HISTOIRE ET MEMOIRE


Jean-Marc POINSOT : " Avant-garde : deuxième essai "


On m'a demandé d'intervenir en tant qu'historien d'art. L'intitulé de mon intervention est "Avant garde : deuxième essai". Que les choses soient dites d'emblée et simplement. Le débat actuel n'apporte rien de neuf sur le plan de l'histoire de l'art. Il ne fait que rappeler ce qui a changé et que certains voudraient tout simplement nier. Et il s'appuie assez étrangement sur une critique des dogmatismes du modernisme qui a été engagée depuis de nombreuses années par les artistes eux-mêmes ou par leurs protagonistes.

L'histoire de l'art en tant que réification de ce qui s'est passé n'existe pas. Il y a de fait une discipline, une activité et des contributions à cette histoire de l'art. L'histoire de l'art des années 1955-1980 vient à peine d'accéder aux histoires générales de l'art, sous une forme bien sûr plus schématique que les histoires régionales qui ont pu être consacrées à tel pays, à telle forme d'art, à tel courant, et des principales contributions parues récemment sont informées par l'histoire générale. Elles adoptent une attitude d'enregistrement des faits les plus généralement admis, en s'efforçant de trouver les moyens d'articuler les discontinuités stylistiques, la diversité des médias utilisés, le nombre des œuvres candidates à une place dans cette histoire, le déplacement et les variations des ères culturelles. Pour des raisons éditoriales, ces histoires ont gommé toute thèse trop originale et peuvent donner l'impression de représenter la seule histoire possible à quelques détails près.

Or, l'histoire qui serait la totalisation de toutes les histoires possibles, comme la définissait BRAUDEL, n'existe que comme un concept et personne, ni aucune institution ne représente une telle histoire. Pourtant, il faut y tendre et en même temps repousser le temps de son achèvement. Il faut y tendre parce que les médias et les institutions donnent une idée très éclatée de la création, alors que la période 1955-1980 semblait se caractériser par des échanges inter-médias. Il faut la repousser parce qu'il est bon que les histoires sectorielles ou thématiques fassent éclater les regroupements convenus. Par exemple, je trouve tout à fait intéressant de voir comment l'histoire récente de la photographie a intégré, dans une lecture qui lui est propre, les travaux d'artistes qui ont utilisé la photographie tenue jusqu'au début des années 1970 en dehors de la réalité esthétique photographique et qui, indirectement, par leur impureté, ont contribué à redonner à cette photographie une vraie place dans l'art. Pour la peinture, la question est différente car, malgré les ouvertures récentes des histoires de l'art aux nouveaux médias, il y a toujours une réticence à penser que les œuvres nouvelles puissent avoir un statut comparable aux précédentes. La reconnaissance de cet art pose problème, parce qu'elle bute sur des obstacles majeurs que sont la dématérialisation de l'œuvre d'art, le problème de l'originalité, la question de l'objet et l'éclaircissement des modes de socialisation de l'art contemporain.

Je vais donc m'attacher à ces questions mais je crois qu'il est aujourd'hui nécessaire que certains entreprennent une histoire de la peinture contemporaine qui ne serait pas une histoire générale de l'art contemporain, mais une histoire de la peinture qui serait aussi prédatrice que l'histoire actuelle de la photo, et qui considèrerait sans a priori ce que sont ses aboutissements après la fin de son monopole esthétique. Car il y a des choses neuves que l'ancienneté du médium masque. On pourrait procéder de même dans une histoire plus anthropologique de la mimesis, mais à condition de ne pas considérer que les échanges vont à sens unique entre toutes les pratiques soumises à examen, ni que les champs qui délimitent les objets à comparer soient trop dissociés par une autonomie devenue plus réductrice que libératrice.

Vues de 1975, par exemple, les vingt années précédentes pouvaient être interprétées comme un nouveau départ, après une longue interruption de l'histoire des avant-garde. Vues d'aujourd'hui, ces mêmes années semblent relever d'une histoire moins erratique, et s'intégrer dans une plus longue durée. Je serais même enclin, comme beaucoup, à percevoir ces années non comme une période homogène, mais comme d'une part la fin tapageuse au début des années soixante de l'histoire des avant-garde enfin retrouvée et d'autre part, l'émergence après 65 d'une génération qui se situe au-delà, en dehors de l'idéologie avant-gardiste et des dogmes modernistes. Pour le dire plus simplement , le deuxième essai de l'avant-garde, c'est à la fois sa redécouverte et son dépassement.

