Femme résolument engagée dans la vie de la cité, Renée Gailhoustet aura choisi l’architecture pour matérialiser dans l’espace ses idées et ses convictions.
Avec pour souci de contribuer à la réflexion sur la qualité du logement dans la France productiviste des Trente Glorieuses, elle fut l’une des premières femmes à exercer le métier d’architecte en son nom propre, en concevant et en construisant d’ambitieux projets dans la périphérie de Paris. D’abord accompagnée de Jean Renaudie, puis seule, elle a mené une réflexion exigeante et prolifique sur l’individualisation de l’habitat social, en refusant la construction standardisée de cette époque.
Plutôt que des grands ensembles découpant la ville en de tristes miradors orthogonaux, elle a préféré concevoir des immeubles marqués par la figure du triangle, qui privilégient les échanges entre les habitants, le rapport à l’espace extérieur et la fluidité des circulations.
Pour elle, construire signifiait avant tout réduire les fractures sociales et consolider le vivre ensemble. Architecte en chef de la rénovation du centre-ville d’Ivry-sur-Seine, qu’elle dirige à partir de 1969, elle s’engage pour offrir à ses contemporains un espace de vie plus ouvert, plus libre, plus créatif. Soucieuse dans tous ses travaux de la qualité de vie, ses réflexions sur les espaces extérieurs au logement trouveront à la Maladrerie, à Aubervilliers, un aboutissement remarquable. Dans cette colline habitée, nature et architecture, espaces privés et publics cohabitent et se mêlent avec harmonie.
Jusqu’à la fin de sa carrière, son travail et ses recherches furent reconnus et salués par le monde de l’architecture, en France comme à l’étranger. Le 13 octobre dernier, je lui décernais d’ailleurs avec émotion le prix d’honneur du Grand Prix National d’Architecture, pour l’ensemble de sa carrière. Symbole de cette empreinte forgée dans le temps, plusieurs des ensembles qu’elle a construits bénéficient du label Architecture Contemporaine Remarquable et sa première construction, la Tour Raspail à Ivry-sur-Seine, a été inscrite en 2022 au titre des Monuments historiques.
En choisissant d’organiser l’espace suivant des parcours diversifiés, variées, surprenants et complexes comme la vie, Renée Gailhoustet aura su montrer qu’il existe mille et une façons d’habiter notre monde et que les murs des logements peuvent libérer plus qu’enfermer.
J’adresse à sa famille, à ses filles Lise et Jeanne, ainsi qu’à son beau-fils Serge et à l’ensemble de ses proches, mes plus sincères condoléances.