. A
Villeneuve d'Ascq, dans cette ville nouvelle à l’architecture soignée, résolument
tournée vers l’avant garde, à une époque où les collections publiques d'art
moderne et contemporain n'étaient pratiquement pas représentées dans la Région
Nord-Pas-de-Calais, Roland Simounet a conçu à un lieu fascinant. Un lieu
empreint d'une certaine écriture méditerranéenne, un lieu également ancré dans
l’inspiration des pays du Nord, afin d’abriter la prestigieuse donation faite par
Geneviève et Jean Masurel en 1979.
Respect des lieux, respect des hommes… Ces principes, hérités de Le Corbusier,
guidèrent toujours les réalisations de ce grand architecte né près d’Alger qui,
après des études à l’école des Beaux-arts de Paris, retourna en Algérie en 1952
pour étudier l’habitat populaire et appliqua ses recherches à des ensembles de
logements. De retour à Paris, d’importants programmes culturels lui valent une
reconnaissance internationale. Trois musées confirment que la lumière et l’espace
sont ses terrains de prédilection: le musée de la Préhistoire à Nemours, le musée
Picasso et ce musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq inauguré en 1983,
pensé comme l'alliage harmonieux d'une collection, d'une architecture et d'un parc
exceptionnels.
Roland Simounet a accompli ici un travail admirable dont il définissait lui-même les
ambitions et les enjeux par ces quelques mots « … géométrie claire, espaces qui
s’enchaînent et appellent d’autres espaces, tout à la faveur des oeuvres. »
Restructuré et agrandi, c'est à ce défi que répond magistralement aujourd'hui,
après quatre années de travaux, le LaM, le musée d’art moderne, d’art
contemporain et d’art brut de Lille Métropole. Ce dernier propose l’accès à une
prestigieuse collection d’art moderne, à un ensemble d’oeuvres d’art contemporain
de référence et à une collection d’art brut sans égale en France.
La nouvelle identité du musée, le LaM, doit beaucoup au soutien sans faille
que Lille Métropole Communauté Urbaine apporte à l'établissement depuis
vingt-cinq ans. La Communauté urbaine de Lille développe, chère Martine
AUBRY, une politique culturelle particulièrement dynamique et innovante,
en tirant bénéfice de la formidable vitrine que fut Lille 2004 Capitale
européenne de la Culture, mais aussi avec l’ambition de préparer ce que
seront les contours de la métropole en l’an 3000. Riche de musées de
référence internationale et forte de grandes institutions, telles que
l’Orchestre National de Lille et l’Opéra, elle encourage par ailleurs les
nouvelles formes de création grâce au réseau des Fabriques culturelles et
l’ensemble des maisons « Folie », qui forment à leur manière de nouvelles
maisons de la culture. Elle compte également de nombreux lieux
émergents parmi lesquels se distinguent la gare Saint Sauveur, le Tripostal
qui accueillera prochainement « La route de la soie » de la Fondation
Saatchi, et une multitude de lieux animés de collectifs, d’artistes et de
créateurs en tout genre.
Je me réjouis du soutien de l'Etat à ce grand projet en région qui nous
réunit aujourd'hui. L'Etat depuis des années accompagne la Région Nord
Pas de Calais dans tous les domaines culturels, et notamment dans la
conservation et la mise en valeur du patrimoine du XXe siècle et du
patrimoine industriel, très présents sur le territoire.
Le gouvernement français a déposé, je le rappelle, le 25 janvier dernier le
dossier de proposition d'inscription du Bassin minier du Nord et du Pas de
Calais sur la Liste du Patrimoine mondial. Le patrimoine minier est en effet
le témoignage du labeur et de l’activité de ces femmes et de ces hommes
qui ont contribué à l’industrialisation de notre pays et au tournant de la
modernité. Je me félicite de cette candidature exceptionnelle par son
contenu et son ampleur. Je sais qu’elle est portée avec passion et
exigence par toute la population régionale. Il me paraît essentiel de
consacrer cette mémoire, celle du travail et de la mine, qui a marqué
plusieurs générations, qui a façonné les paysages du Nord. Aujourd'hui
préservé, ce patrimoine industriel riche d'enseignements sur l'histoire des
techniques, sur l'histoire de l'architecture et de l'habitat, mais aussi sur les
rapports de l'Homme et de son environnement.