La période 1955-1980 est une période de restauration, au sens propre du terme, de l'art du début du siècle qui avait été détruit, oublié, ou démonté. C'est dans le cours des années cinquante que Marcel DUCHAMP commence avec Arturo SCHWARTZ à produire, ou à autoriser la production de répliques de ses ready-made, et d'autres œuvres comme "Le Grand Verre". C'est un peu plus tard, au début des années soixante, que son compagnon Man RAY redonne vie à ces objets qu'il avait fixés sous forme de photographies. C'est en 1958 que le Stedelijk Museum d'Amsterdam acquiert près de 70 peintures et dessins de MALEVITCH. En 1965, que Jan LERING, Conservateur du Van Abbemuseum d'Eindhoven fait reconstituer la salle Proun de LISSITZKY. Et il faudra attendre 1983 pour qu'à l'initiative d'Harald SZEEMANN, on construise une nouvelle version du Merzbau de SCHWITTERS. Il me faudrait ajouter, dans ce mouvement, les reconstitutions d'expositions dont la première foire internationale dada de Berlin qui eut lieu en 1920, reconstitution qui a été faite à l'occasion d'exposition Stationen Modernen qui eut lieu en 1989. Ceci pour dire qu'on avait un peu trop vite réduit l'histoire de l'art du siècle à des objets mobiliers conventionnels et que l'on avait quasiment oublié tout le reste et là, le conservateur du Musée PICASSO ne me contredira pas car c'est bien parce qu'on les avait oubliées ou tenues pour négligeables que les constructions de Picasso ont pu parvenir jusqu'au musée qui porte maintenant son nom. Mais à peine ce travail de restauration est-il entrepris, à peine a-t-on recouvré une partie sinistrée de l'art du début du siècle que certains voudraient renvoyer tout cela sur le bûcher. Et, dans un même élan, évacuer tout ce qui s'est fait depuis les années cinquante, sous prétexte que cela ne ressemble pas à un tableau de chevalet, ou à un bronze de bonne fonte.

On connaît les arguments de nombreux historiens d'art selon lesquels toute une partie de l'art, dans ses débordements événementiels, ne laisserait que des traces insignifiantes et peu éligibles au statut d'œuvre d'art. Et pourtant, la période 1955-1980 a renoué avec la possibilité ouverte au début du siècle de créer des œuvres matérialisées autrement que sous la forme néanmoins toujours vivante du tableau ou de ses équivalents, en sculpture ou dans les arts graphiques. Ce que les objets, les installations, les happening et autres performances mais aussi les peintures murales nous proposent, ce sont des œuvres qui accèdent enfin à un mode de transmission immunisé contre les maladresses des transporteurs ou la rage des vandales. En d'autres termes, qui échappe à la seule transmission matérielle. Jusqu'au haut Moyen-Age, la fixation des œuvres plastiques dans la matière constituait un très grand avantage par rapport aux autres arts, comme la musique, dont il faut reconnaître qu'elle n'a inventé ses méthodes de notation que très tardivement dans l'histoire de l'humanité. C'est encore un peu plus tard que l'invention de l'imprimerie allait donner au texte une liberté de circulation, et à terme une liberté par rapport au pouvoir que les Cassandre d'aujourd'hui n'auraient pas manqué de dénoncer hier. Ce point est l'un de ceux qui rencontre aujourd'hui le plus de résistance chez les intellectuels. Mais on ne va pas dans un même mouvement oublier toute la musique écrite depuis l'invention de la notation, ou renoncer aux œuvres et aux genres littéraires que l'invention de l'imprimerie en Europe a rendu possible.

