En écho à l'une de ses thématiques centrales, l'écologie, le Parlement de la photographie a sollicité la Bibliothèque nationale de France afin de sélectionner des images de Radioscopie de France sur la nature. Passionnant.

C'est une initiative originale, dont l'objectif est de poursuivre par d'autres moyens les débats sur l'écologie organisés par la Parlement de la photographie. Pour cela, la Bibliothèque nationale de France (BnF) présente les 8 et 9 juin au Palais de Tokyo, le travail de cinq photographes, tous lauréats de Radioscopie de la France, la grande commande photographique pilotée par la Bibliothèque nationale de France, sur la nature.

Cette exposition, rigoureuse et pointue, fait beaucoup mieux qu'illustrer un thème : elle documente, de façon aiguë  et singulière, à travers le regard du photojournaliste qui se mue parfois en lanceur d'alertes, le rapport entre l'image et la nature. Résultat : un contrepoint passionnant, qui prolonge et met en perspective les débats du Parlement de la photographie.

Entretien avec Héloïse Conésa, cheffe du service de la photographie, conservatrice de la collection de photographie contemporaine, à la BnF, qui en assure le commissariat avec Emmanuelle Hascoët, chargée de mission à la photographie contemporaine, Département des Estampes et de la Photographie, à la BnF également.

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Comment présenter « Images de la nature et nature des images » ?

Les photographes dont les travaux seront montrés sont tous lauréats de la grande commande de photographie de presse « Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire ». Quand le département de la photographie du ministère de la Culture nous a informées qu’un des thèmes retenus pour cette quatrième édition du Parlement de la photographie était l’environnement au sens large - l’environnement comme question écologique et sociétale mais aussi l’environnement des images -, nous avons spontanément proposé une exposition sur le thème images de la nature et nature des images car celui-ci faisait écho aux propositions photographiques de la grande commande marquées par le thème de l’écologie mais aussi par une évolution de la nature des images de presse.

L’écologie est donc une ligne de force parmi les images de la grande commande...

Tout à fait, une grande partie des photographes ont travaillé sur des thématiques liées à l’environnement, au changement climatique, aux pollutions diverses, à l’urgence de la réaction, ou encore aux mouvements de jeunesse pour le climat. Cela faisait donc sens de les présenter au Parlement de la photographie.

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Comment avez-vous travaillé s’agissant du second angle ?

Pour le volet nature des images, il nous semblait important de montrer l’évolution dans l’acception que l’on donne aujourd’hui à la photographie de presse : Il ne s’agit plus seulement d’illustrer un événement. Certes, il y a toujours des images qui, s’agissant des problématiques écologiques, en font un état des lieux, mais pour certains photographes, la prise de conscience par rapport à ces thématiques implique de renouveler la proposition photographique. Ainsi, lorsque Sandra Reinflet enquête sur l’acceptation sociale du projet d’enfouissement des déchets à Bure dans la Meuse, elle va rencontrer des militants écologistes et leur proposer une mise en scène. De même, lorsque Pablo Baquedano traite de la pollution des eaux sur le littoral basque par une microalgue toxique, il propose des natures mortes qu’il va mettre en scène en studio. Or, on intégrait rarement jusque-là cette notion de mise en scène dans la photographie de presse. Chez d’autres photographes, c’est plutôt le travail de postproduction qui évolue : l’image de presse peut être façonnée de façon à mieux provoquer une prise de conscience par rapport à des sujets d’actualité.  

Combien de photographes seront présentés ?

Le choix a été fait de représenter cinq photographes. Pablo Baquedano et Sandra Reinflet déjà cités, mais aussi Marine Lanier qui s’est focalisée sur un jardin du haut Lautaret qui expérimente la culture de plantes vivaces, Bénédicte Kurzen qui a fait, entre autres, des images sous-marines étonnantes pour explorer les mythes et légendes et les questions d’appartenance culturelle de l’archipel des Comores, Sandra Ritter qui fait le récit géographique et chronologique de l’extraction, notamment des granulats marins inspiré par les images d’archives - elle a notamment travaillé avec les Archives nationales du monde du travail à Roubaix et le CNRS à Caen. Au sein de la grande commande, d’autres images illustrent ce thème sous toutes ses acceptions, les pollutions, les nuisances sonores, les solutions à apporter, les modes de vie alternatifs, la nécessité d’adaptation, les nouvelles formes d’agriculture…

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L’exposition a-t-elle vocation à circuler en France ou dans d’autres lieux ?

A priori, nous sommes sur une proposition unique. En revanche, cette exposition fait partie des opérations de valorisation que nous avons mises en place et continuons à mettre en place autour de la grande commande. Le festival « « Images singulières » à Sète ouvre le bal de ces opérations de valorisation de l’année 2023. Suivront le festival « Les femmes s’exposent » à Houlgate », puis un certain nombre de villes en Bretagne, Brest, Lorient, Le Guilvinec… Nous avons un maillage territorial extrêmement fort grâce aux partenariats que nous avons noués avec de nombreux centres photographiques, notamment ceux du réseau Diagonal, qui vont permettre de donner une visibilité à de nombreux lauréats de cette commande. L’exposition au Parlement de la photographie fait partie de cette dynamique.

Quelles sont les images de la grande commande qui sont présentées à Sète ?

Jusqu’au 6 août, on pourra voir les travaux de Kourtney Roy sur les ferrys, de Frédéric Stucin sur les fêtes de village, de Stéphanie Lacombe sur la ville de Flixecourt dans la Somme, de Pierre Faure sur la ruralité et la France périphérique, enfin de Valérie Couteron sur les aides à domicile.