Faire remonter des territoires des idées pour nourrir la francophonie, tel est l’un des objectifs de l’édition 2018 du festival des Francophonies en Limousin qui a été lancée le 27 septembre, en présence de Françoise Nyssen. Le point sur cet ambitieux projet avec Loïc Depecker, délégué général à la langue française et aux langues de France au ministère de la Culture.

En 2017, le Président de la République a lancé un vaste chantier sur la francophonie, qui est essentiellement tourné vers le développement du français à « l'extérieur » du territoire national. De façon complémentaire, vous plaidez aussi pour une francophonie de « l'intérieur », une francophonie des territoires. Qu’entendez-vous par là ?

Les Français n’ont pas suffisamment conscience du potentiel que constitue la francophonie. Jusqu’à présent, la Francophonie s'est surtout jouée au niveau des chefs d’État et de gouvernements, elle garde essentiellement une dimension politique. Cette Francophonie-là, internationale, a permis de bâtir des institutions telles que l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Elle est évidemment déterminante, mais pour mieux faire connaître l’idée de francophonie en France, il faut aussi utiliser d’autres moyens, en s’appuyant notamment sur les nombreux organismes ainsi que sur les associations et les collectivités territoriales qui travaillent sur le terrain.

Il y a, par exemple, nombre de festivals en France qui portent sur la francophonie : les Francofolies de la Rochelle, autour de la chanson française, le festival des Francophonies en Limousin, autour du théâtre , qui fête cette année sa 35e édition, ou encore celui des Cultures Francophones, à Marennes. Nous avons là une francophonie des territoires, qui illustre l’engagement de la société civile et qui est susceptible de revitaliser l'idée même de francophonie. C’est en soutenant et en travaillant avec ces organismes que nous avons inventé, à la délégation générale à la langue française et aux langues de France, le concept de "francophonie des territoires".

Aux festival des Francophonies du Limousin, un temps de rencontres et d'échanges va justement être consacré les 3 et 4 octobre à ce thème : "francophonies : des réseaux, des territoires". Qu'en attendez-vous ?

Pendant ces deux journées de travail nous allons accueillir plusieurs grands acteurs de la francophonie des territoires, tels que la Caravane des dix mots. Cette association, qui réunit des citoyens et des artistes, mène sur le terrain une action destinée à valoriser la diversité culturelle de la francophonie. Je l’ai vue à l’œuvre lors du Sommet francophone de Madagascar en 2016 où elle a proposé du théâtre de rue pour les enfants, à Tananarive. Un autre exemple, plus général, est celui que constitue la coopération décentralisée : je l'ai vue appliquée concrètement sur le terrain à l'occasion d'une mission que j'ai faite au Sénégal avec la ville de Limoges dans le royaume d'enfance de Léopold Sédar Senghor. Les acteurs tant sénégalais que français ont fait pousser un potager dans le désert en greffant sur lui un centre de formation. C'est très stimulant pour tout le monde !

La Francophonie c'est la possibilité d'échanger dans une même langue avec des personnes d'autres cultures.

Dans cette francophonie des territoires, il y a donc une implication et un engagement particuliers. Avec la société civile, nous pouvons faire de la francophonie une idée neuve, que la jeunesse est prête à embrasser. A la Sorbonne, ce qui intéresse mes étudiants dans la francophonie, c’est de pouvoir échanger dans une même langue avec des personnes d'autres cultures. Ils veulent en quelque sorte « faire communauté ».

Le programme de cette rencontre à Limoges s’inscrit en outre dans une politique de développement du territoire : nous sommes préoccupés par l’apprentissage du français sur le terrain et totalement engagés dans la lutte contre l’illettrisme. Le festival des Francophonies en Limousin va nous permettre de mettre les acteurs concernés en réseau et de favoriser un échange de compétences et de savoir-faire. Il va également nous aider à construire et consolider la philosophie de la francophonie en général. Cette philosophie peut être directement puisée dans les écrits de Senghor, qui avait compris dès les années 1930 que les Sénégalais devaient « assimiler sans être assimilés » : c'est-à-dire en restant soi-même. Il y a dans l’œuvre du président nombre d'idées prémonitoires, qui restent éminemment d'actualité.

Quelles actions envisagez-vous de mener en vue de mettre en valeur cette francophonie des territoires ?

Je pense qu’en 2019 nous serons en mesure de franchir une nouvelle étape en faisant de grandes Assises de la francophonie des territoires. Nous aurons en effet terminé de localiser et d'identifier ses principaux acteurs et mis en réseau un vaste maillage comprenant les centaines d’associations qui s’intéressent de façon diverse à la francophonie. Nous pourrons également nous atteler à la création, en France, de pôles francophones de référence en nous appuyant sur des villes telles que Limoges, Marennes, Lyon ou Nice qui se trouvent être particulièrement impliquées dans la francophonie.

Françoise Nyssen au Festival des Francophonies en Limousin

Jeudi 27 septembre 2018, la ministre de la Culture se rend au Festival des Francophonies en Limousin dans le cadre d'un déplacement en Haute-Vienne. Cette 35e édition propose 25 spectacles dont six créations et cinq premières en France, en plus des lectures et des rencontres. Parmi les invités : des troupes et des artistes du Québec, de l’Inde, du Burkina Faso, du Cameroun, du Sénégal, des Caraïbes, du Liban, de la Belgique, de la France.

Au cours de cette journée, Françoise Nyssen rencontrera les professeurs stagiaires et l'équipe artistique du spectacle "La Fureur de ce que je pense" et visitera l’exposition «Just kids », issue d’un travail piloté par le Festival des Francophonies, à l’initiative du ministère de la Culture, auprès de 4 classes de collégiens. Elle rencontrera les élèves de la classe préparatoire intégrée « art dramatique » d’outre-mer de l’école de Saint-Priest-Taurion. Une rencontre publique avec Mohamed Kacimi, auteur de "Jours tranquilles à Jérusalem", est également au programme.