On a reproché à l'art conceptuel ou à l'art minimal leur caractère didactique et réducteur, pourtant il était indispensable de faire comprendre que la dématérialisation de l'objet d'art n'était pas la fin du monde sensible. Que l'œuvre soit confiée au langage, comme chez Lawrence WEINER, qu'elle soit transmise par la photographie, ou qu'elle soit démontable comme une ligne de pierres de Richard LONG, qu'elle inclue des éléments vivants comme certaines œuvres de KOUNELLIS, et ce sont autant de ressorts sensibles et imaginaires nouveaux disponibles pour les artistes plasticiens. La peinture ou la sculpture n'en disparaissent pas pour autant. Pourquoi donc cette évolution a-t-elle semblé indispensable, ou bien à la suite de quels événements s'est-elle produite ?

L'intégration dans l'art de matériaux sémiotiques nouveaux qui se manifestent dans l'ensemble des courants anti-forme, art conceptuel, art corporel, Land Art, arte povera que certains énumèrent avec complaisance et dérision, est un événement majeur de cette période. A l'art de l'objet qui pouvait convoquer de façon définitive et temporaire les objets du monde quotidien, celui des attitudes a ajouté l'utilisation d'un certain type de signes, comme des fragments de paysages, des espaces d'exposition, des actions et des processus qui ont permis aux arts plastiques une transversalité et une universalité de leurs propos qui n'étaient plus possibles avec l'évolution contemporaine du monde de l'image. Non pas que ce monde de l'image soit devenu indifférent aux artistes, car nombre d'entre eux se sont saisis des nouvelles possibilités de production d'images.

Cet art des attitudes fait apparaître que l'image est déjà là, que les processus sociaux de production des images modèlent en permanence l'imaginaire, les identités, le monde de la connaissance, que les savoir-faire devenu des technologies d'usage banalisé ont perdu de leur importance face à ces processus sociaux, et que si l'artiste veut encore nous parler du monde avec une certaine liberté, c'est de ces processus qu'il doit nous entretenir, et non seulement de l'art de la composition et de l'imitation.

Alors, il se trouve que les photographies de BOLTANSKI ne sont plus des opera operata, voire que ce dernier s'est donné un malin plaisir à bien montrer que leur choix était relativement indifférent, que ce qui les constituait comme signe n'était plus sa main, ni même son regard, mais la mise en évidence de leur fonctionnement par la présentation. Ainsi VILLEGLE depuis 49, BUREN depuis 67, ou BOLTANSKI depuis 68, ne font plus des œuvres originales au sens de la première image créée par la main de l'homme. Il faut reconnaître que ce n'est pas là ce qui lie l'homme qui dessina les taureaux de Lascaux et l'artiste contemporain. Et pourtant ce sont des œuvres d'art. Car de même que les musiciens n'ont pas inventé les sons de telle ou telle fréquence, de même les artistes plasticiens ont compris qu'ils pouvaient mettre en œuvre ou simplement utiliser comme signe, des objets, des situations, des espaces sans que pour autant leur pensée et leur sensibilité ne s'asservissent ou que leur capacité de production en soit diminuée. SARKIS a conçu en 83 une œuvre tout à fait symptômatique de cette question de l'originalité : le forgeron dans le rôle de KRIEGSCHATZ. C'est une œuvre qui donne à voir au-dessus d'une pièce à claire-voie, éclairée par le néon qu'elle contient, une sculpture de forgeron du type de celle que l'industrie artistique du XIXe siècle a produit en grande série. Sculpture dont le visage est recouvert des traits de SARKIS lui-même, en pâte à modeler. Elle résume un certain nombre des contradictions dans lesquelles l'art d'aujourd'hui est pris. L'art a désormais une valeur symbolique telle qu'il est ce que SARKIS qualifie de trésor de guerre. Il est pris dans l'industrie culturelle et médiatique que symbolise la sculpture et le néant. Mais l'artiste semble resaisir ce monde et lui donner un sens et un visage.

