En 2016, le jury des AJAP a particulièrement souligné les démarches « exploratoires » des vingt équipes retenues. Conscientes des défis de leur temps, celles-ci abordent les grands enjeux contemporains de manière responsable et engagée, tout en s’attachant à faire de l’architecture un bien commun et quotidien, au plus près de chacun. Focus sur les projets de quatre d’entre elles
Antoine Dufour Architectes : "le patrimoine comme outil de liberté"
La démarche. « Décloisonner » : c’est ce qui mobilise Pierre Dufour, né en 1987, et Aymeric Antoine, né en 1986, dans leurs pratiques d’architectes. À l’origine de cette mobilisation, une double passion, à la fois pour l’architecture antique « très élémentaire, porteuse d’une dimension sacrée et impalpable » et pour l’architecture contemporaine, plus conceptuelle. Les fondements d’un désir d’interdisciplinarité sont ainsi jetés : le duo décide de réinvestir la question du patrimoine, « cet héritage auquel l’on ne s’identifie pas toujours », et d’œuvrer en faveur de l’intégration d’une architecture contemporaine de qualité dans des structures patrimoniales pérennes.
Le projet. Les deux architectes se sont ainsi attelés au réaménagement du château de Foix, de manière à fluidifier sa relation à la ville. Pour cela, ils creuseront dans la falaise soutenant la forteresse un tunnel et un puits de près de 40 mètres de profondeur où passera un ascenseur. Celui-ci arrivera sur une terrasse panoramique ouverte sur un espace clos très dépouillé où la tour nord du château domine un patio à ciel ouvert. L’ensemble, intégré à la roche et librement inspiré de l’architecture cathare, est conçu pour impacter le moins possible l’image patrimoniale du site, tout en permettant la découverte des paysages pyrénéens à l’horizon et de la ville de Foix en contrebas.
Atelier Amélie Fontaine : "expérimenter en milieu rural"
La démarche. Amélie Fontaine, née en 1985, a d’abord travaillé à Paris avant de ressentir le besoin de regagner sa région natale, l’Avesnois, dans les Hauts-de-France, pour œuvrer sur des territoires moins denses où, selon elle « la question du paysage et celle de l’agriculture se trouvent au cœur de tout projet architectural ». Elle se spécialise alors en bioclimatique, écologie et construction bois avec l’ambition de construire à bas prix des espaces qualitatifs et performants. Bien qu’il ne soit pas toujours simple pour elle de défendre ses projets dans ce milieu, où le travail de l’architecte fait l’objet d’une reconnaissance moindre, Amélie Fontaine s’arme de patience et de pédagogie pour défendre activement sa volonté de lier agriculture et urbanisation. Le territoire où elle travaille est propice à des réalisations-tests « qui pourraient tout à fait être ré-expérimentées en milieu urbain ».
Le projet. L’architecte - paysagiste a mis en pratique son apprentissage à l’occasion d’un premier projet phare, une chèvrerie située à proximité d’un lac artificiel : structure en panneaux de bois massif en périphérie, ossature bois pour les espaces intérieurs chauffés et modulables, système de poteaux-poutres pour la partie élevage. Elle a également conçu une crèche écologique ouverte au sud par un mur-rideau, où une terrasse prolonge les espaces d’activités, et doté d’une façade extérieure composée de caissons isolés en paille et d’un bardage de bois.
Mutations Architectes : "inventer la commande"
La démarche. Marie-Hélène Pinoche, née en 1984, Quentin Belin et Pierre de Montigny, nés en1983, se révèlent tous trois désireux de se projeter dans une architecture engagée. Leur préoccupation ? Susciter des commandes en phase avec les problématiques sociales contemporaines qui leur tiennent à cœur. Le nom de leur agence – « Mutations » – s’explique ainsi par l’approche libre, évolutive et sensible qu’ils ont de leur travail. Ils présentent des projets en amont d’éventuelles commandes, tels qu’une plateforme web destinée à équiper les arrêts de bus ou la mise en place de bornes téléphoniques d’urgence à installer sur le canal de Sicile. Leurs intentions sont détaillées dans des story-boards caustiques, plaçant de fait l’illustration et la narration au cœur du processus de transmission des idées du trio.
