Manosque - Lotissement Les Mûriers
- département : Alpes-de-Haute-Provence
- commune : Manosque
- appellation : Lotissement des Mûriers
- auteur : Georges Candilis (1913-1995) (architecte)
- date : 1962-1963
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) du 28 novembre 2000
Manosque connaît dans les années 1960 une expansion économique, à l'origine d'un fort accroissement démographique, générée par trois phénomènes concomitants : les aménagements hydroélectriques du canal de la Durance, l'installation du Commissariat à l'Energie Atomique de Cadarache (C.E.A.) à 25 kilomètres de Manosque et l'arrivée des rapatriés d'Afrique du Nord. Cet afflux soudain de population oblige les urbanistes à revoir le plan de développement de la ville pour les années à venir. Le nouveau plan prévoit une extension de la ville vers le sud jusqu'à la voie ferrée. C'est dans ce périmètre, appelé à devenir la future zone résidentielle, administrative et commerciale, équipée de toutes les infrastructures modernes, qu'est implanté sur un terrain quadrangulaire, situé entre le stade et la gare, le lotissement Les Mûriers.
Le lotissement s'organise sur une division en parcelles mitoyennes, disposées en lanières étroites et réparties en trois ensembles distincts formant un U ouvert au sud. Au centre se trouve un jardin collectif aménagé en butte artificielle, recouverte d'une composition végétale qui reproduit les effets d'un paysage naturel et préserve l'intimité en évitant les vis-à-vis directs. Les habitations, identiques, sont accolées deux à deux et forment un module carré qui se répète, disposé en dents de scie dans chaque ensemble. L'ossature générale est en béton armé, les murs-rideaux en agglomérés de ciment creux, la toiture à deux pans recouverte en tuiles creuses. L'expression rythmique moderne des façades est obtenue grâce à un savant calcul de composition qui individualise par le relief et la couleur chaque élément de la construction et contribue au caractère cubiste de l'ensemble. La trame géométrique, composée des lignes horizontales et verticales formées par l'épaisseur des éléments de structure de l'ossature, est soulignée d'un enduit blanc. Les murs-rideaux, positionnés en retrait ou en saillie, donnent du relief à la surface et sont traités en grands aplats colorés. Le logement, traversant, comprend un étage de soubassement avec garage et cave, un rez-de-chaussée surélevé et un étage, le tout divisé en demi-niveaux. L'étage ouvre sur une terrasse d'agrément aménagée, côté butte, sur une partie des combles. L'aménagement intérieur privilégie la séparation des fonctions et la fluidité des espaces. La lumière pénètre largement par le mur du séjour entièrement ouvert par une baie vitrée. Les équipements (cuisine équipée, coin-repas avec passe-plat et banquette, bibliothèques, placards) reprennent l'idée du mobilier intégré de Le Corbusier et Charlotte Perriand.
Georges Candilis, élève de Le Corbusier auprès duquel il dirige les travaux de l'Unité d'habitation de Marseille, est réputé pour les grands projets d'architecture et d'urbanisme, centrés sur l'habitat collectif, qu'il mène en Afrique du Nord (il anime l'Atbat-Afrique) et en France (Z.U.P. de Toulouse Le Mirail) avec son agence Candilis-Josic-Woods internationalement renommée. En 1953, il élabore une théorie sur l'organisation du volume intérieur qui se base sur les unités d'habitation en duplex de Le Corbusier. Tout en conservant les principales qualités du duplex corbuséen (double orientation, logement en profondeur, minimum de façade, séparation des fonctions), il supprime la double hauteur du séjour qu'il remplace par la création d'un demi-étage plutôt que d'un étage, ce qui induit une économie en hauteur et en volume et une meilleure habitabilité grâce à la fluidité nouvelle donnée aux circulations. Cette théorie est clairement appliquée au programme de Manosque.
Le C.E.A. de Cadarache, installé depuis 1959 à Saint-Paul-les-Durance, devient rapidement un pôle de développement régional important. En 1961, l'entreprise prévoit pour le logement de ses salariés, la construction à Manosque d'un lotissement de 34 maisons en bande avec jardins privatifs et de cinq immeubles collectifs. Ce projet initial est similaire à celui d'Aix-en-Provence appelé Le Petit Nice réalisé la même année par Georges Candilis également pour le C.E.A. Dans le programme final de Manosque, seul le lotissement a été réalisé. L'entreprise de construction est la Société des Grands Travaux Alpins (S.G.T.A.). Le montage financier passe par la création d'une Société Civile Immobilière et l'obtention de prêts à la construction. L'ensemble réalisé entre 1962 et 1963 comprend un lotissement concerté de 30 maisons où le découpage en parcelles régulières est soumis à des contraintes, architecturales et de plan-masse.
Le lotissement a subi plusieurs modifications, notamment : adjonction de deux maisons en rupture avec le parti architectural et la trame constructive ; disparition de la polychromie d'origine des façades. Cet ensemble réalisé avec un grand souci du détail, conserve une échelle humaine suffisamment rare dans ce type de programme immobilier pour qu'il mérite d'être souligné et surtout préservé. Le lotissement des Mûriers apparaît comme une œuvre de premier plan tant par la qualité de son architecte que par l'ambition et la réalisation du projet. Le lotissement fait partie du périmètre de la Z.P.P.A.U.P. de Manosque et bénéficie du label Patrimoine du XXe siècle.
Version imprimable de la notice : lotissement des Mûriers
- Rédacteur : Claudine Bron, historienne de l'art
Partager la page