Avec le soutien du plan de Relance, la toute nouvelle Maison de la Culture de Bourges reprend sa place dans le réseau d’équipements culturels du Centre-Val de Loire.

Après dix ans d’activité hors, ou plutôt sans, ses murs, la Maison de la Culture de Bourges a retrouvé des locaux flambants neufs, inaugurés le 10 septembre 2021 par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin. « Héritage d’André Malraux, c’est un formidable lieu de rencontre entre les artistes et les habitants », s’est félicitée la ministre à l'occasion de son déplacement.

Actrice historique de la décentralisation, la « MCB » reprend de l'avance sur son temps avec une institution  largement ouverte, au propre comme au figuré, sur la ville et ses habitants. De grandes baies vitrées, des espaces extérieurs adaptés aux événements de plein air, et, à l’intérieur, un véritable couteau suisse. Cet équipement ultra performant, qui bénéficie du soutien du plan de Relance, est le fruit d'un programme architectural réfléchi et mûri, désormais au service de la création artistique et de sa diffusion auprès des publics de tous âges et de toutes sensibilités. Entretien avec Olivier Atlan son directeur.

Olivier Atlan, pendant dix ans, vous avez dirigé une Maison de la Culture qui n'avait plus... de locaux. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Cette longue période d'activité hors-les-murs m'a fait l'effet d'une refondation. Notre équipe chevronnée, très habituée à la création et à l'accueil d'artistes associés, disposant même, il faut le rappeler, d'un atelier de construction de décors, a pu mettre à profit cette situation nouvelle pour relever des enjeux un peu différents. Une grande souplesse nous était donnée. Nous pouvions adopter une sorte de mode « commando » qui nous permettait de monter des créations dans des lieux atypiques, d'enrichir et renouveler notre public sur l'ensemble du territoire, et d'aller à la rencontre de la population.

Cette situation a priori inconfortable nous a aussi valu l'avantage de ne plus être regardés comme une grosse machine institutionnelle très imposante. Nous avons pu nouer plus facilement des partenariats avec certaines structures et certaines associations qui n'avaient plus ce préjugé selon lequel ils auraient eu affaire à une instance qui impose ses volontés sans les écouter. Nous étions très réactifs, capables de monter des projets au dernier moments, et nous faisions facilement la preuve que nous ne sommes pas là pour prêcher la bonne parole.

Est-ce que cela vous a conduit à expérimenter d'autres dispositifs ?

Nous avons pu mettre en œuvre deux choses importantes à mes yeux, qui tiennent au projet pour lequel j'ai été choisi. D'abord, ce que j'appelle « les séries », c'est-à-dire la programmation des spectacles pour au moins deux dates, et en général trois ou quatre. Un spectacle qui s'installe chez nous plusieurs jours est, sur le plan artistique,de meilleure qualité. En donnant des spectacles dans l'auditorium du Conservatoire, soit avec une jauge réduite, une programmation sur plusieurs jours devenait une évidence.

Mon autre ambition était de renforcer le dispositif des artistes associés et d'en faire un véritable « camp de base » artistique et culturel. Le principe est simple : nous apportons à ces artistes un soutien à la création, mais nous leur demandons aussi de prendre en compte que, pour nous, créer, ici dans notre structure, signifie travailler sur un territoire particulier, auprès d'une population et d'un public identifiés. En ce sens, leurs créations s'inscrivent dans ce territoire et se déclinent dans des actions participatives, des ateliers, des projets avec des amateurs, qui ont donné, comme par exemple dans l'ancien hôpital militaire de Bourges, des projets très audacieux !

C'est de cette façon que nous avons cherché à compenser la privation de notre lieu originel. Pour autant, dix ans c'est long et la Maison, ce lieu bien identifié où s’opère la rencontre des arts avec les habitants de la cité et de la région, nous manquait terriblement. Avec le temps, le public pouvait être conduit à prendre des habitudes un peu consuméristes, une évolution diamétralement opposée à ce que nous voulions. Quand on le fidélise à un lieu comme la Maison de la Culture, c'est tout autre chose.

