Mesdames et Messieurs,
On ne pouvait imaginer de meilleure figure tutélaire pour ce prix du mobilier scolaire. Jean Prouvé a été lauréat du prix de l’éducation nationale pour le mobilier scolaire en 1949 et concepteur d’une chaise emblématique pour la Cité universitaire. Il était à la fois ingénieur et architecte, mais aussi un élu politique, maire de Nancy à la Libération, qui a marqué sa ville.
Il a conçu le design comme un laboratoire de création, comme lieu de l'innovation technique où l’expérimentation est un mode de vie. Il s’est profondément engagé pour l’enseignement et pour la diffusion de toute démarche créative, car « l’art doit être utile à tous », disait-il.
Ce prix, qui a été conçu par le ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication et celui du ministère de l'Economie, du Redressement Productif et du Numérique, s'inscrit dans la Politique nationale en faveur du design que nous portons avec Arnaud Montebourg. Il traduit une ambition commune pour la France, celle de développer une culture du design au service de l’économie et du redressement productif. Généraliser l’éducation artistique et culturelle au design permet également d’offrir aux enfants la possibilité de devenir des acteurs de l’environnement, participant ainsi de la démarche visant à faire d’eux des citoyens engagés. La force de cette politique tient à sa dimension interministérielle, ce qui rejoint la volonté de décloisonnement qui animait Jean Prouvé, sans omettre les enjeux de la pédagogie.
L’école, qui est le lieu de l’innovation et un terrain d’expérimentation privilégié pour les designers d’aujourd’hui et ceux de demain, est un excellent laboratoire pour ce travail en commun.
La consultation qui va succéder à ce colloque s’adresse en premier lieu aux designers professionnels qui verront leur proposition commercialisée à travers le catalogue de l’UGAP. Le prix s’adresse aussi à des étudiants des écoles d’art et de design en 3e ou 4e année qui, s’ils figurent parmi les lauréats, bénéficieront d’un prototypage de leur projet.
Je me réjouis tout particulièrement de cette double consultation qui met en valeur le talent de nos designers mais aussi l’excellence de nos écoles.
Nos écoles ont du talent, nous l’avons bien vu avec Arnaud Montebourg, lors du dernier Rendez-vous du Design, en découvrant le futur « verre du CROUS » destiné aux restaurants universitaires, création des étudiants de l’ESAD d’Orléans.
Nos écoles ont un rôle majeur à jouer dans cette consultation : organisées en réseau structuré et structurant, les 45 écoles supérieures d'art et de design sous la tutelle du MCC regroupent plus de 10 000 étudiants. Ancrées dans leur territoire et ouvertes à l’international, ce sont des points de rencontre et des relais, des lieux d'expérimentation et de formation des designers de demain aux grands enjeux de notre société. Les inclure dans cette consultation c’est lui donner les dimensions de tout notre territoire et l’ouvrir aux attentes et aux besoins de nos jeunes concitoyens.
Placer cette consultation et ce colloque sous le signe de Jean Prouvé, c’est les placer sous le signe de l’engagement social, de l’innovation, de la recherche et de la création au service du mieux vivre ensemble.
Je voudrais à ce titre citer, en hommage à celui qui manque énormément à notre paysage politique et qui fit tant pour le design et l’enseignement supérieur de l’art et du design en région lorraine, ces mots de Michel Dinet pour décrire la vie et l’œuvre du célèbre nancéien : « C’était un homme moderne, celui qui savait le lien entre progrès sociaux et progrès techniques, celui pour qui la recherche fut un mode de vie permanent».
C’est aussi interroger plus largement, à travers le mobilier scolaire, les pratiques pédagogiques à l’ère numérique, l’espace de la classe du 21ème, ses usages, le bien-être et la réussite des élèves.
Jean Prouvé aimait à le rappeler, avant la forme, ce qui compte, c’est l’intégration dans un contexte, c’est-à-dire la « contexture » : la capacité à concevoir, à partir d’un contexte précis, de la matière, des exigences d’une époque. Dans ses cours au CNAM, Jean Prouvé pose cette question à ses élèves : « l’école ne devrait-elle pas révéler l’architecture de son temps plutôt que celle du passé ? » Sous l’impulsion du ministre de l’Education nationale, ce colloque envisage l’école de demain à travers le design et l’architecture d’aujourd’hui. Il ouvre des réflexions essentielles à la refondation de l’école, mais aussi à la place du design comme discipline qui se veut, pour le dire comme Jean Prouvé, « de son temps, sans compromis ».