Vision de la guerre à travers le temps
L'exposition montre dans un parcours muséographique de douze séquences en quoi les artistes ont contribué au mouvement de désenchantement face à la guerre qui s'amorce au début du XIXème siècle lors des campagnes napoléoniennes. La guerre est ainsi représentée sous toutes ces faces, y compris ses conséquences les plus atroces sur les humains, les animaux, la nature et les villes.
Sur 1800 m2, l’exposition rassemble 450 œuvres: peinture, sculpture, dessin, gravure, photographie, cinéma, vidéo, image d’Epinal, presse, affiche, objet, etc. Près de 200 artistes sont représentés parmi lesquels Géricault, Goya, Daumier, Dix, Vallotton, Léger, Capa, Picasso, Richter, Villeglé, Erro, Combas ou Yan Pei-Ming.
« Les désastres de la guerre, 1800-2014 » pose les jalons majeurs de cette histoire méconnue à travers une vingtaine de conflits, et notamment ces guerres particulièrement marquantes, par leur ampleur meurtrière et traumatique que furent les guerres napoléoniennes (1803-1815), la Grande Guerre (1914-1918), la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et la Guerre du Vietnam (1954-1975).
Le parcours muséographique
La première séquence a pour sujet les guerres napoléoniennes (1803-1815) en Europe. A l’image du chef et du héros classique (David) commence à répondre celle du soldat anonyme. Goya, l’homme des Lumières qui en pressent les ombres, annonce les ténèbres présentes et futures de la guerre. Sa série de gravures « les désastres de la guerre » répond à la violence de l’invasion napoléonienne de 1808 en Espagne, et son œuvre est jusqu’à ce jour une source d’inspiration inépuisable pour les artistes (Hartung, Ming, Morris).
La séquence 2 traite du début de la doctrine du colonialisme, à travers trois thèmes, la Guerre d'indépendance des Grecs (1821-1830) contre l'Empire ottoman, ainsi que les guerres de conquêtes d'Afrique du Nord, et du Sud avec la seconde guerre des Boers (1899-1902). Prétexte aux visions romantiques où l’héroïsme se manifeste encore, cette fois en faveur du plus faible. Lors des guerres de conquête, les artistes font le plus souvent partie de missions officielles et servent docilement la propagande, à l’exception de quelques-uns. Ceux-ci s’en émancipent pour figurer, surtout dans la presse anarchiste, le sort des populations et des combattants : celui des Indiens d’Amérique (Remington), des Algériens (Johannot) ou des marocains (Naudin).
Dans la séquence 3 consacrée à la guerre de Crimée (1853-1856), le visiteur pourra voir « La vallée de l’ombre de la mort » de Roger Fenton. Echo visuel du poème de Tennyson écrit en hommage aux cavaliers britanniques morts dans cette vallée le 25 octobre 1854, cette photographie fait partie des 360 clichés pris en Crimée par Fenton, envoyé par le gouvernement britannique pour servir la propagande.
On s'immisce dans la guerre de Sécession (1861-1865) avec la séquence 4. Pour la première fois, après les clichés pionniers du français Couppier et de l’anglais Beato, on voit la mort représentée à grande échelle, en photographie. « Ruins of the R. R Depot in Charleston » est une des soixante et une prise de vues de George N. Barnard. Lors de la guerre de Sécession, Barnard a suivi la campagne du général William Tecumseh Sherman à la tête d’une des armées du Nord contre les confédérés sudistes.
Thème de la séquence 5, la guerre franco-prussienne (1870-1871) inspire aux photographes le goût des belles ruines. Celles-ci rappellent la fragilité de toute construction humaine au moment où l’Europe entre dans la modernité.
Le Rêve d' Edouard Detaille célèbre l’armée nationale française dix-sept ans après la défaite de Sedan. Ces jeunes conscrits aux manœuvres rêvent : dans le ciel de Champagne, les défaits de 1870 marchent aux côtés des soldats victorieux de la Révolution, de l’Empire et de la Restauration.
La Grande Guerre (1914-1918) arrive comme temps fort de cette exposition. L'utilisation systématique de la technologie moderne transforme le champ de bataille en zone infestée de dangers : explosions, gaz, attaques au sol et aériennes. La représentation des désastres sur les hommes et les choses, devient plus fréquente au début de la guerre pour devenir plus rare à partir du printemps 1915. Certains artistes nous laissent des traces des cauchemars de soldats après la bataille, des femmes et des enfants, bientôt des invalides alors que d'autres pratiquent une sculpture d'un nouveau genre pour réparer les gueules cassées.