La Région Nord Pas de Calais est aussi la première à avoir signé une
convention avec l’Etat en faveur de la rénovation d'un grand nombre de
ses musées. Ceux-ci s’inscrivent dans un réseau particulièrement riche et
diversifié. Il s’agit d’une politique d’aménagement du territoire d’autant plus
exemplaire qu’elle couvre toute la région et concerne des établissements
très divers par leur taille et par la thématique de leurs collections. Dans ce
cadre, plusieurs établissements ont déjà été rénovés, notamment les
musées des Beaux-Arts de Cambrai, de Valenciennes et le Palais des
Beaux-Arts de Lille, le Centre minier de Lewarde, la Chapelle du musée de
la Chartreuse de Douai, le musée Matisse du Cateau-Cambrésis, l’hôtel
Sandelin de Saint-Omer. D'autres ont été créés : la Piscine de Roubaix, la
cité internationale de la Dentelle et de la Mode de Calais. Parmi les projets
en cours, il y a bien sûr la construction du Louvre Lens, et nous
inaugurerons le mois prochain la rénovation de l'un des fleurons de
l'architecture civile flamande du XVIe siècle, l'Hôtel de la Noble-Cour
abritant le musée départemental de Flandre à Cassel et l'extension du
musée des Beaux-Arts de Tourcoing- Eugène Leroy. Je sais aussi que la
rénovation du musée d'histoire naturelle de Lille est un projet qui est à
l'étude ; c’est un projet à très fort potentiel.
J’ai annoncé le 9 septembre la mise en place d'un plan pour les Musées en
régions. A travers une sélection de 79 musées, répartis dans l’ensemble
des régions de France, j'ai souhaité mettre en lumière de remarquables
projets de création, de rénovation, d'extension de musées afin de mieux
faire connaître les richesses artistiques de notre territoire. Par ce plan, je
souhaite réaffirmer le rôle majeur des musées dans l’aménagement et le
développement culturel et économique des territoires.
Les Musées de France sont des points d’appui solides pour notre politique
culturelle mais aussi pour l’attractivité de notre pays, comme j'ai pu le
constater dans le « tour de France» des musées que j’ai entrepris depuis
plus d'un an. Des réussites récentes, comme le magnifique musée Fesch
d'Ajaccio que j'ai eu le plaisir de découvrir cet été, ont ainsi fait la
démonstration de l'attractivité des musées dès lors qu'ils bénéficient d'un
effort d'investissement suffisant et d'une gestion active. D'autres projets
sont près d'aboutir et rencontreront, je n’en doute pas, un grand succès,
comme le musée Lalique de Wingen-sur-Moder, en Alsace, qui s’appuie
sur un projet de revitalisation du territoire mais aussi sur le stimulant projet
architectural de Jean-Michel Wilmotte.
Avec ce plan, je fais de cet engagement pour les musées en régions une
priorité forte de mon ministère, qui mobilisera près de 70 millions d’euros
sur le projet de loi de finances 2011-2013.
Par ce plan, l'Etat réaffirme sa volonté de renforcer le rééquilibrage
territorial, dans le cadre d'une « nouvelle donne » et d’un dialogue rénové
avec les collectivités locales. Car c'est aussi une manière de reconnaître
l'investissement et l'engagement des collectivités territoriales, qui sont les
premiers acteurs en régions, et de donner la plus grande visibilité aux
projets qu'elles portent.
Dans la Région Nord-Pas-de-Calais, le plan musées concernera quatre
établissements. Le projet de rénovation du musée des Beaux-arts d'Arras,
installé dans une abbaye bénédictine construite pendant la deuxième partie
du XVIIIe siècle, constituera l’un des axes majeurs d’un projet de pôle
culturel intégrant musée, médiathèque, conservatoire, associations
culturelles et patrimoniales. A Roubaix, l'extension du musée d'art et
d'industrie - La Piscine permettra d'accueillir l’atelier-musée Henri
Bouchard, et de reconstituer in situ l’atelier du sculpteur. La réalisation d'un
niveau supplémentaire au musée des Beaux-arts de Tourcoing permettra
d'abriter la donation importante des fils de l’artiste Eugène Leroy, originaire
de la région. Enfin, la construction d'un nouveau bâtiment à proximité de
l’atelier permettra au musée de Sars Poteries, actuellement installé dans
une maison de maître trop exigüe, de répondre aux exigences nouvelles de
présentation des collections et d’accueil du public.
