J’ai tenu, comme je l’avais fait l’année dernière, à recevoir la promotion
sortante des conservateurs du patrimoine formés par l’Institut National du
Patrimoine et je veux vous dire aujourd’hui, avec chaleur et amitié,
bienvenue dans la carrière et dans ce Ministère de la Culture et de la
Communication qui est désormais le vôtre.
Bienvenue, d’abord, à notre hôte du Congo, titulaire désormais du diplôme
international. Si l’Inp a reçu de nombreux stagiaires internationaux, vous
êtes, pour cette promotion, le seul, Cher Huriel Nganga Loubou, à avoir
souhaité suivre la totalité de la scolarité. L’an prochain cependant, vous
serez six –marocain, sénégalais, syriens - et je me réjouis de ce
développement qui sera un axe fort de coopération pour l’Inp dans les
années à venir.
Bienvenue aux conservateurs territoriaux qui vont prendre ou rechercher
leur poste auprès des maires, des présidents de conseil généraux ou des
présidents de conseil régionaux.
Bienvenue aux conservateurs d’Etat qui vont rejoindre leur première
affectation, en très grande majorité dans les établissements qui dépendent
de la direction générale des patrimoines.
Que vous apparteniez à la fonction publique territoriale ou à la fonction
publique de l’Etat, vous avez en partage de grandes ambitions et de
hautes valeurs.
Ces ambitions et ces valeurs communes justifient votre formation
commune au sein de l’Institut national du patrimoine, et je voudrais saluer
ce beau partenariat entre le Centre national de la fonction publique
territoriale et mon ministère. Je connais la qualité des relations entre le
Centre national de la Fonction publique territoriale et l’Institut national du
Patrimoine. Je sais qu’elles se resserrent. Je m’en félicite. J’y suis très
attaché et j’encourage la direction de l’Institut national du patrimoine à
persévérer dans cette direction.
Ces ambitions et ces valeurs communes, je veux aujourd’hui brièvement
vous en parler, pour vous appeler à les porter, à les incarner, avec fierté.
Dans le « tour de France » des musées que j'ai entrepris depuis mon
arrivée rue de Valois, j'ai rencontré des personnalités exceptionnelles, des
conservateurs du patrimoine admirables. Je mesure les difficultés qui sont
les leurs au quotidien, dans le rapport avec les élus, avec leur
environnement, face aux des attentes des publics. Avec peu de moyens,
ils savent faire beaucoup. Avec une grande expertise, une passion de leur
métier, ils font vivre les musées et les centres d'archives qu'ils dirigent, ils
en font des foyers vivants, des lieux de culture habités où les oeuvres
disent, où les documents témoignent. Je dis souvent qu'ils sont des
« héros » de notre temps et que je leur porte une grande admiration. Il y a
là un hommage à ceux qui, dans l'ombre, travaillent à mettre en lumière.
En devenant conservateur du patrimoine, que ce soit pour l'Etat ou pour
les collectivités, vous avez choisi d’appartenir à la fonction publique, soyez
en fiers.
La fonction publique, c’est le service du public, de tous les publics. Je sais
que vous en avez fait l’expérience, tout particulièrement au cours de vos
stages. Depuis 30 ans, beaucoup a été fait pour élargir les publics de la
culture. C'est une politique cardinale du ministère depuis son origine, cela
reste une priorité de mon action aujourd'hui tant les nouveaux modes
d'accès aux oeuvres et à la culture nous invitent sans cesse à repenser
sans cesse l'offre des musées et des lieux de patrimoine.
L’Etat, les collectivités territoriales ont d’ailleurs rénové leurs institutions,
en ont créé de nouvelles.
J’ai la conviction, vous le savez, qu’on ne progressera pas de façon
décisive, si on ne surmonte pas les phénomènes de peur et d’intimidation
devant le savoir, devant la matière culturelle, qui sont encore présents
dans la société française. La culture peut rester un instrument de
distinction sociale, de privilèges, d’inégalités. Tout le sens de ma
politique consiste à concilier l'excellence et l'accessibilité, l'exigence et
l'ouverture la plus large, et l'ambition dans la continuité du travail de
Sisyphe qui a été celui de mes prédécesseurs.
Ne perdez donc jamais de vue l’idéal de démocratisation culturelle.
