Ecrivain témoin du XXème siècle, Dominique Lapierre ne pouvait concevoir d’écrire sur les inégalités du monde sans s’engager comme citoyen pour tenter d’en résorber certaines.
Depuis l’adolescence, Dominique Lapierre a le goût de la découverte. Alors lycéen, il entreprend seul et sans un sou en poche un grand voyage vers le Mexique. De palabres en contorsions, il réussit à embarquer à Rotterdam sur un cargo direction La Nouvelle Orléans. Brièvement laveur de carreaux dans un couvent catholique, il y gagne les quelques sous qui lui permettront – à pied, en stop et en voiture – de gagner Mexico et de poursuivre son voyage désargenté à travers l’Amérique du Nord. « J'avais dix-huit ans. Je jonglais avec mon petit globe terrestre. La vie était prodigieuse. », confiera-t-il au Monde au retour de cette expédition digne d’un roman initiatique. A son retour, ses camarades l’appellent « Le Mexicain », il reçoit le grand prix de la Fondation Zellidja et Bernard Grasset publie sous le titre Un dollar les mille kilomètres le récit de cette folle aventure. Comme dans les romans qui lui vaudront un succès retentissant pendant plus de cinquante ans : le personnage est campé.
L’appétit d’ailleurs de Dominique Lapierre lui fournira la matière de nombre de ses romans. A la fois écrivain et journaliste, il se nourrit de ses voyages et de ses rencontres en mêlant la rigueur à la curiosité. En 1964, fort de la dissection d’une immense somme de documents d’archives, il co-écrit Paris brûle-t-il avec Larry Collins. Ce texte, qui dépeint la lutte de Paris pour sa Libération au terme de la Seconde Guerre Mondiale et sera adapté par la suite au cinéma, est le premier grand succès de l’écrivain.
À la fois journaliste et romancier, Dominique Lapierre choisit avant tout des sujets qui le touchent au cœur et fait de ses textes un outil pour révéler l’injustice au grand jour et essayer de la combattre. Frappé par la misère lors de ses voyages en Inde, Dominique Lapierre se passionne pour l’histoire du sous-continent, y voyage régulièrement et apprend le bengali avant de publier en 1985, La Cité de la joie. Il y décrit le parcours de religieux qui travaillent dans les bidonvilles de Calcutta. Ce récit poignant, à la fois lanceur d’alerte et creuset d’espoir pour ce qu’il appelait « malgré la malédiction […] une cathédrale de joie, de vitalité, d’espérance », conquiert les lecteurs français et étrangers. En créant une Fondation éponyme, Dominique Lapierre consacre ensuite une large partie de ses droits d’auteurs à soutenir l’action humanitaire, notamment dans le domaine de la santé, en Inde. Il restera toute sa vie fidèle à ce soutien financier et à cet engagement de terrain.
Ecrivain prolifique, Dominique Lapierre renouvelait sans cesse ses sujets : depuis Ô Jérusalem jusqu’à Il était minuit à Bhopal en passant par Il était une fois l’URSS, il réjouissait les lecteurs par l’épaisseur de ses descriptions - cités d’Orient, steppes russes et paysages du sous-continent indien… Ces romans qui font rêver autant qu’ils éveillent, il les écrit tantôt seul, tantôt aux côtés de frères de plume tels que Larry Collins, Javier Moro ou Jean-Pierre Pedrazzini, symbole, s’il en est, du goût du partage de l’auteur.
Voyageur, conteur, philanthrope, Dominique Lapierre a toujours veillé à ce que l’écho de sa littérature ne se résume pas aux belles paroles. Nous perdons aujourd’hui un grand écrivain, généreux dans ses textes et généreux dans sa vie.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.