Nombreux sont ces projets exemplaires qui illustrent l'ambition partagée
des collectivités et de l'Etat pour nos musées. Je crois que l'extension de
ce musée d’art contemporain, d’art moderne et d’art brut que nous avons la
joie d'inaugurer aujourd'hui en est un des symboles les plus éclatants.
L'impressionnante collection d'art brut de L'Aracine donnée à la
Communauté urbaine de Lille en 1999 est au coeur de ce projet
d'extension du musée. En le confiant à l’agence Manuelle GAUTRAND, la
Communauté a fait le choix de la continuité et de l’audace. L'architecte a
signé un projet personnel qui présente une architecture aux formes souples
et organiques qui s’inscrit pleinement dans la continuité de l’oeuvre de son
prédécesseur, Roland Simounet, inscrite depuis 2000 à l’Inventaire
supplémentaire des monuments historiques.
Architecte notamment de l'étonnante façade Citroën sur les Champs
Elysées, de la nouvelle Cité des affaires de Saint-Etienne, grand jeu de
cubes coloré de jaune et de noir béton, de la restructuration de la Gaîté
lyrique qui devrait être inaugurée d'ici à décembre, Manuelle GAUTRAND
fait partie de ces architectes, que la difficulté ne décourage pas.
Je tiens à saluer la qualité architecturale de cette réalisation qui embrasse
les façades nord et est de l'édifice historique. Sans s'imposer, elle se
déploie en forme de doigts, de racines ouvertes sur le parc. Elle respecte
l’esprit et la mémoire du lieu, en instaurant un dialogue d'une grande
subtilité avec le paysage. Les deux constructions si différentes finissent par
se rejoindre dans les multiples points de résonances empruntés par
Manuelle GAUTRAND au bâtiment de son aîné.
Je voudrais saluer également la belle scénographie imaginée par Renaud
PIERARD et le réaménagement du parc confié à l'agence d'architectes
paysagistes AWP, conçu comme un musée à ciel ouvert et enrichi encore,
récemment, d'un bel ensemble de sculptures de Eugène DODEIGNE. Les
liens unissant les oeuvres du parc et celles des cimaises se révèleront
d'autant à la nuit tombée, lorsque l'éclairage intérieur du musée
fonctionnera comme une lanterne. A mes yeux, il n’est d’invention du
musée au XXIe siècle sans geste architectural fort : de nombreux
exemples en France et dans le monde en témoignent, comme le centre
Pompidou-Metz ou le musée Guggenheim de Bilbao.
Avec une surface d’exposition de plus de 4 000 m2, le LaM est désormais
le premier musée à présenter simultanément des collections d’art moderne,
avec la prestigieuse donation de Jean et Geneviève Masurel, dont je salue
très chaleureusement les héritiers qui nous font le plaisir d'être parmi nous
aujourd'hui. Des collections d’art contemporain, grâce à une remarquable
politique d'acquisition complétée par un transfert de propriété du FNAC en
2007 de trente-cinq oeuvres dont La cabane éclatée aux trois peaux de
Daniel Buren. Enfin la plus grande collection française d’art brut issue de la
donation de l'association L’Aracine, dont je salue le Président Bernard
CHEROT. Bernard CHEROT a succédé à Madeleine LOMMEL qui nous a
quittés en avril 2009 et qui avait constitué cette fabuleuse collection avec
deux autres amateurs passionnés, Michel NEDJAR et Claire TELLIER.
La présentation simultanée de ces collections permet une approche
renouvelée de l’art des XXe et XXIe siècles. Elle modifie notre lecture de
l’histoire de l’art, notamment dans le cadre des grandes expositions
temporaires qui seront proposés. Conçue comme une promenade, comme
une constellation rassemblant les différents espaces du musée, l’exposition
inaugurale Habiter poétiquement le monde, ouvre ce nouvel âge du musée
en mettant en évidence les liens existants entre l’art brut et l’art
contemporain. Je félicite Savine FAUPIN, conservatrice en chef en charge
de l'art brut au LaM, Christophe BOULANGER, attaché de conservation au
LaM et François PIRON, critique d'art, qui ont assuré le commissariat de
cette manifestation.
