Le bilan est constitué à partir des données fournies par les conservateurs des antiquités et objets d'art (CAOA), les directions régionales des affaires culturelles (conservations régionales des monuments historiques) et le chargé de mission sûreté de l’inspection des patrimoines. Ces données sont consolidées tout au long de l'année grâce aux échanges entre la SDMHSP (bureau de la conservation des monuments historiques mobiliers), le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRC à Pontoise) et l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), direction centrale de la Police Judiciaire à Nanterre).
Documenter et diffuser l’information
Eléments indispensables à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, les photographies des objets volés ou disparus sont insérées, avec le dépôt de plainte, dans les bases de données policières - TREIMA II (thésaurus de recherche électronique et d'imagerie en matière artistique) de l’OCBC, créée en 1995, et PSYCHé, base internationale d’INTERPOL, accessible au public depuis 2009. Elles sont également diffusées au sein des bases de données patrimoniales du ministère de la Culture : la Plateforme ouverte du patrimoine POP propose, sur la page de recherche simple, un filtre "Objets manquants ou volés", pour les bases Joconde (biens des musées de France) et Palissy (totalité des objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historique) depuis juillet 2019.
Chiffres clés
Durant la dernière décennie, on constate une diminution des faits de vols dans les églises concernant des objets protégés ou non protégés au titre des monuments historiques. Évalué à plus de 600 dans les années 2000, leur nombre oscille désormais entre 80 et 150 faits par an sur tout le territoire.
Une partie des biens dérobés sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques. La plupart d’entre eux relèvent de la propriété publique des communes. A ce titre, ils sont des trésors nationaux, inaliénables et imprescriptibles au sens de la législation française. Pour chaque commune, c’est une perte irrémédiable et, plus largement, un appauvrissement du patrimoine culturel de la Nation.
S’agissant des objets protégés au titre des monuments historiques, les signalements de vols sont en augmentation de plus de 50% entre 2021 et 2022 et concernent presque 4 fois plus de biens culturels :
- 2021 : 21 faits de vols concernant 25 objets mobiliers (18 classés et 7 inscrits)
- 2022 : 31 faits de vols concernant 97 objets mobiliers (42 classés et 55 inscrits).
En 2022, les signalements concernent des vols en majorité commis dans des lieux de culte (cathédrales, églises), dans 31 communes différentes. Sur le plan typologique, ils relèvent principalement de la peinture religieuse, de la sculpture ou de l’orfèvrerie.
Cette hausse du nombre de signalements peut toutefois s’expliquer par l’amélioration des procédures de remontée et de partage des informations entre les ministères de l’Intérieur et de la Culture. De plus, la reprise des campagnes de récolement à l’issue de la crise sanitaire de covid-19 et le déploiement de la nouvelle plateforme participative de recensement Collectif Objets ont abouti au signalement d’un plus grand nombre d’objets « disparus ».
Exemples de vols constatés en 2022 :
Hauts-de-France, Somme, Outrebois, église paroissiale Saint-Séverin
Statue d’une Vierge à l’Enfant et donateur dite Notre-Dame de Bonne Nouvelle, marbre blanc, XVIe siècle, classée au titre des monuments historiques le 25 mai 1907 (base Palissy : PM80001018).
Volée entre le 5 et le 6 janvier 2022.
Normandie, Seine-Maritime, Le Tréport, église Saint-Jacques
Statue de Saint Nicolas, bois taillé, peint (polychrome), XVIe siècle, inscrite au titre des monuments historiques le 19 septembre 1994 (base Palissy : PM76005868).
Son vol, intervenu le 31 mai 2001, a été signalé en 2022 au BCMHM.
Redécouvertes et restitutions en 2022
Grâce à l’action conjointe des services du ministère de la Culture, des services de police et de gendarmerie, on enregistre chaque année la redécouverte, l’identification et la restitution de plusieurs œuvres d’art dont le vol est parfois très ancien. L’amélioration de la documentation photographique du patrimoine culturel et son insertion rapide dans les bases de données des objets mobiliers volés des services de police et de gendarmerie, ainsi que dans les bases nationales du ministère de la Culture, sont autant d’étapes essentielles, en plus du dépôt de plainte, à de futures identifications et restitutions.
La veille constante exercée par les services de police, de gendarmerie, des douanes ou des professionnels du patrimoine, universitaires et conservateurs du patrimoine sur le territoire national comme à l’étranger permet aux propriétaires légitimes de retrouver leur patrimoine. Il peut s’écouler plusieurs années entre le moment de l’identification du bien et sa restitution physique et matérielle, du fait de la durée de certaines enquêtes, du temps nécessaire aux démarches amiables ou de la complexité de certaines procédures contentieuses.
De 2013 à 2022 inclus, 406 objets protégés au titre des monuments historiques ont été volés, tandis que 163 objets protégés au titre des monuments historiques ont été redécouverts et/ou restitués à leur légitime propriétaire.
Exemples de redécouvertes et de restitutions
Grand Est, Meurthe-et-Moselle, Nancy, place Stanislas
Une paire de grands vases d’ornement en tôle de fer laquée et dorée, signés Jean Lamour (1698-1771), serrurier et ferronnier lorrain, est proposée à la vente aux enchères à Cannes le 14 juin 2022. Cette paire provient des éléments d’architecture de la place Stanislas à Nancy, classée au titre des monuments historiques par arrêté du 14 mai 2003, propriété de la ville (base Mérimée PA00106099), Dans les années 1980, de nombreux éléments sommitaux des ferronneries de Jean Lamour ont été remplacés, dans le cadre d’un chantier de restauration menée sous la maîtrise d'œuvre de l'architecte en chef des monuments historiques. Les vases ont été identifiés par le personnel scientifique de la conservation régionale des monuments historiques de la DRAC Grand Est et une demande de restitution par la ville de Nancy est en cours.
Occitanie, Aveyron, Nant, église Saint-Michel de Rouviac
Deux chapiteaux servant de support à un bénitier, pierre calcaire, XIIe siècle, classés au titre des monuments historiques le 18 février 1953 (base Palissy PM12000385).
L’absence des deux chapiteaux a été constatée en septembre 1963, sans que la date de leur disparition soit déterminée. En mai 2022, au cours d’une réunion entre professionnels du patrimoine (CAOA de l’Aveyron, collectivité et association locale), le vol des chapiteaux est évoqué. Quelques temps plus tard, les biens sont identifiés chez un particulier qui a souhaité les restituer. Les biens sont réinstallés dans l’église au cours de l’été 2022.
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