Créé il y a un an par le ministère de la Culture, le prix Osez le musée valorise l’évolution du rôle social des musées tout en les accompagnant dans la mise en place de nouvelles politiques en faveur des publics éloignés de la culture. Cette année, la candidature du musée de Saint-Denis a fait l’unanimité. Le point sur cette récompense avec la médiatrice culturelle et responsable adjointe du service des publics de l’établissement, Lucile Chastre.
Le jury d’Osez le musée vous a décerné le premier prix à l’unanimité. Parmi les éléments qu’il a relevés, on trouve une inscription durable dans une « démarche territoriale globale ». Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
La politique des publics qui est menée au Musée d’art et de d’histoire de Saint-Denis est adossée à une politique territoriale, ce qui signifie que nous essayons de nous adresser à toutes les personnes du territoire, quels que soient leurs âges et leurs conditions sociales. Et nous travaillons en priorité avec les acteurs culturels, associatifs ou institutionnels, sans oublier les relais de l’éducation publique populaire.
La ville de Saint-Denis s’est par ailleurs dotée, en 2016, d’un schéma d’orientation culturel. Au cœur de celui-ci, figure un élément fort de notre approche des publics : les droits culturels. La défense de la liberté des individus à exercer ces droits constitue le deuxième axe de la politique des publics du musée Saint-Denis. Nous souhaitons accompagner les habitants, les encourager à vivre activement leur identité culturelle.
Cette démarche n’est pas nouvelle : le musée Saint-Denis a pris le parti de travailler en lien avec la population dès la fin des années 1980, afin de favoriser la démocratisation culturelle. Mais c’est l’arrivée récente sur la scène politique d’un nouveau concept, les droits culturels, qui a donné une autre dimension aux actions pédagogiques du musée.
Les droits culturels sont un élément fort de notre approche des publics, nous souhaitons encourager les habitants à vivre activement leur identité culturelle
Comment se manifeste, au quotidien, votre volonté de faciliter l’accès du musée de Saint-Denis aux personnes en situation d’exclusion ou de vulnérabilité sociale et économique ?
Cette volonté se traduit, pour commencer, par une politique tarifaire attractive : le plein tarif est de 5 euros, le tarif réduit est de 3 euros et il existe de nombreux cas de gratuité. Selon nous, les difficultés d’accès à la culture sont d’abord économiques. Dans le mesure où Saint-Denis est une ville très jeune – une grande majorité des dyonisiens a entre 15 et 40 ans – nous avons également mis en place des « balades-ateliers » destinée spécifiquement aux familles qui coutent 3 euros. Ce prix inclut la découverte de quelques œuvres du Musée ainsi qu’un atelier créatif supervisé par un médiateur culturel.
Autre axe essentiel de notre approche des publics : les événements que nous organisons sont toujours pensés « population locale ». A l’occasion de la Nuit des musées par exemple, nous n’invitons pas un grand chanteur ou un artiste célèbre : nous organisons des activités qui vont s’appuyer sur les habitants de Saint-Denis. Des professeurs du Conservatoire viennent, avec leurs classes, faire des concerts, des élèves du lycée Paul Eluard issus d’un cursus « patrimoine » viennent faire des visites guidées… La Nuit des musées est rythmée, chez nous, par des événements ouverts à tous mais portés par les dyonisiens par le biais d’associations ou de structures institutionnelles. C’est, pour nous, une occasion de permettre à des gens qui ne viennent pas facilement au musée de s’y rendre.
Sur le plan pédagogique, le Musée de Saint-Denis propose, outre les « balades-ateliers » et le « jardin des 5 sens », des offres spécifiquement dédiées aux adultes primo-arrivant, fraîchement issus de l’immigration. Avec les relais de l’éducation populaires – associations, Maisons de quartier… – nous avons par exemple amené une quarantaine de dyonisiens à réaliser des audioguides pour le musée. Ces personnes, en apprentissage du français, ont choisi des œuvres au musée, les ont travaillées et ont enregistré les discours diffusés par les audioguides qui sont remis aujourd’hui au grand public.
Quels éléments positifs cet effort de diversification des publics vous a-t-il apporté ?
Pour moi, à titre personnel autant que professionnel, le plaisir le plus fort de ces projets participatifs réside dans la rencontre humaine. Cela nous a donné l’opportunité, au Musée Saint-Denis, de découvrir des habitants porteurs d’une grande richesse culturelle. C’est une manière de découvrir nos concitoyens dans leur grande variété.
Cela nous a également permis de nous rendre compte du nombre de professionnels qui sont capables de tisser des liens entre des personnes venues d’univers différents. Je pense notamment au personnel des Maisons de quartier de Saint-Denis. Les projets que nous arrivons à monter avec ces populations donnent foi en l’humanité.
Palmarès de la deuxième édition du prix « Osez le musée »
- Premier prix : musée de Saint-Denis
- Deuxième prix ex aequo : Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie à Moulins (CNCS) et musées de Dunkerque / Lieu d’Art et d’Action Contemporaine (LAAC)
Le CNCS a été à l’initiative dès 2015 d’un « Projet Culturel de Territoire » fondé sur la mixité sociale et générationnelle. Ce projet, largement ouvert aux acteurs locaux de la solidarité, est construit sur la pratique artistique et la rencontre avec les artistes.
Les musées de Dunkerque / LAAC s’illustrent depuis plus d’une dizaine d’années par une politique inclusive qui conjugue insertion sociale et insertion professionnelle - leur partenariat durable avec la Maison d’arrêt de Dunkerque en témoigne.
- Troisième prix ex aequo : musée de Cambrai et musée d’art et d’archéologie du Périgord à Périgueux
Avec le « Le musée selon vous », l’équipe du musée de Cambrai s’adresse aux habitants des quartiers prioritaires de la ville et s’efforce de faire du musée un espace de citoyenneté.
Le MAAP a su s’inscrire dans le cadre des contrats de ville tout en répondant à l’appel à projet du ministère de la Culture « Culture et langue française » pour aller à la rencontre des publics en situation de vulnérabilité sociale. Elle associe apprentissage de la langue française et pratique artistique pour aboutir à des réalisations collaboratives et inclusives.
- Mentions spéciales : Mucem, musée Delacroix, musée du Louvre
Le Mucem, le musée Delacroix et le musée du Louvre se sont vus décerner une mention spéciale. Le jury a voulu saluer le caractère exemplaire du projet global porté par le Mucem en direction des publics du champ social depuis son ouverture en juin 2013.
- Mention spéciale « Itinérance » : musée de Dieppe
Par ailleurs, une mention spéciale a été attribuée au musée de Dieppe. Ce musée municipal est désormais entré dans une nouvelle phase de son histoire en faisant le pari d’un double mouvement « Hors les murs »/ « En les murs » qui lui permet d’aller à la rencontre de son public.
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