Maria Schneider vient de nous quitter, de s’échapper une fois encore,mais cette fois, hélas, sans retour. Dernièrement encore, en la faisantchevalier des Arts et des Lettres, j’admirais sa beauté grave, l’ironiedétachée de son regard, la douceur rauque de sa voix : tous cesrévélateurs de la personnalité d’une grande artiste. Trente-huit ansaprès le film qui la révéla, « Dernier tango à Paris » de BernardoBertolucci, c’était toujours la partenaire à la fois séduisante, innocenteet sévère de Marlon Brando, devenue une icône du cinéma.

Auprès de quelques uns des grands cinéastes du XXe siècle : René
Clément, Antonioni, Rivette ou Comencini, elle avait su incarner et
imposer un personnage paradoxal qui n’appartenait qu’à elle, tout en
intégrité, poésie et fraîcheur. Énigmatique dans « Profession :
reporter » d’Antonioni, lointaine dans le « Voyage au jardin des morts »
de Philippe Garrel, inquiétante dans « Merry-go-round » de Rivette,
personne ne savait rendre palpables comme elle le temps suspendu et
l’attente de ce qui va arriver.

Nous avions eu le bonheur de la revoir récemment dans « Les
acteurs » de Bertrand Blier, dans un rôle autobiographique, et en 2002
dans « La repentie » de Laetitia Masson. Elle aurait dû tourner
beaucoup de films encore tant elle était restée jeune, moderne et
allante. Elle restera une image singulièrement forte de la femme
d’aujourd’hui, l’un de ces relais vivants et tangibles de la liberté des
femmes toujours à reconquérir à une époque d’exploration et de
conquête dont le 7eme Art porte le témoignage à travers elle.