En cette période de crise sanitaire, le week-end que l’association Platform consacre depuis quatre ans à l’activité des Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), aura lieu, les 17 et 18 avril, « à l’air libre ». Faisant de nécessité vertu, l’association a invité chacun des FRAC à inventer un nouveau genre d’accueil du public, encore plus créatif, toujours plus festif, plus aérien, plus interactif, plus transversal, plus démocratique…
En avant-première, nous présentons quatre événements, parmi 23 autres, qui tous, mettent en avant le dynamisme et l’inventivité des artistes, des commissaires d’exposition, des médiateurs culturels et des équipes des Fonds Régionaux d’Art Contemporain.
La parole à l’honneur au Frac Champagne-Ardenne
C’est un très beau titre, pour une exposition, signée Cathy Josewitz et Susie Green au Frac Champagne-Ardenne, qui ne l’est pas moins : « Empty rooms full of love », soit en français : « Pièces vides pleines d’amour ». Dans cette période de pandémie, ce titre prend une résonance inattendue…
De l’amour, le Frac Champagne-Ardenne en a à revendre, comme en témoigne son initiative de rendre accessible à tous une exposition que personne n'a vue. Il a proposé à l’artiste Valérie Castan – elle est danseuse et chorégraphe, mais a aussi obtenu un diplôme de l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs de Paris-Dauphine – de réaliser une audiodescription de… l’exposition.
Depuis 2012, date à laquelle elle forme le projet formidable d’écrire des textes descriptifs de spectacles chorégraphiques qu’elle oralise en direct, chacune de ses prestations est à couper le souffle. Avec son travail sur la puissance du texte, qui éveille des images mentales et construit une réception des œuvres, elle renouvelle l’approche artistique du spectacle vivant pour les aveugles et malvoyants.
Aujourd’hui, les thèmes abordés par les deux artistes de « Empty rooms full of love » – l’altérité, le déguisement, la présence du corps, l’expression et la quête de soi – promettent une belle aventure de la parole et de l’oreille, qui sera diffusée à partir du samedi 17 avril sur Radio Primitive et sur les réseaux sociaux.
Une procession de sculptures au FRAC Poitou-Charentes
Depuis très longtemps, les sculptures, qu’elles soient contemporaines ou classiques, se sont fait une place de choix dans l’espace public. En revanche, il est beaucoup plus rare de les voir se déplacer, comme si elles étaient mobiles.
C’est pourtant ce que propose le Frac Poitou-Charentes, en organisant, le dimanche 18 avril, dans les rues d’Angoulême, une procession des œuvres de la sculptrice Émilie Perotto, dont l’exposition « Volontaire » attend de pouvoir rencontrer son public.
« J’aime me questionner quant à des modes performatifs nouveaux, pour dépasser et enrichir le mode ordinaire et attendu de l’expérience culturelle », souligne l’artiste. Avec l’idée de la procession, ce sont des perspectives nouvelles – et enthousiasmantes – qui lui sont apparues : le contact avec la matérialité des œuvres, à travers le toucher mais aussi le poids, l’encombrement, le fait de les porter sur une certaine distance, le fait de le faire à plusieurs, d’engager d’autres personnes à en prendre le relais, la fatigue occasionnée mais aussi la fête qui en résulte…
Restait à mettre en œuvre le projet. « Les œuvres exposées renvoient à différentes échelles. La plus petite fait 12 cm de haut, les dimensions de la plus grande sont de 5x12 mètres ! Il fallait réfléchir à un choix à la fois esthétique et pratique. Nous avons sélectionné cinq œuvres qui feront le tour d’Angoulême portées par des volontaires le dimanche matin 18 avril ».
Une façon originale de favoriser l’accès de tous à la culture, qui reprend l’usage très ancien de la procession. « Avec les œuvres, c’est tous les champs du sensible qui les ont entourées – comme la musique : Volontaire, mais aussi Procession, sont des titres d’Alain Bashung… – qui se promèneront », assure Émilie Perotto, qui salue la « mobilisation » du FRAC pour proposer aux artistes des initiatives innovantes.