On peut aussi comprendre que la société s'accomode un peu trop facilement d'une subjectivité de façade, pour préserver dans le champ de l'art la dernière forme d'artisanat qui puisse laisser croire aux possibilités démiurgiques de l'homme. Cette ambiguïté qui, par ailleurs, a tant irrité certains commentateurs de WARHOL, est pourtant un des moyens par lesquels les artistes de cette période ont à la fois l'intelligence et la sensibilité de nous donner à voir le monde tel qu'il est, mais aussi tel que, soit les normes sociales, soit notre propre imaginaire, le transforment. Les artistes comme SARKIS, KOUNELLIS, MERZ ou BEUYS n'ont jamais quitté le terrain de l'allégorie. Si l'on se penche sur de nombreuses œuvres de cette période, il apparaîtra assez clairement, comme l'analysait Greg OWEN à propos de SMITHSON, que les artistes ont renoué dès la fin des années soixante avec des modes de signification complexes, tout en renouvelant l'ordre des signes utilisés. La capacité à produire du sens ou de l'émotion n'est donc pas directement associée au processus de transformation de la matière. Et il est évident que les nouvelles technologies de l'image, et pas seulement l'invention de la photographie, ont largement contribué à rendre possible les processus de dématérialisation dont l'art de la fin des années soixante fait le récit. Les artistes et, avec eux, une grande partie du public ont compris que le sacrifice du tableau de chevalet n'abolissait pas la peinture et que la dématérialisation ne réduisait pas le statut de l'œuvre au caractère renouvelable de la marchandise, mais qu'au contraire elle lui permettait de sortir de ce cycle.

On a beaucoup glosé sur la dimension commerciale de l'art contemporain. On a oublié cependant d'observer ce qui s'était réellement passé sur le marché et qui allait conserver un statut à part aux productions plastiques. Dans le cours des années soixante, les derniers courants revendiquant un comportement avant-gardiste ont imaginé pouvoir lancer une nouvelle industrie culturelle avec la production de multiples. Cette notion intégrait à la fois une relance de l'estampe et du livre d'artiste à tirage limité, mais aussi l'édition d'objets dans des quantités peu compatibles avec les règles de l'édition à tirage très réglementé et surveillé de la sculpture. WARHOL a fait imprimer des séries graphiques qu'il vendait au prix de simples affiches, les cinétiques ont produit des objets animés, BEUYS a signé des boîtes, mais au lieu de s'imposer comme l'industrie du disque, cet ars multiplicata, pour reprendre le titre d'une exposition qui s'est tenue à Cologne en 1968 sur ce sujet, cet ars multiplicata a fait long feu.

En lieu et place, se seront seulement imposés, et ceci avec un retard particulier en France par rapport à l'Amérique et une bonne partie de l'Europe, des lieux publics de diffusion de l'art contemporain. Musées et centres d'art, ils sont aujourd'hui l'objet de toutes les critiques, alors que, contrairement à ce qui est dit, il contribue d'une part à la poursuite de l'élargissement historique du public de l'art et d'autre part à la diversification des modes de diffusion de l'art. Leur généralisation très tardive en France a tendu à faire oublier les transformations profondes intervenues dans la socialisation de l'art et simultanément dans ce qu'on peut appeler les genres artistiques. En d'autres termes, les ballades de BUREN dans les rues de Paris en 68 pour y coller ses papiers rayés ou celles du futur groupe Support-surface dans les villes et campagnes du sud de la France autour de 1970, le magasin investi par OLDENBURG dès le début des années soixante, ou ses projets utopiques de monuments démesurés, ou encore les expositions squattées par CADERE avec ses barres de bois rond, n'ont pas été de vaines initiatives car elles ont revendiqué une place pour l'art qui ne soit pas seulement réservé aux amateurs fortunés et aux esthètes de haut vol. Tout le monde n'est pas LUDWIG ou PANZA DI BIUMO. Même si quelques collectionneurs belges des années soixante-dix ont su prouver qu'il n'était pas nécessaire de rouler sur l'art pour collectionner de l'art conceptuel. C'est précisément parce que certains artistes se sont interrogés avec l'aide de ZADIGOLO, Michel CLORA et de quelques autres sur les moyens de produire cette rencontre avec le public que de nouvelles pratiques se sont instaurées dans des lieux d'exposition. Entre les salons et le musée d'art contemporain, la France n'a pas vraiment connu d'alternative, à l'exception de Grenoble et de Saint-Etienne, alors que les musées allemands étaient, dès le début du siècle, acheteurs des œuvres nouvelles de l'expressionnisme au cubisme, et qu'en Hollande et en Suisse, il était possible de voir des œuvres contemporaines. De nombreuses institutions ou structures alternatives aux Etats-Unis permettaient de montrer de l'art actuel. En fait, et là réside le fait important, l'idée que la collectivité puisse, d'une manière quelconque, faciliter l'accès aux œuvres nouvelles des plasticiens, va s'imposer de manière forte, comme elle s'était imposée plus tôt pour le théâtre ou la musique.