La fonction publique, c’est aussi l’égalité des chances, l’égalité d’accès aux
emplois, qui seule permet au service public de refléter, dans sa
composition même, la diversité de la société française du début du XXIè
siècle.
Je sais que vous venez de régions et d’horizons sociaux différents. C’est à
mes yeux une richesse.
Je suis très attaché à ce que le recrutement des conservateurs du
patrimoine exprime bien toute la diversité de notre société, et ne se
referme pas sur une part restreinte de celle-ci. C’est pourquoi je fonde
beaucoup d’espoir sur la classe préparatoire intégrée de l’Institut national
du patrimoine, dont la première promotion va passer le concours au mois
d’août prochain et dont la deuxième promotion vient d’être sélectionnée.
Dans le même sens, comme je l’avais souhaité, je me réjouis vivement que
l’Inp, avec le soutien des directions régionales des affaires culturelles, ait
ouvert la possibilité, pour les candidats résidant en Outre-Mer, de passer
leurs écrits dans des centres locaux.
C’est ainsi que, pour la première fois, onze candidats vont se présenter
dans des centres ouverts à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion et
en Guyane.
Soyez donc - chacun d'entre-vous - dans vos postes, dans vos emplois,
des acteurs de cette diversité, de cette ouverture du métier, en repérant les
talents, en encourageant les vocations.
La fonction publique, enfin, c’est un ensemble de missions très
particulières. C’est à vous que nos concitoyens, à travers leurs élus, à
travers leur Gouvernement, à travers les responsables politiques qu’ils se
sont choisis, confient le soin de concevoir et de mettre en oeuvre des
politiques publiques qui visent l’intérêt général, qui répondent au bien
commun, c'est-à-dire la res publica.
C’est à vous, conservateurs, qu’est confiée la haute mission de préserver
d’enrichir, de faire connaître et de transmettre les trésors de nos musées,
de nos archives, de nos monuments, et ces trésors de l’archéologie que
certains appellent si bien les « archives du sol ».
A travers vous, la société vous charge de la rappeler à son précieux devoir
de conservation et de transmission, devoir que les impératifs d'un présent
envahissant et le « bombardement » d’images et de simulacres lui feraient
vite oublier sans votre concours.
Soyez, à chaque instant de votre carrière, des passeurs, des témoins,
des vigies qui permettent à nos contemporains de mesurer de mesurer ce
que Buffon désignait par l’expression, aussi mystérieuse que poétique, de
« sombre abîme du temps ».
Soyez également fiers d’être des scientifiques.
Vous êtes considérés et reconnus comme les corps scientifiques par
excellence au sein de ce ministère.
C’est un très grand honneur. C’est un défi. Un conservateur du patrimoine
est appelé à exercer de fortes responsabilités administratives, à diriger des
établissements, des services, des équipes. C’est un aspect passionnant
mais aussi exigeant de votre métier. Il ne doit jamais devenir tout le métier.
Il faut sans cesse concilier en vous trois dimensions : celle du
responsable, celle de l’administrateur, celle du scientifique.
Parce que le patrimoine ne se conserve et ne se transmet que dans la
mesure où il se connaît, ayez toujours l’ambition d’être les meilleurs
connaisseurs de vos collections.
Connaissez leur état pour assurer, avec les restaurateurs du patrimoine,
leur conservation préventive et leur restauration.
Connaissez leur histoire et leur contenu pour assurer, avec les
universitaires et les chercheurs, leur diffusion auprès du public le plus
large.
Connaissez-les pour assurer, dans une relation éclairée avec les acteurs
du marché de l’art, leur enrichissement.
En d’autres termes, connaissez-les pour les aimer et les faire aimer.
Vous êtes des scientifiques au même titre que les historiens de l’art et les
historiens, et vous savez que l’histoire et l’histoire de l’art sont dans notre
pays aujourd’hui deux défis intellectuels, éducatifs et pédagogiques
essentiels qui ne seront relevés correctement - j’en ai la conviction -
qu’avec le concours du ministère de la Culture, c'est-à-dire le vôtre.
Voilà, cher amis, ce que je voulais vous dire aujourd’hui, en vous recevant
aujourd’hui dans cette maison, qui est la vôtre. Je souhaitais vous féliciter,
vous remercier et vous inviter chaleureusement, comme le dirait Spinoza,
à « persévérer dans votre être » ou si l'on veut être plus voltairien, à
« cultiver votre jardin ».
Je vous remercie.