Historique
|
Il y eut deux Roger Bissière, le peintre citadin et le peintre paysan. L'un, ami de Braque et d'André Lhote, enseignant à l'Académie Ranson, critique d'art au journal L'Opinion et collaborateur de la revue L'Esprit nouveau, s'engagea dans le stimulant débat des théoriciens de l'art français de l'entredeux-guerres. L'autre, ami des forêts et des champs, artisan et poète, se détacha avec beaucoup de philosophie de l'effervescence intellectuelle parisienne pour mener une vie simple, recueillie et vraie dans la propriété familiale de Boissiérettes, dans le Lot. Bissière se plaisait à souligner lui-même que sa carrière avait commencé à soixante ans, après qu'il eut quitté Paris. Et pourtant, même ébranlée par des moments d'incertitudes, de crises et de silence, la période parisienne fut déterminante dans le cheminement qui conduira le peintre vers l'abstraction. Ses articles nous renseignent sur sa conception originale de la modernité qui, selon lui, devait s'inscrire dans la continuité de la peinture française. Séduit un temps par un cubisme tempéré, il s'orienta dans les années vingt vers une peinture figurative, marquée à la fois par un certain " retour à l'ordre " à la française et par une esthétique post-cubiste plus sensuelle que l'on retrouve chez Braque à la même époque. Les collections publiques, exceptées celle du musée d'Agen, conservent peu de témoignages de cette période, privilégiant surtout les oeuvres non figuratives du " petit frère d'Assise de Boissiérettes ". Le tableau retenu par Robert Coustet répare cette injustice. Le Nu au hamac synthétise parfaitement les différentes orientations prises par le peintre. La touche large et vibrante réservée aux accessoires et à la frondaison rappelle la manière utilisée par Braque pour ses natures mortes des années 1920, tandis que la monumentalité sculpturale de la femme évoque davantage les figures allégoriques caractéristiques de l'entre-deux-guerres. Quant au thème de la figure dans un paysage, il est récurrent dans les peintures que Bissière expose à ce moment-là à la galerie Druet. D'une forte présence et d'une douce poésie, le Nu au hamac, qui est aussi un hommage à Courbet, parvient à un savant équilibre entre tradition et modernité. DD
|
Bibliographie
|
2009, Collection particulière, a private collection, Bordeaux, ed. Le festin, (repr. cat. p. 34 et 152-153.)
|