A noter : cette action artistique aura le statut administratif de "manifestation" et, à ce titre les participants peuvent déroger à la limite de déplacement actuelle de 10 km de leur domicile (à cocher sur attestation dérogatoire).
Des œuvres denses et dansées au Frac Occitanie Montpellier
En ces temps de pandémie, il est plus que jamais indispensable de décloisonner les publics et de multiplier les propositions. C’est pourquoi l’initiative du Frac Occitanie Montpellier, tombe à point nommé.
En proposant à Salia Sanou, danseur et chorégraphe originaire du Burkina Faso, qui a fait de Montpellier sa ville d’adoption, de faire une intervention en s’inspirant des œuvres de sa collection, le Frac Occitanie répond à une aspiration profonde du public, celle de retrouver la création artistique en toute liberté. « Grâce à cette déambulation chorégraphique parmi quatre œuvres exposées, j’espère engager un dialogue avec elles : s’incliner, chuter, décrire des mouvements aériens, et regarder différemment ces œuvres inscrites dans l’espace, parfois suspendues, lancées dans le monde des formes… », explique Salia Sanou, qui sera accompagné dans sa performance par deux artistes, la chorégraphe Mathilde Monnier et le percussionniste Kalifa Hema.
Les œuvres exposées suggèrent à la fois le mouvement et l’immobilité. En écho à la situation sanitaire ? C’est notamment la Bicyclette, de Charles Lopez, un vélo rendu inutilisable par des mutations successives. Ou encore O, de Jennifer Caubet, une roue en métal qui tient de la pièce d’assemblage industriel, de l’instrument de torture médiéval et d’une machine lanceuse de flèches qu’un Léonard aurait pu dessiner.
« Pour moi, travailler avec des plasticiens est une expérience très importante », dit-il, en citant sa collaboration « avec Daniel Buren au Burkina Faso pour créer des mises en espace sur des lieux de vie » et avec « Christian Boltanski, dont l’œuvre inspire ma dernière création ».
Création artistique et fêtes musicales aux Frac de Dunkerque et de Caen
L’esprit de fête, trait d’union entre l’art contemporain et la création musicale ? C’est en tout cas le pari de deux Frac – celui de Normandie et celui du Nord-Pas-de-Calais – qui ont résolument placé leur participation à WEFRAC sous le signe de la liberté et de la musique.
Ambiance paysages de bord de mer au Frac de Normandie Caen, où Beach Youth, le groupe français de « surf pop » créé à Caen en 2015, proposera une déambulation autour des œuvres de l’exposition Un été indien, accessibles depuis le site internet du FRAC et les réseaux sociaux. Une musique idéale pour le plaisir de prendre la route, de faire défiler l’asphalte, de s’approcher du littoral ensoleillé, du spectacle de la mer, des horizons et du voyage au long cours. A noter : le groupe accompagnera Romain Lepage, l’un des exposants, devant plusieurs œuvres de l’accrochage. Un exercice d’admiration – et d’imagination – à ne pas manquer.
Autre univers, au Frac Grand Large, à Dunkerque, celui d’un mouvement majeur de la contre-culture des années 1960 : le réalisme fantastique. Là aussi, c’est une interprétation musicale qui a été choisie, pour illustrer l’exposition « Un autre monde // Dans notre monde », qui retrace, en se plaçant dans les pas du Matin des magiciens – un livre fameux de Louis Pauwels et Jacques Bergier qui a fait date – le parcours expérimental de ce mouvement atypique.
Le duo lillois des Orange Dream – c’est eux, la formation musicale retenue – va proposer, en véritables insiders, le temps d’une performance, une interprétation musicale de trois installations, au moyen d’une caisse claire et d’une guitare. Leur objectif ? Réveiller « l’altérité du monde » au gré d’incantations blues tribales et de rock ciselé. A voir et à entendre.
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