De juillet à décembre 2018, une mission d’étude a été confiée à Sylvie Le Clech, conservatrice générale du patrimoine, sur les archives produites par les architectes. L’étude a été complétée et approuvée en 2019.

Le périmètre de l’étude des « archives des architectes » est celui des documents qui concernent l’exercice de la profession et l’exercice au sein d’une société d’architecture (dont les documents permettent de comprendre l’environnement collectif d’un architecte et de ses associés). Sont donc exclus les documents relatifs au local professionnel, aux assurances, à la gestion comptable et fiscale de l’agence, au personnel et aux relations avec les établissements financiers. L’objectif est à terme de dégager un socle de responsabilité délimité de la puissance publique en charge de la conservation définitive de fonds dont l’intérêt public est patrimonial. La conservation des autres documents relève de la seule responsabilité des architectes.

L’étude a traité des « archives des architectes » selon une approche territoriale qui envisage les échelles nationales et locales, afin d’aider les praticiens, les chercheurs en architecture mais aussi le public concerné par des journées telles que les « journées de l’architecture », à mieux appréhender les sources d’archives de l’acte de concevoir un projet et construire un bâtiment et les relations de l’architecte avec son commanditaire, sa culture architecturale acquise lors de sa formation et son évolution tout au long de la vie, les enjeux esthétiques, techniques, sociaux et environnementaux qui font changer l’architecture et comment les sources d’archives illustrent ces mutations contemporaines. La culture architecturale s’acquiert en effet dans les écoles d’architecture, dans la pratique des conservateurs du patrimoine, dans la fréquentation des œuvres, la lecture d’un paysage aménagé par l’homme, l’architecture est visible partout sur le territoire, qu’il s’agisse de « gestes architecturaux » dus à des architectes emblématiques internationalement reconnus, ou d’architectes moins en vue, ayant produit dans leurs régions respectives des bâtiments que voient les habitants et visiteurs d’un territoire. L’enjeu des sources, donc des archives, est au cœur de la valeur de l’architecture. Ces sources révèlent une vision du monde et de l’habiter, enseignent sur les conduites de projet, y compris en dehors de l’acte de bâtir. Ce rapport explicite le repérage, les types de documents produits principalement au cours des 50 dernières années, leur traitement intellectuel et matériel, leurs usages professionnels et culturels, les institutions qui les conservent et la manière dont les architectes se positionnent face aux défis de leur conservation, dans un contexte désormais numérique.

La préoccupation des institutions publiques françaises pour la conservation et la valorisation des archives des architectes, donc en majorité des archives de nature privée, ayant souvent leur correspondance dans les documents produits par les collectivités publiques dans le cadre de projets de commande publique, d’équipements et d’urbanisme, n’est pas nouvelle. Elle remonte à la fin des années 1970 quand la France de la Reconstruction puis des 30 glorieuses prend conscience des transformations profondes du territoire (déclin du monde rural, essor du logement individuel péri-urbain, grands ensembles de logements collectifs, transformations hasardeuses des centres urbains anciens, grandes opérations emblématiques telles que le quartier de la Défense etc.). Le réseau des services d’archives publics s’est saisi du sujet des archives en région à partir des années 1980 ( 9 associations de repérage et collecte des fonds d’archives se sont créés, regroupant des architectes, des archivistes, des historiens), tandis que l’Institut français d’architecture puis la Cité de l’architecture et du patrimoine, le Centre national des Arts et métiers, le Centre Georges Pompidou et ce qui est devenu la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine organisaient une collecte nationale des archives des architectes selon des modalités très différentes, en fonction soit de périodes recherchées, soit de monographie d’architecte (retracer l’œuvre de tel ou tel architecte et connaître son apport théorique et esthétique). 

La question centrale de la politique de collecte est toujours la suivante aujourd’hui et peu d’institutions ont réellement tranché entre des options différentes : constitue-t-on une collecte sélective de certains fonds d’architectes connus, en fonction d’une période, d’une problématique de recherche, ou se tourne-t-on vers une collecte plus large qui fait la place à la représentativité des différentes productions d’architectures sur un territoire donné ? 