Dans cet esprit, vous avez écrit qu'il vous reste à faire de cette Maison « un lieu de vie pour l'ensemble de la population et non pas uniquement le public ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

La Maison de la Culture de Bourges a une histoire hautement symbolique. En ce sens, elle se doit d'appartenir à ses publics, mais aussi, au-delà, à une population désireuse de s'en emparer, de se l'approprier et d'en être fière. J'estime bien sûr qu'il faut que chacun s’intéresse aux livres, aux arts plastiques, ou aux arts vivants, mais, néanmoins, ce n’est pas un péché que de ne pas aimer aller au spectacle. Aussi, pour qu'une Maison aussi importante et aussi symbolique, dans une ville de 65 000 habitants, appartienne à tous, il faut qu’elle soit un lieu de vie. Il faut qu’elle soit ouverte sept jours sur sept, « il faut qu’il y ait toujours de la lumière » et c'est le cas : entre le cinéma, le restaurant et les spectacles, on peut y venir tous les jours.

Du reste, dès le premier moment nous nous sommes rendu compte que ce premier pari, celui de l'appropriation de cette Maison par les berruyers eux-mêmes, était gagné. C'était deux jours avant l'inauguration officielle. Nous avons fait une présentation de la saison, dans la salle remplie de 700 personnes. Les gens, ensuite, sont restés jusqu'à une heure du matin, le hall n'a pas désempli, le bar et le restaurant ont fonctionné à plein régime, nous avons fait de nombreuses visites des locaux. Les habitudes reviennent déjà, notamment l'habitude de se retrouver ici pour un verre ou pour déjeuner, comme dans un lieu naturel de la vie urbaine. L’ouverture, qui ne date que d'à peine un mois, a créé un véritable appel d’air. Beaucoup de gens sont venus voir cette maison sortie de terre, par curiosité, attirés aussi par des spectacles gratuits aux abords de la Maison. Il y a là sans nul doute un nouveau public. Reviendra-t-il régulièrement ? Sans faire d'angélisme, on peut dire au moins que s'il est venu, ils reviendra à ces spectacles organisés devant la Maison, que nous reprendrons en juin prochain. Nous tâchons, par ailleurs, d'adapter notre politique tarifaire, qui contribue elle aussi à élargir notre public.

Vous avez organisé 20 jours, au mois de septembre, de rendez-vous festifs, « dans la ville, dans la maison et au cinéma », assortis de « projets participatifs » qui, avant d'inaugurer la MCB, en inaugurait le style ?

En effet, avec notamment tout ce qu'on a fait à l'extérieur, dont le spectacle de cirque de la compagnie associée Akoreacro. C'est un spectacle qui a été conçu pendant le confinement, qui se joue sur un semi-remorque. Nous l'avons beaucoup « tourné » dans l'agglomération, sur le département et sur la ville, avec un succès incroyable. Lors de la dernière représentation, devant la Maison, nous avons eu plus de mille personnes.

Plus significatif encore, cette fois au sein de la Maison de la Culture, a été la création de La source des mots, avec le Quatuor de musique de chambre Tana accompagné du ténor Mathias Vidal et le compositeur Benoît Menut sur des poèmes d'Andrée Chedid. Il s'agissait pour ces artistes professionnels d'accompagner une chorale de 60 chanteurs amateurs, dont 50 enfants, qui ont fourni un travail remarquable. Cela a donné des représentations d'une qualité exceptionnelle, à telle enseigne que la SACEM, qui a trouvé que l'exécution a été quasiment professionnelle, va publier sur son site une captation du concert.

Pour nous, il est vraiment très important de montrer que tous nos projets participatifs, menés par des artistes associés avec des amateurs, peuvent viser et atteindre un objectif d'excellence. Au-delà de voir le public, dans la salle Gabriel Monnet et ses 700 places, se lever pour ovationner le spectacle, c'est cette excellence d'un projet participatif qui fait notre plus grande fierté.

La Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Centre-Val de Loire soutient et suit attentivement l'activité des scènes labellisées de la région, ainsi que leur rayonnement sur le territoire. Orléans, la capitale régionale, et Tours forment deux pôles majeurs, entourés de villes non moins historiques : Bourges, Blois, Châteauroux et Chartres. Un maillage d'équipements culturels et d'équipes artistiques de bon niveau y contribuent à la diversité artistique : Orléans et Tours ont toutes deux leur Centre chorégraphique et leur Centre dramatique nationaux. Orléans, Bourges, Châteauroux, Blois, Vernouillet, Saran, Vendôme, Lignières, Joué-lès-Tours, ont une Scène nationale ou conventionnée, ou encore une Scène de musiques actuelles (SMAC). Sans oublier un Centre culturel de rencontre (Abbaye de Noirlac) et quelques autres lieux. La nouvelle Maison de la Culture de Bourges s'inscrit dans ce réseau équilibré qui vitalise l'activité culturelle de la Région.