Il avait eu le bonheur de voir son immense talent reconnu dès son
deuxième long métrage, « Trois tristes tigres », qui avait été couronné
en 1969 du Léopard d'Or à Locarno. Natif de Santiago, Raoul Ruiz
avait quitté le Chili après la chute du Président Allende pour s’installer à
Paris en 1973. Français de coeur, il l’était devenu pleinement en
obtenant, il y a peu, la nationalité française.
L’univers de Raoul Ruiz, un univers d’une profonde originalité,
imprégné de surréalisme, peuplé de trouvailles formelles fascinantes,
reste largement inexploré. Si le public l’a plébiscité pour les grands
films servis par Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Catherine
Deneuve, Isabelle Huppert ou Arielle Dombasle, on ignore souvent que
Raoul Ruiz a tourné une centaine de longs métrages dont beaucoup
restent aujourd’hui encore à découvrir ou a redécouvrir.
Son dernier film, « Mystères de Lisbonne » avait obtenu en 2010 le prix
Louis-Delluc. Cette année, il mettait la dernière touche au montage du
film qu'il avait tourné sur son enfance chilienne. C’était un inlassable
créateur qui préparait encore un autre film au Portugal, pour lequel il
avait laissé, croit-on, toutes les indications qui permettraient de le
réaliser. C’est un magnifique testament que nous aurons peut-être un
jour le bonheur de découvrir, de la part du grand cinéaste mais aussi du
grand homme de culture qu’il était.