Le monde de la presse magazine a ses géants. Vous en faites partie, au
même titre qu’Axel Ganz surnommé « le tigre du papier glacé », le patron
de Prisma Presse, l’une des personnalités qui vous aura le plus inspirée
dans votre métier. Vous avez apporté une contribution majeure à la qualité
d’une presse qui sait allier divertissement et savoir, amusement et sérieux,
rêves de glamour et regards sur les courants d’opinion, une presse
indéfectiblement liée aux tendances et aux désirs d’une société.
Moins éphémère que les journaux et les quotidiens, mais aussi moins
durable que les livres, le magazine en papier glacé s’empile aux pieds des
tables basses, chez nous, dans nos bibliothèques, dans les salles
d’attente. Il se feuillette, se découpe, se lit en diagonale ou de manière plus
attentive au gré des rubriques. Objet de distraction et d’information, rapide
et efficace, il capte toutes les gammes d’attention, il prend le pouls des
moeurs et des modes, parfois il les façonne. « La presse écrite n’est pas
morte […] la presse écrite c’est de l’émotion. Il y a certes une crise, mais
en tout cas il n’y a pas de crise de l’émotion », dites-vous en 2009. C’est le
constat d’un patron de presse conscient du pouvoir de ces supports
d’influence à la fois légers et complexes, et de ce que la qualité veut dire.
À la tête de Mondadori France, troisième groupe de presse magazine dans
l’Hexagone derrière Lagardère Active et Prisma Presse, qui comprend 28
titres aussi variés que Grazia, Nous deux, Closer, Science et Vie, Biba,
Télé Star, Modes & Travaux, Auto Plus, ou l’historique Le Chasseur
Français, le diplômé d’économie de l’université catholique du Sacré-Coeur
de Milan que vous êtes s’est fait un nom dans le gotha des médias,
pendant 16 ans comme directeur général de Rusconi Editore, ou encore
comme administrateur délégué de la chaîne italienne La7 au début des
années 2000 - entre autres hautes responsabilités. Fin observateur,
homme d’affaires remarquable et passionné par l’édition de presse
magazine, inspiré par certains titres publiés en France comme Femme
actuelle, vous avez contribué non seulement à la création de nouveaux
magazines italiens comme Chi, Donna Moderna, ou Casa Facile, dans le
cadre de votre activité de Directeur général des périodiques du groupe
Mondadori en Italie, pendant près de 10 ans.
Vous vous êtes également attaché, lorsque vous avez pris la direction de
Mondadori en France en 2008, à réaliser l’édition française d’un magazine
italien haut de gamme - un monument historique de la mode dans la
péninsule depuis 1938 avec aujourd’hui 13 éditions dans le monde, dont
une édition française qui est venue bouger les habitudes de la presse
féminine française : Grazia. Vous signez ainsi, en pleine tourmente économique, « l’une des
premières incursions de la presse italienne en France, après les romanphoto
de Cino del Duca (Nous deux) dans les années 1960 », pour
reprendre les propos de Vincent Soulier dans son livre La Presse féminine,
une puissance frivole. Une incursion couronnée de succès, qui place
aujourd’hui la version française du magazine italien parmi les meilleurs
féminins haut de gamme, au deuxième rang du marché publicitaire de la
presse magazine française, juste derrière ELLE.
À peine arrivé, Grazia déchaîne les convoitises. En mai 2009, des
cambrioleurs dérobent l’ordinateur de la direction artistique contenant la
maquette du magazine, alors que les dernières retouches étaient
apportées au numéro zéro. Car d’emblée, Grazia sait imposer sa recette :
son melting pot bien dosé de mode, d’actualités et de culture, son côté
branché et piquant, s’adressant aux femmes modernes fashionata et
gaiment pétroleuses qui sortent des sentiers battus et du qu’en-dira-t-on :
un magazine qui attirent les nombreux « Ché bello ! » entendus le 28 août
2009 à l’hôtel de Sers à Paris pour la présentation du magazine - le
bouche à oreille faisant très vite son effet, par la suite, auprès du lectorat
féminin français.
Homme d’affaires, vous êtes aussi un homme de culture et d’élégance,
soucieux d’offrir aux lecteurs des revues de qualité, de vivre en intelligence
avec l’air du temps et les sensibilités, et de vous adapter aux nouveaux
supports de communication - je pense en particulier à la mise en ligne de
tous vos magazines sur les canaux de distribution numérique, prévue pour
la fin de cette année. La qualité éditoriale est votre cheval de bataille,
comme en témoigne la sortie récente de la cinquième déclinaison de
Science &Vie, Guerres et Histoire – parmi tant d’autres titres qui peuplent
le quotidien d’un très vaste lectorat français.
Cher Ernesto Mauri, vous comprenez et vous aimez la France, et elle vous
aime aussi. Je suis très heureux de rendre hommage ce soir à celui qui
représente dans la galaxie de la presse magazine, la vivacité et la foi en
une presse écrite qui sait toujours se renouveler.
Au nom de la République française, nous vous remettons les insignes de
Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.