Développer la conservation verte et anticiper les risques climatiques
L'adaptation aux effets du changement climatique, et la volonté de réduire les pollutions et les impacts sur la biodiversité, impliquent de repenser la conservation et la restauration des œuvres et des sites patrimoniaux.
Le ministère de la Culture est engagé sur ces questions depuis plusieurs années. Une journée professionnelle dédiée a été organisée en 2021 par la direction générale des patrimoines et de l'architecture sur la thématique de la «conservation verte ».
Sur la page en lien sont disponibles les vidéos de plusieurs interventions sur les divers sujets techniques abordés à cette occasion, qu'il s'agisse des matériaux, de la gestion de l'espace et du climat, de la conciliation de différents impératifs parfois contradictoires. Le Service interministériel des Archives de France (SIAF) et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ont également publié des tutoriels sur la conservation verte sur le portail national des Archives.
Le sujet de la conservation verte suscite des discussions approfondies dans les professions concernées. Ainsi, une soirée de débats autour des questions déontologiques soulevées par la transition écologique a été organisée fin 2022 par l'ICOM France, branche française du Conseil International des Musées.
Planifier pour s'adapter au changement climatique et anticiper les risques
Élaborer et mettre en œuvre des plans de sauvegarde des biens culturels (PSBC) constitue une priorité pour les lieux conservant des biens culturels patrimoniaux, au premier rang desquels les musées de France. Il s'agit d'anticiper et de préparer les divers risques auxquels les collections sont déjà et seront exposées à l'avenir. Parmi ces risques figurent, de plus en plus fortement, les effets du changement climatique : extrêmes de température et d'humidité plus intenses et plus longs, probabilités accrues d'incendie, d'inondation, de submersion marine, de tempête…
Le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) coordonne depuis 2019 un vaste projet de développement des PSBC pour les musées de France, en veillant à intégrer les problématiques liées à la transition écologique et aux risques climatiques. Le déploiement des PSBC (rédaction puis mise en œuvre) demeure néanmoins inégal et doit s'intensifier. Le C2RMF met à disposition des ressources en ligne pour rédiger le Plan de sauvegarde des biens culturels.
Télécharger le manuel d'aide à la rédaction d'un PSBC du C2RMF
La climatisation comme sujet récurrent
Le contrôle du climat intérieur a commencé dans les années 1960 avec le développement de la conservation préventive et des systèmes de ventilation et de climatisation.
L’objectif aujourd'hui consiste à maîtriser l'utilisation de la climatisation, et optimiser le recours à cette dernière, afin d’assurer une stabilité du climat. Le travail sur les cibles de température et d’hygrométrie est ainsi renouvelé et affiné, à l'aune des enjeux environnementaux de sobriété énergétique et d'adaptation au changement climatique.
A savoir
Une des notions importantes en matière d'adaptation des conditions de conservation aux contraintes écologiques est celle de "couloir climatique". Au lieu de la valeur de contrôle unique habituelle, il s’agit d’établir une plage de contrôle avec des valeurs limites (minimales et maximales), qui changent en fonction des saisons.
Ce travail est mené par les professionnels eux-mêmes. Le C2RMF a notamment mis en ligne des fiches techniques thématiques et des ressources sur la conservation préventive, notamment sur le climat. L'outil "Cli-Matrice", également développé par le C2RMF, complète ces fiches en permettant entre autres d'anticiper l'impact d'une modification de la température sur l'humidité relative, de comparer les bilans climatiques de plusieurs espaces, d'appréhender la tendance climatique par saison…
Et en Europe ?
A l'échelle européenne, les musées d’Allemagne ont déjà commencé à mettre en place des mesures dans ce domaine, consultables en français sur le site de l’Association suisse des musées.
Dans un contexte de tropicalisation progressive du climat dans l'Hexagone, la réflexion est alimentée par l'expérience acquise par les musées et autres lieux de conservation dans les outre-mers. C'est le cas, par exemple, d'un travail mené par le C2RMF.
Enfin, il est important de rappeler que l’arrêt provisoire ou complet des installations techniques (fluides et traitement d’air) peut avoir des conséquences directes, rapides, potentiellement graves et difficilement rattrapables sur l’état de conservation des biens culturels.
Éclairage et économies d'énergie
Une priorité dans le cadre muséal est de passer à l’éco-éclairage qui consiste à remplacer les lampes à incandescence par des LED. De nombreux musées sont déjà équipés de LED, ce qui permet une gestion plus fine de l’éclairage en n’éclairant une œuvre que si quelqu’un se tient devant elle, ou en jouant avec la lumière naturelle tout en préservant de la chaleur.
Le premier retour d'expérience permet de confirmer que si investir dans les LED est coûteux sur le court-terme, cela permet des économies énergétiques et budgétaires à partir de deux à cinq ans.
Au-delà, c'est l'ensemble du système de gestion de l'énergie qui gagne à être revu et optimisé, avec une gestion au plus près des besoins, espace par espace, minute par minute. Il est ainsi nécessaire de promouvoir les solutions durables dans le domaine des aménagements nécessaires à la conservation et à la mise en valeur des biens culturels.
Initiatives & bonnes pratiques
Le projet d’extension des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine fait figure d’exemple en matière de bonnes pratiques de conservation durable. S’agissant des aspects bâtimentaires, le parti architectural de la tour préserve le maximum d’arbres et augmente la surface du jardin, tandis qu’une stratégie végétale permet de diversifier les essences et les hauteurs de plantations, de manière à enrichir la palette des espèces existantes. Par ailleurs le bâtiment est bien isolé, l’implantation des différentes fonctions selon l’orientation est bien adaptée à leurs usages. Concernant les consommations d’énergie, les pieux géothermiques assureront le chauffage et le refroidissement avec un complément de chauffage urbain, et la production photovoltaïque répondra à une partie des besoins énergétiques. On peut souligner encore l’utilisation de certains matériaux géo/biosourcés ou de réemploi. Sur la partie CVC, on adopte des fourchettes larges de température et d’hygrométrie dans les magasins de conservation, on y apporte un minimum d’air neuf et on utilise des gaines très haute induction, ce qui permet de brasser l’air à un débit moindre, tout en restant aussi performant qu’avec des gaines plus classiques. Deux propositions sont plus inédites : on prévoit de diminuer le chauffage et le rafraîchissement des autres zones le soir, et on active l’air neuf dans les bureaux et les ateliers uniquement s’ils sont fréquentés (via des capteurs de CO2).
Lire le communiqué de presse sur l'extension des Archives nationales de Pierrefittes-sur-Seine
Ce centre d’art contemporain a lancé avec les Augures, une expérimentation, « Couper les fluides », entre février et juin 2023 durant laquelle il a coupé en quasi-totalité les fluides énergétiques – eau, gaz, électricité.
Le MUCEM à Marseille a réglé la climatisation de ses salles un degré plus haut en été afin de réaliser des économies d’énergie, sans compromettre les œuvres, et mène par ailleurs une politique d’éco-conception de ses expositions. Le musée s'appuie également depuis sa création sur une centrale de production thermo-frigorifique, qui en utilisant l'eau de mer et un fonctionnement similaire à celui d'une pompe à chaleur, permet de réduire de 20% sa facture d'énergie.
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