Le 8 septembre, Frédéric Mitterrand a remis les insignes de Commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres à Agnès de Gouvion Saint-Cyr, de Chevalier dans l'ordre du Mérite à Orlan et Sabine Weiss, de Grand'croix dans l'ordre du Mérite à Claude Bessy, et de Chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur à Giuseppe Penone
ORLAN. Artiste plasticienne, ORLAN s’exprime depuis 1965 à travers la photographie, la vidéo, la sculpture, l’installation et la performance. Dès le milieu des années soixante, une part essentielle de son œuvre, qu’elle qualifie comme le produit d’un « art charnel », consiste à travailler sur son propre corps à des fins artistiques.
ORLAN s’est soumise de 1990 à 1993 à neuf opérations de chirurgie esthétique (se faisant notamment poser des prothèses en silicone), opérations en forme de performances qui ont été filmées et projetées dans de nombreuses institutions muséales comme le Centre Pompidou. En 1998, ORLAN décide de réinterpréter les critères de beauté propres aux diverses civilisations (pré-colombienne, africaine, chinoise, etc.) et se donne une nouvelle image encore.
Depuis 1999, elle est professeur à l’Ecole nationale supérieure d’Arts de Paris-Cergy. Elle enseigne également à l’Art Center College of Design de Pasadena. En 2007, une rétrospective lui a été consacrée dans sa ville natale, au musée d’Art moderne de Saint-Etienne, pour son soixantième anniversaire.
Quelques mots d 'ORLAN :
- Pour le grand public, vous êtes cette artiste dont l’œuvre consiste à remodeler son corps.
ORLAN : Je veux préciser que ce travail sur mon corps ne représente que trois ans de ma vie artistique, longue de plus de quarante ans !. La problématique de tout mon travail a toujours été celle du statut du corps et des contraintes sociales politiques et religieuses qui le conditionnent. Cette réflexion, je l’ai mené en travaillant sur mon propre corps mais aussi de bien d’autres manières, par la photographie, la vidéo, la sculpture, les installation, la performance…
-Où peut-on vous voir actuellement ?
ORLAN : A Venise, A Thessalonique, A Saint-Paul de Vence, à Brest… Tout est sur mon site, orlan.net !
Agnès de Gouvion Saint-Cyr. Elle fait partie de ceux qui sont à l’origine des Rencontres d’Arles. Ancien inspecteur général pour la photographie au ministère de la Culture et de la Communication, elle est la référence de la photographie en France.
Sa formation débute à la fin des années 60 lors de la création des stages photo pour le festival d’Arles. C’est en 1976 qu’elle rejoint le ministère de la Culture. Michel Guy, alors Secrétaire d’Etat à la Culture, prélève des fonds sur les crédits du Centre national de la Photographie pour créer le service de la photographie dont Agnès de Gouvion Saint-Cyr sera nommée chargée d’études. Dès lors, elle élabore les grandes lignes d'une politique en faveur de la photographie. C’est elle qui pendant 35 ans a structuré et développé le réseau photographique en France. Elle est à l’origine de nombreuses commandes publiques et a beaucoup contribué à la valorisation des photographes à l’étranger.
Quelques mots d'Agnès de Gouvion Saint-Cyr:
- Depuis votre départ du Ministère, vous avez fondé une agence de conseil en photographie. Où sont les nouveaux talents ?
Agnès de Gouvion Saint-Cyr : Partout. J’en découvre en Russie, à Buenos-aires, à Singapour… Il faut voyager ! Puis faire connaître ces nouveaux photographes en France. Là, c’est un long travail…
- Un nom ?
Agnès de Gouvion Saint-Cyr : Deux : le catalan Jordi Bernado, dont je viens de signer une monographie publiée chez Actar, une maison de Santander. Et une photographe argentine, Ines Tanoira que je veux faire découvrir au public français.
Sabine Weiss. Née en 1924 en Suisse, Sabine Weiss a dix-huit ans quand elle décide de faire de la photo son métier. Elle décroche son diplôme de photographie en 1945 et ouvre un atelier à Genève. Installée à Paris dès 1946, elle est l'assistante de Willy Maywald, célèbre photographe de mode, avant de devenir photographe indépendante en 1950. En 1952, Robert Doisneau découvre ses photos et lui propose de rentrer à l'agence Rapho. 1952 est aussi l’année de la signature d'un contrat de 10 ans avec Vogue, pour la mode et le reportage. Depuis Sabine Weiss se partage entre des commandes pour la publicité et la presse et son œuvre personnelle. Ses photos sont entrées dans les collections du MOMA, du Metropolitan Museum of Art, du musée de l'Elysée à Lausanne, du centre Georges-Pompidou, Maison européenne de la photographie…
Quelques mots de Sabine Weiss:
- Ce n’est pas la première fois que vous rencontrez Frédéric Mitterrand?
