« Donnez-moi un musée et je le remplirai ! » : ce défi lancé en forme de
boutade par Pablo PICASSO a trouvé une actualité insolite, aujourd’hui que
ses oeuvres sinon remplissent, du moins enrichissent pas moins de deux
musées et qu’elles viennent le faire jusqu’en Russie ! Vous le savez, en
effet, les Moscovites au Musée POUCHKINE, et bientôt aussi les
Pétersbourgeois à L’Ermitage – pourront admirer pas moins de deux-cents
chefs-d’oeuvre du Musée PICASSO de Paris.
C’est dire si cette exposition que j’ai l’immense plaisir d’inaugurer avec vous
aujourd’hui est historique. C’est la plus importante qui ait été consacrée en
Russie à PICASSO depuis un demi-siècle, depuis la grande rétrospective
organisée par Ilya EHRENBURG dans ce même Musée des Beaux-Arts.
Elle sera, bien sûr, l’un des temps forts de l’Année croisée, et je tiens à
remercier les directrices des deux musées, Mme Irina ANTONOVA et Mme
Anne BALDASSARI, pour leur collaboration et leur engagement
remarquables.
« PICASSO à Moscou », c’était pour chacun d’entre nous une évidence.
Les relations du peintre avec la Russie sont anciennes et fortes, elles ont
constitué une sorte de « période rose »… Cette histoire partagée est
notamment illustrée par la série de décors et de costumes qu’il a dessinées
pour les Ballets russes voilà un siècle, et dont cette exposition nous donne
à contempler quelques très beaux dessins, animés du mouvement des
esquisses prises sur le vif. Je pense aux ballets-manifestes d’Eric SATIE, à
l’acrobate et au prestidigitateur chinois de Parade. Je pense aux héros de
corrida du Tricorne de Manuel DE FALLA. Je pense enfin au mage et à la
fontaine de Neptune de Pulcinella d’Igor STRAVINSKY, autant de
spectacles mythiques chorégraphiés par Léonide MASSINE et immortalisés
par le génie du lieu. Ces fabuleux dessins, comme les photographies qui les
accompagnent, nous restituent un peu de l’atmosphère si particulière de
ces Ballets russes à l’aube du XXe siècle, et font écho aux expositions qui
leur ont été récemment consacrées à l’Opéra de Paris et au Centre national
du costume de scène de Moulins. Il est très émouvant de pouvoir
contempler ces fragments de notre mémoire partagée dans leur pays
d’origine, en remontant le temps et en inversant le sens du voyage de Paris
à Moscou et Saint-Pétersbourg.
Parmi les chefs-d’oeuvre que le Musée Picasso a emportés dans ses
bagages depuis Paris, je pense aussi à ces étonnantes têtes de femmes,
peintes et sculptées, à l’Étreinte, ou encore à la fameuse Chèvre qui a fait,
elle aussi, le voyage, capricante et bancale comme dans le poème de
Francis PONGE…
Mais il est une oeuvre dont le titre me semble tout particulièrement
emblématique, c’est cette « Etude pour l’Amitié », dont la version achevée
est abritée par le Musée de l’Ermitage : emblématique de l’amitié
séculaire qui unit nos deux pays, et que cette Année croisée France-
Russie 2010 permet encore d’approfondir, de renforcer et, comme je le
disais tout à l’heure, de cultiver comme un jardin.
Je me réjouis de la coopération exemplaire entre nos deux pays, au plus
haut niveau de l’Etat, mais aussi entre nos musées et nos collectivités
territoriales. Ce maillage permettra aux Russes et aux Français de se
rencontrer et de mieux se connaître au miroir de leurs artistes.
« Il n'y a en art, ni passé, ni futur. L'art qui n'est pas dans le présent ne
sera jamais », disait un jour PICASSO. Il me semble que cette exposition
répond parfaitement à ce programme, en rendant présent au public russe
non seulement les chefs-d’oeuvre d’un maître et l’univers fascinant qu’ils
portent, mais aussi, à travers lui, et à travers ce partage, la constance et
la profondeur de notre amitié.
Je vous remercie.