Et rose elle a vécu ce que
vivent les roses,
L’espace d’un matin.
Ces vers mélancoliques ont fait le renom du poète, parfois
dénigré comme le tyran des mots et des syllabes !
« Messire François de Malherbe naquit à Caen en
Normandie environ l’an 1555 », mais les bombardements de
1944 ont effacé les traces écrites ; quant à la
religion, il est sans doute baptisé catholique, bien que son
père soit engagé dans la Réforme.
Il étudie à Caen, écrit ses premiers vers (Des
neuf muses la muse, et des grâces la grâce !), continue
à Bâle et Heidelberg, devient secrétaire du Grand
prieur de France et rejoint la Cour, car il en est persuadé :
il appartient à une« noblesse d’ancienne race »,
les Malherbe de Saint-Aignan, dont il recherchera les preuves sa vie
durant.
Ayant convaincu Henri IV, il est nommé gentilhomme de la chambre
et poète officiel de la Cour, statut qu’il conserve sous
Louis XIII en écrivant des odes historiques, des stances religieuses,
des sonnets et des épigrammes qui vantent « le roi allant
en Limousin », « le premier ballet de Mgr. le Dauphin »
ou « la Reine sur les heureux succès de sa régence
», en un lyrisme d’apparat. Reste que Malherbe est un être
sensible, aimant beaucoup les femmes.
Mais si sa place « est considérable dans l’histoire
de la critique » (Brunetière), c’est pour sa réforme
appliquée à l’art poétique : il retient
seulement les idées des Anciens, réclame une langue
plus claire dépouillée de ses latinismes et de ses expressions
archaïques, vantant une rationalité comme cadre de la
doctrine classique ; il précise les règles de la versification
et élague notre langue des patois et des mots trop recherchés
: il dégasconne la Cour.
Mort en 1628, Malherbe l’humaniste joue un rôle prépondérant
dans la formation du classicisme et justifie par son action les mots
de Boileau : Enfin Malherbe vint ! et de Francis Ponge, C’est
le donjon de la littérature française. Ce n’est
donc pas sans raison si, parmi les premiers Académiciens français,
sept sont de ses parents ou disciples.
Gilles Henry
écrivain, lauréat de l’Académie française
membre associé correspondant
de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de
Caen,
membre des Antiquaires de Normandie