Sabine Weiss : Non. Comme vous le savez, c’est un grand amateur de photographie. Il a préfacé un des mes livres, il y a déjà plus de vingt ans (Intimes Convictions Paris, France, Contrejour. 1989)
- Vous ne regrettez pas l’argentique et la fin, ou presque, du noir et blanc ?
Sabine Weiss : Un peu bien sûr. Mais il faut reconnaître les grandes facilités, les grandes possibilités offertes par le numérique. Même sans grande expérience , on arrive à des résultats remarquables. Cela a permis à beaucoup d’accéder au monde de la photo.
- Un jeune photographe qui vous plaît...
Sabine Weiss : Oh, il y en a tellement d’intéressants ! Pour n’en citer qu’un, je dirais Charlie Abad. Je pense à son reportage, très beau, très poétique, intitulé « Un Louvre », qui saisit les visiteurs dans leur attitude devant les œuvres.
Claude Bessy. Danseuse, chorégraphe, professeur de ballet, Claude Bessy a été danseuse étoile à l'Opéra national de Paris, avant de diriger l'Ecole de Danse rattachée à ce même Opéra. Elle prend ses premiers cours de danse en 1942, avant d'entrer quatre mois plus tard à l'école de danse de l'Opéra de Paris. En 1944, à l'âge de 13 ans, elle intègre le corps de ballet de l'Opéra de Paris en tant que deuxième quadrille. Grand sujet en 1949, première danseuse trois ans plus tard, Claude Bessy est nommée étoile en 1957.
En 1972, elle est nommée directrice de l'école de danse de l'Opéra de Paris, fonction qu’elle occupera jusqu'en 2004. Elle a fait en sorte que les élèves puissent monter sur la scène de l’Opéra Garnier au moins une fois par an. Elle est aussi à l’origine du déménagement de l'Ecole de danse dans de nouveaux locaux mieux adaptés, à Nanterre.
Quelques mots de Claude Bessy :
- Un ballet qui vous a plu récemment ?
Claude Bessy : Non pas un ballet mais un magnifique spectacle qui mêle marionnettes mimes et danse, « Voyageurs immobiles », de Philippe Genty au théâtre du Rond-Point à Paris.
- Un danseur particulièrement intéressant ?
Claude Bessy : Matthias Heymann, nommée danseur étoile l’année dernière. Techniquement impeccable, il a aussi de la personnalité et l’intelligence du geste. Il est très jeune. Il va encore se déployer.
- Une danseuse ?
Claude Bessy : Eleonora Abbagnato, qui a, elle aussi, cette chose pas si fréquente : du caractère. Je regrette qu’elle, en revanche, n’ait pas encore été nommée étoile.
Giuseppe Penone. Né en 1947 à Garessio dans le Piémont, le sculpteur Giuseppe Penone est depuis les années soixante-dix une figure majeure de la scène artistique italienne. Son travail se rattache au mouvement de l'arte povera. Depuis plus de trente ans, il approfondit la thématique de l’arbre, recourant aux matériaux les plus variés pour rendre visible dans son œuvre le processus lui-même de création, explorant notre rapport à l'espace naturel, au mouvement, à la vie.
Penone a toujours considérer impossible pour lui de s’installer à Milan, capitale de l’art en Italie. L’œuvre de Penone, fils de paysan, est profondément marquée par l’attachement de l’artiste à son village de Garessio, à sa terre natale de Ligurie,, à la sensualité de ses paysages :
Quelques mots de Giuseppe Penone :
“Le langage de l’art est encore et sera toujours fondé sur les sens […] L’incertitude des sens, des perceptions, ont toujours nourri l’imagination et la production artistique. Il existe […] un ensemble de valeurs, de sensations, de connaissances, d’émotions, de perceptions liées à la matière qu’une lecture mathématique de la réalité ne nous donnera jamais: c’est la sensualité. La sensualité des choses que nos sens déversent en nous rendra toujours actuelle la poésie de Lucrèce.” (Giuseppe Penone, Respirer l’ombre, E.N.S.B.A, 2000.)