Le problème majeur qui n'a pas encore été résolu, tient à la nature particulière des musées par rapport aux salles de spectacles. On peut assister à un concert de musique ancienne, sans avoir à assimiler un cours d'histoire de la musique. Alors que les musées sont non seulement ordonnés selon des principes chronologiques, mais aussi selon des hiérarchies esthétiques qui impliquent dans l'esprit du plus grand nombre, une sélection sévère et définitive qui suggère des valeurs ayant résisté à l'examen de la critique. Ainsi, si partout en Amérique du Nord et en Europe non latine, les œuvres nouvelles trouvaient place dans des lieux faits pour les recevoir tels quels, fortes et plébiscitées ou au contraire plus précaires et expérimentales, en France, les années soixante-dix sont dominées par un long lamento sur l'absence de lieux et d'intérêt pour l'art. Les artistes qui avaient su saisir toutes les possibilités de ces espaces nouveaux devaient aller exposer qui en Allemagne comme BOLTANSKI ou SARKIS, qui un peu partout ailleurs comme BUREN qui suivait le chemin des nouveaux réalistes, mais il n'était pas donné à tous de se transformer en globe-trotter avant d'avoir reçu un soutien minimum pour engager les premières expériences.

C'est l'exposition "Quand les attitudes deviennent forme" qui, en 1969, a instauré la production d'expositions comme un genre. Non pas qu'elle fut la seule, mais elle eut le mérite d'être la plus démonstrative et prospective. Les premiers centres d'art, de Bordeaux, Dijon ou Lyon allaient engager des pratiques qu'ignoraient encore les musées, à savoir instaurer la commande en exposition. Il s'agissait de proposer une exposition à un artiste, sur la base d'un projet plutôt que d'un travail déjà réalisé, avec tous les aléas mais aussi toutes les libertés que cela allait permettre. Bien sûr le marché n'avait pas encore fait son choix. Les collectionneurs n'avaient pas déjà formulé leurs préférences, et la critique toujours prononcé ses verdicts, mais on pouvait enfin voir de l'art en train de se faire. Et de se faire près de soi, sans être obligé de faire le voyage vers la capitale artistique du moment.

Ce que traduit le débat aujourd'hui en France, c'est le fait que pour l'essentiel, l'élargissement des modes de socialisation de l'art a été pensé et mis en place d'un seul coup, et sur un nombre de modèles restreints. Les musées se sont sentis menacés et ont réagi très vite pour occuper le terrain ou proposer leur modèle comme solution exclusive. Or, la richesse de la période 1955-1980 a consisté, sur le plan de l'art, à élargir les registres, le propos des œuvres et leur mode de socialisation. Et le musée est loin de constituer dans ses modèles actuels le lien le plus adapté à toutes les formes de l'art contemporain. De même, l'histoire de l'art, bien que cela ne soit pas à moi de le dire, d'être le seul mode d'accès aux œuvres. En effet, si nous sommes bien sortis de l'ère des avant-garde, ce qui n'est nullement un rejet des apports de la modernité, il faut bien comprendre que l'histoire de l'art ne peut plus se présenter comme le discours d'autorité exclusif qui autorise la fréquentation des œuvres. Cette histoire de l'art n'est utile que si elle est plurielle, si elle s'articule avec d'autres discours et si par ailleurs la diversité des acteurs qui concourent à la socialisation de l'art, la diversité des pratiques de fréquentation de l'art contemporain assure à cet art d'autres possibilités de s'inscrire dans la mémoire de notre société.



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