Avec la bibliothèque Dominique BOZO, riche de plus de 40 000 ouvrages
augmenté récemment d'un fonds important légué par Maurice JARDOT, et
son centre de recherches, complété d'un auditorium et d'un centre de
restauration, le LaM est aussi un lieu d’études, de formation, et de
rencontres. Le LAM témoigne de la vitalité et de la créativité de nos
musées, tout à la fois projets urbains, pôles touristiques, lieux de
connaissance et source d'émerveillement. Ils sont aujourd’hui des lieux
vivants, innovants, stimulants ; ils sont aussi de véritables laboratoires
ouverts aux nouvelles pratiques culturelles.
La réussite de cette réalisation nous la devons à la volonté et à
l'engagement financier de Lille Métropole Communauté urbaine et au
soutien du Département du Nord auxquels se sont ajoutés des fonds
européens. Je salue tout particulièrement, l'action des équipes municipales
successives de la Communauté Urbaine de Lille qui ont porté ce projet
avec constance, et plus particulièrement ses deux présidents successifs,
Pierre MAUROY et Martine AUBRY.
Il est aussi le fruit des efforts étroitement concertés des présidents du
musée, Jean-Michel STIEVENARD et, depuis 2008, Olivier HENNO, sans
oublier naturellement Joëlle PIJAUDIER-CABOT qui a dirigé le musée
pendant de nombreuses années et à porter le projet scientifique de cette
réalisation avec toute l'équipe de conservation, notamment Savine FAUPIN
et Nicolas SURLAPIERRE.
Je tiens également à féliciter Olivier DONAT, administrateur général du
LaM qui, avec efficacité, a assuré, avec toute l'équipe de conservation,
l'intérim de la direction du musée après le départ de Joëlle PIJAUDIERCABOT,
et qui a permis au musée de demeurer actif durant cette période
de travaux, avec des expositions comme « Des fantômes et des Anges »,
en 2007 au musée des Arts contemporains du Grand-Hornu et « Hypnos »
en 2009 au musée de l'Hospice Comtesse dans le cadre de Lille 3000.
Je tiens à adresser toutes mes félicitations à Sophie LÉVY directriceconservatrice
du LaM qui en a pris la direction en juillet 2009. Elle s'est
investie avec passion et ténacité pour que cette aventure humaine et
artistique aboutisse.
L’Etat s’est engagé dès le début dans ce programme en apportant son
soutien financier mais également la compétence de ses services : ceux de
la direction générale des patrimoines et tout particulièrement du service
des musées de France, mais aussi, chère Véronique CHATENAY-DOLTO,
ceux de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) qui ont
toujours été présents et attentifs.
Musée de collections, mais aussi musée de collectionneurs, ouvert à de
nombreux publics, le LaM sera porté par les relations qu’il entretient avec
de nombreux partenaires publics et privés comme les universités, les
grandes écoles, les institutions culturelles et les entreprises. Il sera amené
à rayonner sur l’Europe du Nord, à travers notamment une coopération
renforcée avec la Belgique. Je tiens à saluer à cette occasion mon
homologue Melchior WATHELET, ministre fédéral belge, ainsi que les élus
et les directeurs d’établissements culturels belges qui sont aujourd'hui
présents.
Je forme des voeux de très grand succès pour ce musée qui offre
aujourd'hui la possibilité d'une réflexion sur la genèse de l'oeuvre d'art et
sur la pluralité des formes d'expression de l'art vivant, depuis les oeuvres
les plus spéculatives jusqu'aux créations les plus spontanées.
Avec le LaM, chaque visiteur peut accéder au patrimoine et à la création
contemporaine dans un dialogue permanent et stimulant. En créant un
dialogue entre art brut et art contemporain, en empruntant des chemins qui
empruntent autant au rhyzome de Gilles Deleuze qu’à la correspondance
selon Baudelaire, le LaM revient à la source même de la création.
Il participe à l’idée que je me fais du musée pour le XXIe siècle, un lieu souvent
magique, un lieu de plaisir et de découvertes, un lieu accessible à chacun. Un
lieu qui ne doit pas être ce « pays lointain » réservé à quelques uns mais bien
cet « univers familier ». Car « c’est à la vue des chefs d’oeuvre qu’on se sent
né pour de grandes choses et qu’on s’essaye à vivre dans la postérité », ainsi
que le rappelle François-Marie Puthod, député du Mâconnais à la Constituante
de 1790 et membre de la Commission des Monuments.
Je vous remercie.