Veuillez me pardonner ce retard avec lequel je vous rejoins, en raison
d’une obligation extérieure, pour ce premier Conseil d’orientation
stratégique de l’Institut Français. Les directeurs généraux, le secrétaire
général du ministère de la culture et de la communication et le délégué
général à la langue française et aux langues de France ici présents ne
manqueront pas de me rendre compte de vos échanges précédents.
Dans le bref temps de parole qui est le mien, je voudrais tout d’abord
saluer le travail accompli par le Président Xavier Darcos et son équipe pour
mettre en place l’Institut français. La partie n’était pas facile : la réforme de
l’action culturelle extérieure de l’Etat a fait en effet l’objet de nombreux
débats, notamment en ce qui concerne les missions élargies qui sont
assignées par la loi à ce nouvel établissement public qui prend le relai de
l’association CulturesFrance, et l’expérimentation sur trois ans concernant
le rattachement du réseau culturel français à l’Institut : à son terme, le
choix retenu, quel qu’il soit, marquera durablement la diplomatie culturelle
de la France.
Aujourd’hui l’Institut est en ordre de marche pour affronter ces défis. Le
projet de contrat d’objectifs et de moyens que nous allons signer, Alain
Juppé et moi-même, constitue, je le crois, un bon outil de cadrage pour
conduire l’action de l’Institut.
Sur ce document, je dirais de façon générale qu’il fallait trouver un équilibre
sur l’autonomie de notre action culturelle extérieure vis-à-vis de notre
diplomatie, dont elle demeure un instrument de rayonnement essentiel. Je
peux vous dire que les entretiens avec mes homologues du monde entier,
rue de Valois ou chez eux, me rappellent à chaque occasion que notre
pays est toujours perçu comme une référence en matière de politique
culturelle, qui s’inscrit à l’encontre des tendances complaisantes au
déclinisme. S’agit-il de la queue de comète de la « marque France » ? Je
ne le crois pas. La place singulière qu’occupe la culture en France, sa
visibilité et l’exception que représentent les politiques culturelles françaises
nous offrent un positionnement remarquable, qui nous honore. À nous de
nous en montrer dignes, en préservant les engagements de l’Etat pour la
Culture et la Communication : c’est ce que fait notre gouvernement depuis
bientôt cinq ans et que nous avons, Alain Juppé et moi-même, l’honneur
de servir, en confortant les budgets alloués à la Culture et à la
Communication.
À l’occasion de l’exercice rituel annuel de présentation du prochain budget
de mon ministère, j’ai eu d’ailleurs l’occasion de rappeler à la presse cet
après-midi combien notre « exception budgétaire » nous oblige, à l’heure
où le contexte économique et financier très défavorable entraîne bon
nombre de nos partenaires européens à opérer des coupes drastiques
dans les budgets qu’ils consacrent à la culture.
Parler pour nos politiques culturelles de « modèle français », c’est aussi
prendre en compte leur changement, leur adaptation, leur modernisation.
La politique culturelle, ce n’est pas seulement nos grands établissements
publics, le soutien aux festivals ou la commande publique. Elle bouge, elle
se dote de nouveaux outils, elle accompagne les transformations
culturelles et industrielles majeures induites par le numérique, elle invente
de nouveaux modes de financement. Ces évolutions, la réflexion de fond
qui les accompagne, celle des artistes, des professionnels de la culture,
des universitaires, des élus locaux, des mécènes, sont autant d’éléments,
je crois, qui ont toute leur place dans l’action de l’Institut, notamment dans
sa mission de promotion du débat d’idées. La visibilité internationale de
nos politiques culturelles est elle aussi un vecteur de rayonnement.