Conclusions

L’étude envisage donc successivement les axes suivants :
- le contexte réglementaire du ministère de la culture en matière d’archives et d’architecture et le contexte d’évolution des politiques culturelles qui associent conservation du patrimoine et reconnaissance de la création architecturale contemporaine (existence de programmes de recherche académique dans les Ecoles nationales supérieures d’architecture ; politique de valorisation des sources d’archives d’architectes par des expositions ou des publications ; arguments qui fondent l’intérêt public à agir pour la collecte, la conservation et valorisation des archives des architectes où qu’elles soient).

- un état des lieux sur les réseaux à l’œuvre dans le repérage, la collecte, la conservation et l’accès aux archives produites par les architectes (archives publiques ; musées ; réseaux professionnels de l’architecture etc.).

- des analyses de situation qui donnent des points de vue différents d’acteurs sur l’intérêt des archives des architectes, leur valeur d’usage dans la connaissance et l’entretien du bâtiment. Il s’agit dans le rapport de présenter les initiatives et les choix de l’Académie d’architecture, la pratique des agences d’architectes et le traitement qu’elles réservent à leurs archives, le cas particulier de la naissance du Building information model et son utilisation en tant qu’archive vivante créée par des bureaux d’études et des architectes, l’action possible du conseil national et des conseils régionaux de l’ordre des architectes pour sensibiliser la profession à la conservation et au traitement de ses archives, l’importance du réseau des CAUE ou Conseils en architecture, urbanisme et environnement, et du réseau des Maisons de l’architecture pour valoriser les sources crées par les architectes auprès des publics non initiés. 

-il s’agit ensuite de comprendre la démarche de conservation de ceux qui à un titre ou à un autre produisent des archives d’architectes dans le cadre de leurs missions : les Ecoles nationales supérieures d’architectes (travaux d’étudiants, ateliers des professeurs, programmes de recherche), les grands opérateurs nationaux immobiliers comme la SNCF, les directions de l’immobilier des universités.

-les critères de collecte, conservation et valorisation hier et aujourd’hui de réseaux et d’opérateurs culturels publics en charge de la conservation de fonds d’archives d’architectes : les logiques d’acquisition des Musées, de certains Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), celle des Archives nationales et territoriales, du centre d’archives d’architecture du XXè siècle à la Cité de l’architecture et du patrimoine, la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, le Centre Georges Pompidou.

Le rapport se clôt par une analyse comparative de quelques situations au Canada et en Europe du Nord (Suisse, Allemagne), pays dans lesquels la notion de collecte des fonds est très liée à l’enseignement des futurs professionnels ou à la constitution de corpus pour la recherche, qui sont donc des problématiques spécialisées ne visant pas le grand public mais d’autres usages et légitimités des archives collectées auprès des architectes et de leurs descendants.

Le rapport comprend également, à l’usage des réseaux professionnels et de l’administration de la culture, des préconisations stratégiques, 6 mesures stratégiques et 9 mesures techniques relevant de la responsabilité des autorités ministérielles, 8 mesures opérationnelles dont peuvent librement s’emparer les acteurs du territoire (architectes et archivistes), à partir de pratiques qui existent de manière séparées et qui peuvent circuler entre les acteurs.

Pour aller plus loin

On retrouvera en ligne des contributions de l’auteure du rapport, qui développent certains aspects de l’étude : 
- l’article paru dans le n° 35 du mois de juin 2019 de la revue électronique de la Cité de l’architecture et du patrimoine, page 55, les archives des architectes : valeurs et intérêts à agir, https://www.citedelarchitecture.fr/fr/publication/ndeg-35-juin-2019-quoi-servent-les-archives-darchitectes 
- l’article de l’auteure du rapport paru dans la revue électronique In Situ, sur des études de cas d’application de l’étude, La « petite musique de fond de l’architecture » : approche critique des sources d’archives du XXe siècle en région (livraison n°47, 2022) : https://journals.openedition.org/insitu/35458

Autres références numériques : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03351087 
https://www.fncaue.com 
https://sha.univ-poitiers.fr/histoire-art-archeologie/journee-detudes-archives-darchitectes-memoire-histoire-et-creation/ 


 

À télécharger

Rapport de la mission d’étude sur les archives des architectes, Délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation

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