Le Pradet - Villa Artaude
- département : Var
- commune : Le Pradet
- appellation : Villa Artaude
- adresse : 503 chemin de l'Artaude
- auteur : Charles-Edouard, JEANNERET dit LE CORBUSIER (architecte)
- date : 1930-1931
- protection : Inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 29 décembre 1987
- label patrimoine XXe : Circulaire du 1er mars 2001
La comtesse de Mandrot, mécène fortunée, accueille dans son château de La Sarraz en Suisse le premier Congrès International d'Architecture Moderne en 1928. C'est à cette occasion qu'elle rencontre Le Corbusier. En août 1929, elle demande à l'architecte de lui dessiner une petite maison de vacances : "... je ne veux pas y mettre beaucoup d'argent, quelque chose dans le genre de celle de votre mère avec deux chambres à donner, quatre lits en plus et un jardin". Madame de Mandrot emménage en juillet 1931 et une seconde période de travaux est immédiatement engagée jusqu'en juillet 1936, nécessaire pour rendre "habitable" la maison : étanchéité, enduits des murs extérieurs et pose de volets roulants altèrent le dessin d'origine.
Charles-Edouard Jeanneret (1887-1965), dit Le Corbusier, est la figure dominante du courant architectural moderne au XXe siècle. A l'Ecole d'Art de La Chaux de Fonds, en Suisse, il complète sa formation au contact des grands architectes du moment (Peter Behrens à Berlin, Auguste Perret à Paris) et surtout par des voyages dans le monde méditerranéen dont il revendique l'héritage et la sensibilité. Les années 1920 correspondent à la série des villas puristes (qui s'achève avec la fameuse Villa Savoye) conçues comme des métaphores d'objets industrialisés sur la base du fameux "plan libre" et des "cinq points de l'architecture moderne". Des programmes de plus grande ampleur sont réalisés dès les années 1930 mais surtout après la deuxième guerre mondiale où son écriture change pour adopter un ton plus "brutaliste" (le béton brut de décoffrage...) et plus sculptural, à l'image de l'Unité d'habitation de Marseille, de la chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp et du couvent de La Tourette à Eveux ; mais aussi des grands chantiers urbanistiques qui arrivent avec la reconnaissance internationale (Chandigarh, capitale du Pendjab en Inde). Partisan de la "synthèse des arts" chère aux avant-gardes modernes, il développera toute sa vie une série d’activités cohérentes d'architecte, d'urbaniste, de peintre et d'écrivain.
La villa l'Artaude illustre comment Le Corbusier, infléchissant ses principes dès le début des années 1930, d'une part associe et joue des rapports entre matériaux traditionnels et nouveaux ; d'autre part articule plus étroitement ses édifices à leur site d'inscription. Ici, la parcelle occupe un promontoire. Le bâtiment s'y implante en travers au point culminant. Le principe constructif adopté consiste en planchers de béton armé portés par des murs de maçonnerie apparente formant "chevalet ", des parois vitrées remplissant les espaces vides. Six modules de 4 x 4 mètres forment un plan en L ; un septième module isolé constitue un pavillon d'amis. L'ensemble complété d'une paroi pare-vent, configure au sud une terrasse-jardin — qui s'inspire sans doute de l'archétype méditerranéen du patio — fermée sur trois côtés, surplombant le terrain naturel et sur laquelle s'ouvrent les espaces de séjour. Au nord, au contraire, la façade lisse sur deux niveaux, laisse voir l'atelier occupant une partie du sous-sol. Sur cette façade, la seule ouverture du séjour est une porte pleine débouchant sur le palier haut de l'escalier du jardin, "perron d'où le spectacle fait comme une explosion". Cette dualité des deux faces, ce contraste, est confirmé par deux sculptures de Jacques Lipchitz. L'une focalise l'espace intime de la terrasse, tandis que l'autre plus au loin sur sa stèle dans le jardin, marque l'échelle du développement paysager des montagnes. L'inscription dans le site s'affirme aussi par l'emploi de la pierre apparente jointoyée issue du terrain. C'est une réponse mi-sérieuse, mi-ironique de Le Corbusier au succès du style néo-provençal.
- Rédacteur : Jean-Lucien Bonillo, ensa Marseille, 2002
- Source : 20 monuments du XXème siècle, exposition patrimoine moderne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, eaml, 2002
Partager la page