Le projet. Les jeunes architectes, à la recherche de nouvelles solutions pour faciliter le logement, portent un intérêt particulier aux programmes d’habitats qu’ils considèrent comme « adaptés » à leurs usagers : résidences pour personnes âgées, habitats intergénérationnels investis à la fois par des seniors et des étudiants ainsi que foyers pour handicapés mentaux sont autant de projets en cours au sein de l’agence. Ils œuvrent également à la transformation d’un bâtiment d’activités existant à Montreuil, de manière à « proposer des loyers d’activités artisanales au-dessous du prix du marché » et favoriser ainsi un potentiel renouveau de l’artisanat dans cette zone.
Gama : "le paysage par l’usage"
La démarche. Les fondateurs de l’agence Gama – Mélanie Gasté, née en 1980) et Grégory Dubu, né en 1976 – s’intéressent particulièrement aux espaces publics où le cahier des charges, « souvent peu dessiné », leur laisse une certaine latitude. Ils privilégient une approche « très cartographique », à grande échelle et analysent longuement le territoire sur lequel ils vont travailler. Pour eux, une intervention bien faite est avant tout une intervention « qui se fait oublier », et révèle les qualités du site environnant. L’interaction entre l’homme et le végétal est également au cœur de leur démarche : l’espace planté en lui-même compte tout autant que la manière dont on y joue, s’y déplace ou s’y installe.
Le projet. A l’occasion du festival des hortillonages d’Amiens, les paysagistes ont développé un jardin provisoire dans lequel ils ont disposé des mottes de terre plantées dans l’eau, sur les berges et dans les arbres. Cultivé par leurs soins, le site donne à voir toute une palette de végétaux et met à contribution le visiteur, qui peut actionner une pompe hydraulique pour arroser les fragments suspendus avec l’eau de la Somme. Mélanie Gasté et Grégory Dubu ont également été sollicités pour concevoir un jardin partagé à Orléans. Situé au cœur de l’îlot Saint-Flou, entre une résidence étudiante et un foyer-résidence pour personnes âgées, ce « jardin intergénérationnel » sera orienté vers le développement des sens. Traversé par plusieurs grands axes, il comprendra également des chemins secondaires, qui inviteront les promeneurs à se livrer à une exploration plus intime du site.
Les Albums des jeunes architectes et paysagistes, un soutien aux jeunes créateurs
Les AJAP, créés en 1980 et organisés tous les deux ans, ont pour objectif de valoriser des professionnels de moins de 35 ans ayant réalisé un projet ou participé à un concours en France et fait preuve, dans ce cadre, d’une certaine originalité dans leurs démarches au regard des enjeux culturels, économiques, scientifiques ou techniques de l’architecture et du paysage. Le ministère de la Culture et de la Communication, avec le soutien de la Cité de l’architecture et du patrimoine et de l’Institut français, assure la promotion du travail des lauréats à travers l’édition d’un catalogue ainsi que d’un site internet, la mise en place d’un cercle de parrainage et la production d’une exposition itinérante en France et à l’étranger.
Cette distinction fait désormais partie intégrante des mesures de soutien aux jeunes professionnels mises en place dans le cadre de la Stratégie nationale pour l’architecture. Celle-ci se caractérise, à travers notamment la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, par sa volonté de renforcer l’innovation architecturale et paysagère, et de promouvoir la qualité de la construction et du cadre de vie.
Une soirée-débat autour de l’exposition aura lieu à la Cité de l'architecture & du patrimoine mardi 4 avril 2017 à 19h.
> Avec les architectes : Antoine Dufour Architectes, Atelier Amélie Fontaine, Atelier ATP, Atelier de l’Ourcq, Buzzo Spinelli Architecture, MAAJ Architectes, Mutations Architectes, Oh!Som architectes
> Avec les paysagistes : Atelier Gama, Wagon landscaping
> Modération : Karine Dana, commissaire de l’exposition
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