Parlant de débat d’idées, le ministère de la Culture et de la Communication
a tout récemment décidé de confier à l’Institut français, en collaboration
étroite avec la Villa Gillet qui l’a brillamment initié, la gestion du programme
« Walls and Bridges » porté jusqu’à l’an dernier par le Conseil de la
création artistique. Ce programme qui fait vivre le dialogue entre les Etats-
Unis et la France dans le domaine des sciences sociales et de la
philosophie, en les croisant parfois avec les disciplines artistiques, est une
démarche ambitieuse et originale qui s’inscrit parfaitement dans la nouvelle
mission dévolue à l’Institut. Je m’en félicite et je souhaite que ces initiatives
se poursuivent et se multiplient. Je souhaite que mon ministère puisse
s’appuyer sur l’expertise de l’Institut, sa réactivité et sa capacité
d’adaptation pour monter des projets innovants ou inédits. Je pense
notamment au plan en cours d’élaboration avec le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’aide à la traduction, vers
l’anglais, des revues françaises de sciences humaines et sociales en ligne,
qui peut être un outil majeur de visibilité pour une production scientifique et
des débats publics qui ont en cela tout à gagner – afin de contribuer à
l’émergence, en quelque sorte, d’une « French Theory à la française », où
les chercheurs, les auteurs et les éditeurs français auraient un rôle plus
actif dans les conditions de réception de leur production dans le monde
anglophone.
Le réseau des Instituts et des Alliances, c’est aussi, bien sûr, un outil
majeur, avec les lycées français, pour la promotion de la langue française
à l’étranger. Dans ce domaine essentiel pour notre action culturelle
extérieure, la délégation générale à la langue française et l’Institut Français
ont tout à gagner à poursuivre leur collaboration étroite pour la promotion
du multilinguisme. En ce qui concerne la promotion du livre français à
l’étranger, l’Institut Français dispose d’une expertise et de capacités de
veille essentielles, sur le terrain, qui en font un partenaire naturel pour la
direction du livre et de la lecture de mon ministère et le Centre national du
livre, à commencer par l’harmonisation et la rationalisation des différents
programmes d’action existants dans ce domaine.
Ce qui me tient évidemment à coeur au regard de l’action de l’Institut
français, c’est aussi, bien sûr, la façon dont il peut servir la création
artistique française. Nous avons besoin de l’Institut Français pour mieux
coproduire, pour faire circuler, pour diffuser la création artistique française
à l’extérieur de nos frontières. Je suis heureux, notamment, de voir que ce
projet de contrat reprend l’objectif qui m’est cher de développer l’action des
bureaux spécialisés à l’étranger. Pour notre action culturelle extérieure,
nous avons en effet besoin de spécialistes dans le domaine des arts
plastiques comme dans celui du spectacle vivant. Ce contrat d’objectifs et
de moyens propose également, de manière heureuse, une approche
graduée par aires géographiques : nul besoin en effet de créer des
bureaux spécialisés partout, l’important étant de veiller à ce qu’ils existent
et se développent dans quelques endroits stratégiques, des grandes
capitales culturelles comme Berlin, Londres et New-York, mais aussi chez
des partenaires majeurs comme par exemple le Brésil, et que l’on continue
d’appeler par commodité les puissances « émergentes ».
Dans le domaine du cinéma, la réforme du fonds Sud, menée avec le
ministère des Affaires étrangères, va dynamiser notre soutien aux cinémas
du monde. Le travail de veille du réseau culturel français, le relai
d’information que représentent les Instituts s’avèreront là aussi essentiel
dans la mise en oeuvre de cette réforme, qui vise à accroître l’efficacité et
la visibilité de notre aide aux cinémas du monde.
Je voudrais également insister sur les indispensables partenariats entre
l’Institut français et les établissements publics qui sont sous la tutelle du
ministère de la Culture et de la Communication. L’Institut a entamé un
dialogue constructif avec les directions générales du ministère et son
secrétariat général, ainsi qu’avec plusieurs de nos grands établissements
publics. Une convention de partenariat est en cours de finalisation avec la
Bibliothèque nationale de France ; une autre fait l’objet d’une négociation
avec le Centre national du livre.
Avec la Direction générale des patrimoines, l’Institut français assure la
présence de la France lors des grandes manifestations internationales
comme la biennale d'architecture de São Paulo ou celle de Venise. La
présentation de productions originales et représentatives favorise une
meilleure connaissance de l’architecture française à l’étranger et prépare le
terrain à l’exportation des savoir-faire nationaux.
Pour ce premier Conseil d’orientation stratégique, je voudrais remercier
tous ses membres de leur présence et de leur implication. Ce ne sont pas
les chantiers communs qui manquent, et sur tous les points que nous
avons pu rapidement aborder, je souhaite que nous puissions continuer
cette réflexion que nous avons désormais entamée. La qualité de ces
échanges au sein du comité d’orientation stratégique de l’Institut Français
sera en effet déterminante pour l’avenir de notre action culturelle
extérieure.
Je vous remercie de votre attention.