Historique
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Comme un drap terne, une tapisserie de fleurs aux couleurs éteintes - fanées - la dévoile sans surprise, sans érotisme, triste et lasse - juste la fatigue d'une femme encore belle, au visage dur... seule. L'atonie de l'expression, des reflets bruns sous une maigre chevelure blond vénitien, l'orangé des fleurs sans contraste avec la peau, plaquent définitivement le modèle contre le mur. Les mains crispées sur les rebords d'un simple tabouret contribuent à la raideur de l'ensemble. Pourtant il subsiste encore quelques réminiscences Nabis dans ce morceau de peinture. Hélas, la fête est depuis bien longtemps consommée, les artistes et les modèles ont vieilli ou sont morts. Seule, une pâle tapisserie, isolée et réduite à un pan de mur, semble encore témoigner de l'enthousiasme qui prévalait alors. Mais le peintre s'obstine, en appelle peut-être à Picasso, et veut reprendre à son compte l'inspiration géniale du Jeune homme à la pipe, dont le visage trouble était orné de la coiffe flamboyante des fleurs du papier peint. Pourtant, Tavernier, qui se fait à la fois nostalgique et réaliste, exécute une Gorgone contemporaine. A l'image de Méduse à l'instant décapitée, et dont on capte dans le regard glacial l'infime instant qui appartient encore à la vie mais déjà à la mort, l'artiste fige cette femme, mélange confusément douceur et rudesse et dévoile une jeunesse encore proche sur un crépuscule qui se profile déjà plus distinctement... interprétation toute personnelle ! Hippolyte Tavernier, qui exposera aux Salons des Indépendants, d'Automne et des Tuileries, partage son inspiration entre la nature morte, la peinture de figure ainsi que la sculpture. Peinte vers l'âge de cinquante ans, cette oeuvre de maturité semble une synthèse des genres qu'il aura abordés durant sa carrière. BM
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