Avec « Der Krieg », Otto Dix livre une des plus puissantes évocations des désastres de la Grande Guerre. Après Goya, il exprime son dégoût dans un style pathétique et violent. Macabre chronique anti-héroïque de la vie quotidienne dans les tranchées, le cycle exhibe les destructions et les corps ruinés. « Der Krieg » est une apocalypse moderne, vécue par l'artiste, à 24 ans, sous les bombes dans le nord de la France.
La séquence 7 nous plonge dans la guerre d'Espagne (1936-1939) avec par exemple le premier dessin préparatoire pour Guernica du 1er mai 1937 qui représente un petit cheval. L'artiste isole la tête hurlante de l'animal – figurant au centre de Guernica – mortellement blessé, dont la langue, acérée comme un poignard, jaillit de sa mâchoire déformée pour exprimer la douleur. Pour lui, « le taureau représente la brutalité, ce cheval est le peuple » espagnol, qui, quelques jours avant, expirait sous les bombes à Guernica. Le cheval est aussi la victime sacrifiée de la corrida, combat allégorique entre l'ombre et la lumière, qui, depuis l'enfance, hante toute son œuvre.
Dans la séquence 8, il est question de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), la plus frappante des guerres. Par le recours massif aux armes chimiques, par la bombe atomique au Japon, cette guerre totale d'une brutalité inouïe envers les populations civiles est sans équivalent et conduit les artistes à rejeter massivement ses violences.
A partir de 1941, la guerre et la persécution dominent la peinture de Félix Nussbaum. L'effroi, la souffrance, le désespoir hantent cet autoportrait avec sa nièce, réfugiée à Amsterdam. Nussbaum peint les visages torturés d'une humanité minée mais debout, le sien et celui d'une enfant de six ans, réunis tragiquement dans la peur des bombardements et de la persécution.
Dans la séquence 9, est exposé le « Grand tableau antifasciste contre la torture » en réaction contre la guerre d’Indochine (1946-1954) et la guerre d’Algérie (1954-1962). Cette œuvre est exposée en 1961 à la galerie Brera de Milan lors du 3ème Anti-Procès, une manifestation internationale itinérante contre la guerre d'Algérie. Elle est censurée par les autorités italiennes et ne sera rendue à ses propriétaires qu'en 1987. Après les œuvres de Goya et Picasso, contre la morale et la politique officielles, elle dénonce crûment les atrocités : la torture, les viols, les massacres, les non-dits de l'histoire en cours.
On trouve dans la séquence 10, la guerre du Vietnam (1954-1975) qui oppose l'armée populaire de la république démocratique du Nord Vietnam, soutenue par le bloc de l'Est, la Chine et le Front national de libération du Sud Vietnam, à la République du Sud Vietnam, appuyée par l'armée américaine , l'Australie, la Corée du Sud, la Thaїlande et les Philippines.
Le 8 juin 1972, Nick Ut saisit la fuite d'enfants sous les bombardements au napalm du village de Trang bang. Fermée par un ciel d'épouvante , la composition répartit victimes et soldats en deux plans distincts d'un même enfer. Publiée en une de New York et mondialement célèbre, la photographie « Vietnam napalm » de Nick Ut a pesé sur les opinions publiques, et sur la décision américaine de se retirer.
La séquence 11 est très particulière car elle aborde les guerres de notre temps (1967-2014), à travers les représentations contemporaines des nouveaux conflits : terrorisme, combat à distance...avec de nouvelles modalités liées à l'évolution des technologies militaires et médiatiques.
On y trouve notamment « Lustmord » de Jenny Holzerk. Durant la guerre des Balkans, Lustmord exhibe les violences sexuelles faites aux femmes en Bosnie. Tatouées en lettres d'encre rouge, trois paroles (victime, bourreau, observatrice) énoncent un viol, la honte, la culpabilité, les pulsions assouvies, le voyeurisme, l'incurie ou l'impuissance ; jusqu'aux lettres de sang de l'étiquette de couverture, Lustmord, publié au départ dans un journal allemand, exprime le sadisme sexuel et criminel, les désirs de mort.
L'exposition finit par la séquence 12 « Hors-champ », dans le dépassement de l'histoire avec des œuvres allégoriques (Kubin, Nussbam, Schlichter, Toorop). Des objets fabriqués par des soldats anonymes pendant la Grande Guerre dans la composition de Lebel, ou par des combattants traumatisés et internés.
Pour plus de renseignements :
Musée du Louvre-Lens
99 rue Paul Bert
62300 Lens
Téléphone : 33 (0)3 21 18 62 62
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